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R�publique du Burundi
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Burundi
R�publique du Burundi
Republika y'Uburundi
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1 Situation g�ographique
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Le Burundi (officiellement la r�publique du Burundi) est un
pays de hauts plateaux d'Afrique centrale situ� sur la ligne de s�paration
des eaux du Congo et du Nil, au
c�ur
de la r�gion des Grands Lacs. De tous les pays
voisins, c�est le Rwanda qui demeure le plus proche du Burundi, car ces deux
pays partagent des identit�s g�ographiques, humaines et historiques, sans
compter de nombreux particularismes linguistiques provenant d'une situation
similaire avec les langues locales. Rappelons aussi que le Burundi, le Rwanda et
le Congo-Kinshasa sont d�anciennes colonies belges.
Le pays est born� � l'ouest par le lac
Tanganyika et, � l�exception du petit Rwanda (au nord) qui n�a que 26 000
km�, le Burundi est entour� de pays immenses dont la Tanzanie (� l�est et
au sud-est) avec ses 941 550 km�, et surtout � l�ouest par le Congo-Kinshasa
avec 2 345 410 km� (voir la carte).
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D'ailleurs, le premier �v�que africain du pays voisin, le Rwanda, Mgr
Bigirumwami, disait � propos de la superficie de son pays encore plus petit
que le Burundi: �Quand on pose le doigt sur une carte
de l'Afrique pour indiquer le Rwanda, on le cache.� Il en est de m�me pour
le Burundi.
De tous les pays voisins, c�est le Rwanda qui demeure le plus proche du
Burundi, car ces deux pays partagent des identit�s g�ographiques, humaines et
historiques, sans compter de nombreux particularismes linguistiques provenant
d'une situation similaire avec les langues locales. Rappelons aussi que le
Burundi, le Rwanda et le Congo-Kinshasa ont d�j� fait partie des colonies
belges. C'est donc la Belgique qui a amen� le fran�ais dans ces trois
pays.
Ainsi, la situation g�ographique du Burundi situe cet �tat � la �fronti�re�
des �pays francophones� au nord et des pays �anglophones� au sud-ouest. La
capitale, Bujumbura, se trouve � l�extr�mit� ouest du pays, pr�s du lac
Tanganyika. Bien que le Burundi (avec une superficie de 27 834 km�)
reste avec le Rwanda (au nord) l'un des plus petits �tats du continent, sa
densit� de population est l'une des plus fortes.
2 Donn�es
d�molinguistiques
En 1997, la population du Burundi �tait estim�e � 6,1 millions d�habitants,
mais 7,8 millions en 2005 et 8,8 millions en 2013, puis 13,2 millions en 2023.
Les Hutus repr�sentaient alors 85 % de la population, les Tutsis, 13,8 %, et les Twas
(pygm�es), 0,2 %.
Ethnie |
Population |
Pourcentage |
Langue |
Affiliation |
Hutu burundais |
11 134 000 |
85,6% |
kirundi |
langue bantoue |
Tutsi |
1
838 000 |
13,8% |
kirundi |
langue bantoue |
Malentendant |
132 000 |
1,0% |
langues de signes |
langue bantoue |
Pygm�e twa |
37
000 |
0,2% |
twa |
langue bantoue |
Swahilien |
14 000 |
0,1% |
swahili |
langue bantoue |
Arabe |
3
700 |
0,0% |
arabe leventin |
langue
s�mitique |
Gujarati |
3 000 |
0,0% |
gujarati |
langue indo-iranienne |
Lingala |
2
900 |
0,0% |
lingala |
langue bantoue |
Francophone |
2 200 |
0,0% |
fran�ais |
langue romane |
Hutu rwandais |
1
100 |
0,0% |
kinyarwanda |
langue bantoue |
Grec |
900 |
0,0% |
grec |
langue grecque |
Anglophone |
600 |
0,0% |
anglais |
langue germanique |
Autres |
69
000 |
0,5% |
- |
- |
Total 2021 |
13 238 400 |
100% |
Source: Joshua
Project, 2023 |
- |
Les groupes ethniques du Burundi comprennent les trois
principaux groupes autochtones: les Hutus, les Tutsis et les Twas. De plus,
l'immigration r�cente a �galement contribu� � la diversit� ethnique du
Burundi (Swahiliens, Arabes, Indiens, etc.). Apr�s l'ind�pendance, le Burundi a connu des violences
interethniques r�currentes, en particulier dans l'ar�ne politique qui, � son
tour, s'est propag�e � la soci�t� dans son ensemble en faisant de nombreuses
victimes au cours des d�cennies. Les dynamiques ethniques entre Hutus et
Tutsis ont particuli�rement fa�onn� l'histoire et la politique burundaises
et sont devenues un objet d'�tude majeur par les universitaires.
Malgr� la pr�valence de ce point de vue dans le pass�, en
particulier pendant la p�riode coloniale, de nombreux chercheurs et
d'intellectuels et politiciens burundais ont tendance maintenant � remettre
en question cette approche de l'ethnicit� au Burundi. Il semble que la
politique actuelle s'approprie l'ethnicit� comme un instrument pour
atteindre des objectifs plus grands, ce qui favorise le nivellement des
identit�s communautaires. Pour certains chercheurs, les diff�rences d�origines
entre les Hutus et les Tutsis ne sont pas prouv�es ou n'existent pas. De
toute fa�on, le Burundi ne fournit pas de donn�es sur les diff�rences
ethniques, � l'exemple d'autres pays, notamment en France et en Belgique,
qui ne font pas de recensement linguistique, de peur de r�activer des
antagonismes ind�sirables. C'est pourquoi il s'est
d�velopp� au Burundi une id�ologie dont le but est d'�liminer
les distinctions entre ethnies, mais paradoxalement ce mouvement est soutenu
par les d�fenseurs de leur propre ethnie. C'est une politique de l'�vitement
qui permet de placer le couvercle sur la marmite et d'oublier les probl�mes
de fond.
Bien s�r, les r�ponses aux questions sur l'origine ethnique
t�moignent de la perception de chaque individu concernant son ascendance
ethnique. Par cons�quent, la transformation du contexte social dans lequel
le questionnement est pos�, ainsi que l'�volution de la conception qu'a un individu de
ses origines ethniques ou de ses opinions � cet �gard, ont une incidence sur
le d�nombrement des groupes ethniques. Il est vrai qu'il n'est pas ais� de
distinguer les Hutus des Tutsis, car il existe, par exemple, des Tutsis
musulmans et des Hutus chr�tiens, tout comme on trouve des Tutsis chr�tiens
et des Tutsis musulmans. De plus, un individu peut avoir la citoyennet�
burundaise, parler le gujarati, �tre n� au Rwanda et d�clarer �tre d'origine
ethnique tanzanienne. De fait, les donn�es sur l'origine ethnique peuvent
�tre variables, mais elles refl�tent la perception des individus quant � leur
ascendance ethnique au moment de la collecte des donn�es. En ce qui concerne
le Burundi, les cicatrices laiss�es par la violence de l�histoire ne sont
pas referm�es, ce qui t�moigne de l'extr�me fragilit� des populations en
situation de grande vuln�rabilit�.
C'est pour cette raison que le gouvernement burundais pr�f�re ne pas faire
de recensement ethnique de peur de raviver un conflit qui n'aurait jamais d�
arriver.
2.1 Le kirundi
Tous les Burundais d�origine, quelle que soit leur ethnie (hutue,
tutsie ou twa), parlent la m�me langue, soit le kirundi (ou simplement rundi),
une langue bantoue. Certaines th�ories
sur l�immigration laisseraient croire que le kirundi aurait �t� transmis par
les Hutus, alors que les Tutsis auraient perdu leur langue ancestrale depuis
plusieurs si�cles; d�s lors, on peut s�interroger sur le fait que l�envahisseur
tutsi n�aie pas cherch� � imposer sa langue au lieu de l��oublier�. Quoi qu�il
en soit, le kirundi est devenu aujourd�hui la langue nationale de tout le Burundi,
mais cette langue est fragment�e en de nombreuses vari�t�s dialectales, relativement
intelligibles entre elles. Les Hutus, les Tutsis et les Twa comptent pour 96,9
% des Burundais qui ont le kirundi comme langue maternelle; si l'on ajoute les
Rwandais parlant le kinyarwanda, le pourcentage des locuteurs du kirundi atteint
les 97 %. Le kirundi est la premi�re langue co-officielle du Burundi.
Le kirundi est la langue nationale du Burundi, alors que
le kinyarwanda est la langue nationale du Rwanda, mais ce sont en r�alit� deux vari�t�s d'une m�me unit� linguistique dans
le vaste ensemble des langues des langues bantoues. Le kirundi est une langue rest�e tr�s proche
du kinyarwanda du Rwanda au point o� on les confond
parfois.
Des vari�t�s du kinyarwanda\ kirundi sont �galement employ�es dans le pays voisin, soit
le Burundi (sous le nom de kirundi), ainsi qu�en Ouganda (sous le nom
de runyarwanda), en Tanzanie
et au Congo-Kinshasa.
Le kirundi du Burundi a emprunt� une grande quantit� de
mots � d'autres langues, mais surtout au fran�ais, au kinyarwanda, au swahili et
au lingala. De plus, l'anglais, le portugais et l'allemand ont aussi apport� un
certain nombre de mots au kirundi.
En 2007, le gouvernement burundais adoptait une politique culturelle qui
r�affirmait la n�cessit� d'unification du pays par le kirundi:
Dans un pays comme le Burundi, o� plus de la moiti� de la population
n�ont pas �t� � l��cole pour y apprendre des langues �trang�res, le
Kirundi, langue commune � tous les Burundais, est un �l�ment
unificateur qui rapproche les diff�rentes composantes sociales, et
qui est utilis� dans la vie politique, �conomique et sociale.
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Le Burundi constitue un cas d'unilinguisme rare en Afrique, alors que 97 % de
la population parle le kirundi comme langue maternelle. Il est donc plus ais�
d'adopter une langue commune.
2.2 Le fran�ais
Le fran�ais est la seconde langue co-officielle du
Burundi. C'est une langue essentiellement apprise � l��cole et
utilis�e dans des situations formelles ou officielles. Seule une minorit� de
Burundais peut s�exprimer en fran�ais. Selon le sens qu�on accorde au mot francophone,
on estime que les locuteurs du fran�ais oscillent entre 3 % et 10 % de la
population. Cela signifie que les premiers sont des �francophones r�els�
(environ 170 000 locuteurs en incluant les coop�rants europ�ens), alors que les
seconds ne connaissent que superficiellement cette langue. En r�alit�, la langue
fran�aise constitue une langue v�hiculaire uniquement pour les Burundais tr�s
scolaris�s (les �lettr�s�) ayant termin� leurs �tudes secondaires ou encore
ayant poursuivi des �tudes sup�rieures. Eux seuls ma�trisent les deux langues
officielles.
Il faut pr�ciser que le fran�ais du Burundi est
particulier, car il a emprunt� beaucoup de mots au kirundi, au swahili, au
lingala, au portugais et � l'anglais; il a aussi beaucoup de calques par rapport
� la langue nationale du pays. La situation du fran�ais au Burundi, comme c'est
aussi le cas dans les autres anciennes colonies belges (Rwanda et
Congo-Kinshasa), semble plus vuln�rable que dans les autres pays africains de
langue fran�aise, qui sont situ�s plus au Nord. Le Burundi vit une sorte de
transition en mati�re de politique linguistique. Le fran�ais est per�u comme un
�mal n�cessaire� h�rit� du colonialisme afin de communiquer avec le monde
ext�rieur. Toutefois, durant
les ann�es de guerre, l�usage de la langue fran�aise a fortement r�gress�.
2.3 L'anglais
Le Burundi est francophone, mais compte tenu de ses
voisins anglophones comme le Kenya, l�Ouganda et la Tanzanie, sans oublier le
Rwanda qui s'y met, l'anglais prend de l'importance. Ces pays de l'Afrique de
l'Est ont commenc� un processus d�int�gration �conomique et politique qui
devrait franchir les �tapes d'une zone de libre �change, c'est-�-dire un march�
commun avec comme objectif ultime l�union �conomique, la cr�ation d�une monnaie
commune et une f�d�ration des �tats membres. L�adh�sion du Burundi � ce
processus d�int�gration �conomique et politique de l�Afrique de l�Est en juillet
2007 fut salu�e comme un �v�nement important pour l�avenir politique des
populations et du pays.
Jusqu'� pr�sent, la langue anglaise ne fut introduite au
Burundi que gr�ce � l�enseignement. Aujourd'hui, compte tenu de l�adh�sion du
Burundi � l�EAC (East African
Community ou Communaut� d'Afrique de l'Est),
comprenant aussi le Kenya, l'Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie, l�anglais
repr�sente une langue dont il faut absolument tenir compte dans toute tentative
d�int�gration �conomique, ce qui implique une nouvelle politique linguistique
explicite. La r�gion de l'Afrique de l'Est couvre une superficie de 1,8
million de km� avec une population de 132 millions (estimation de juillet 2009)
et dispose d'importantes ressources naturelles.
Non seulement l'anglais est la langue officielle de
l�EAC, mais il est aussi devenu la langue de la diplomatie, du commerce, de
la science, de l��ducation et de la culture dans toute cette r�gion de
l'Afrique. C'est donc la langue d�int�gration r�gionale en Afrique de l'Est.
Toutefois, l'anglais au Burundi n'est parl�
que par
quelques Europ�ens et certains Africains anglicis�s d'origine rwandaise, congolaise ou
tanzanienne. En raison
de l�ouverture du pays au march� international, surtout vers le sud, l�anglais
se r�pand de plus en plus dans le monde des affaires du Burundi en tant que langue
v�hiculaire.
2.4 Le swahili
Le
swahili (appel� aussi kiswahili) n'a aucun statut juridique au Burundi, mais cette
langue demeure importante, notamment dans les petites entreprises commerciales,
alors qu'elle sert de langue v�hiculaire. En fait, le swahili est la langue
v�hiculaire la plus importante de la r�gion des Grands Lacs, et ce, d'autant
plus que c'est la langue africaine comptant le plus grand nombre de locuteurs en
Afrique de l'Est.
L'article 119 du Trait� pour l'�tablissement du trait� de
l'Afrique de l'Est (2007) �nonce que les �tats membres doivent promouvoir une �troite
coop�ration dans le domaine de la culture et des sports au sein de la Communaut�
au moyen du �d�veloppement et la promotion des langues indig�nes et
notamment le swahili en tant que lingua franca. D'ailleurs,
l'Acad�mie africaine des langues (ACALAN) fut dond�e en ce sens. C'est une
institution internationale sp�cialis�e de l'Union africaine, qui a pour
mandat de d�velopper et de promouvoir l'utilisation des langues africaines
dans tous les domaines de la soci�t�. L'ACALAN a pour partenaires l'UNESCO,
l'Organisation internationale de la Francophonie, l'Union acad�mique
internationale et la Coop�ration Suisse.
Au
Burundi, le swahili est enseign� dans les universit�s, il est
utilis� dans les m�dias �lectroniques et est parl� par un nombre non n�gligeable
de jeunes urbains, de musulmans ou d'�trangers, notamment les immigrants d�origine africaine. L'�glise catholique tente de freiner l�expansion du swahili
qu'elle juge trop li� � l�islam.
2.5 Les autres langues
On compte aussi des �trangers au
Burundi, surtout des Africains, parmi lesquels on distingue les Rwandais, les
Congolais (Congo-Kinshasa), les Tanzaniens, les Maliens et les Guin�ens.
Beaucoup d�entre eux parlent, outre leur langue maternelle, l�anglais, le
fran�ais ou le swahili. Vivent aussi dans le pays un certain nombre d�Arabes
et d'Indiens du Gujarat, ainsi que des Europ�ens qui forment une population flottante
de coop�rants (surtout compos�s de Belges, de Fran�ais, de Grecs et d�Italiens).
Cela dit, au moins 15 % de la population burundaise est constitu�e de r�fugi�s
(ceux qui ont quitt� leur pays), de rapatri�s (ceux qui sont revenus au
pays), de refoul�s (ceux qui sont renvoy�s au pays) ou dispers�s dans
des camps de regroupement. Il y aurait, � ce jour, plus de 800 000 personnes
d�plac�es suite � la �politique de d�placements� forc�s du gouvernement
burundais et � la guerre civile qui ravage le pays.
2.6 Les religions
Il se pratique plusieurs religions au Burundi. La
composition religieuse est la suivante : 60 % de catholiques, 20 % de religions
indig�nes, 15 % de protestants, 2 % � 5 % de musulmans. En r�alit�, personne ne sait exactement quels
sont les adeptes de la religion traditionnelle animiste; la plupart des
Burundais qui consultent les devins, les faiseurs de pluie, les sorciers, etc.,
portent des noms chr�tiens et ont �t� baptis�s chr�tiennement.
3 Donn�es
historiques
L�histoire du Burundi se confond avec celle du Rwanda, du moins jusqu��
l�ind�pendance. Le Burundi, comme le Rwanda, aurait �t� peupl� vers le
VIIIe si�cle avant notre �re par des Batwas ou Twas,
une population pygmo�de vivant de chasse dans la for�t; ces anc�tres des
pygm�es seraient venus de l�Ouest et parlaient une langue bantoue (qui ne
serait pas le kirundi). Quelques si�cles plus tard, un peuple d�agriculteurs,
les Hutus, auraient cohabit� avec les Tutsis,
des pasteurs venus du Nord, qui se seraient install�s progressivement entre les
Xe et le XVe si�cles. Ces trois communaut�s d�origines
diff�rentes se sont assimil�s les unes aux autres avec le temps et ont fini
par partager la m�me langue bantoue, le kirundi \ kinyarwanda des
Hutus, et la m�me religion.
� partir du XVIe si�cle, la r�gion s�organisa en royaumes
dirig�s chacun par un mwami (roi), qui repr�sentait l�image d'Imana,
le dieu supr�me et tout-puissant. L�un des mwami, issu de la dynastie
Nyiginya, finit par unifier le pays sous son autorit�. Dans l'exercice du
pouvoir, le mwami ne pouvait gouverner seul, d'o� la mise en place de
tout un syst�me d'organisation politico-administrative, sociale et �conomique.
Dans chacun des districts du pays, on trouvait, en principe, un �chef des
p�turages� (g�n�ralement d'origine tutsie) pour l��levage des bovins et
un �chef des terres� (g�n�ralement d�origine hutue); cette
�administration� �tait compl�t�e par une organisation militaire avec des
�chefs d'arm�e� (recrut�s g�n�ralement chez les Tutsis) et, dans les
r�giments, des �lignages� tutsis et hutus. En fait, Tutsis et Hutus avaient
des terres et du b�tail, bien que, si le pouvoir restait aux mains d'une
aristocratie tutsie, les deux �ethnies� cohabitaient pacifiquement, car durant
plusieurs si�cles les Tutsis surent manier habilement la carotte et le b�ton.
En somme, culturellement homog�n�is�s et biologiquement m�lang�s, les
deux groupes vivaient dans une certaine compl�mentarit� sociale, certes
quelque peu in�gale, mais maintenue dans une certaine coh�sion nationale
dynamique. Par ailleurs, situ� � l��cart des grandes voies naturelles de
communication, le Burundi, comme le Rwanda, �chappa aux raids des chasseurs d�esclaves
(ce qui explique aujourd'hui la grande densit� de la population) et, jusqu�au
XIXe si�cle, aux grands explorateurs europ�ens. Le Burundi
atteignit sa plus grande expansion sous le r�gne du mwami Ntare Rugamba
(1796-1850). Celui-ci dota le pays d�une puissante arm�e tr�s entra�n�e et
conquit un territoire important. Sous son r�gne, la soci�t� burundaise �tait
structur�e en deux classes: celle des Tutsis et celle des Hutus. Cette division
correspondait avant tout � des distinctions sociales, car un Tutsi pouvait
devenir Hutu et vice versa. Cette distinction entre Hutus et Tutsis allait se
renforcer avec l�arriv�e des colonisateurs allemands, puis belges.
En m�me temps, le Burundi pr�colonial se caract�risait par
un unilinguisme plut�t rare en Afrique, car le kirundi demeurait la seule langue
langue maternelle, nationale et officielle du pays.
3.1 Le protectorat allemand
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C'est en 1858 que les premiers Europ�ens, soit les Britanniques John Hanning
Speke et Richard Burton, d�couvrirent la r�gion; ils furent suivis par Henry
Morton Stanley et David Livingstone � dont la fameuse rencontre en 1871 se
serait d�roul�e au Burundi, pr�s d�un rocher � 12 km au sud de Bujumbura
au bord du lac Tanganyika � qui attir�rent l'int�r�t sur cette r�gion
extr�mement riche, laquelle devait �tre bient�t soumise au r�gime de
l'exploitation coloniale; cela dit, la rencontre des deux explorateurs a plut�t
eu lieu � Ujiji, pr�s du lac Tanganyika en... Tanzanie. Apr�s 1879, des missions catholiques tent�rent de s�implanter
dans le royaume du Burundi, puis des explorateurs allemands y s�journ�rent,
dont le comte Graaf von Gotzen. En 1890, les Allemands parvinrent � int�grer le Burundi (appel� alors Urundi) et le Rwanda
(appel� Ruanda) � leurs possessions d'Afrique orientale � la
Deutsch
Ost-Afrika (DOA), englobant le Burundi, le Rwanda et le Tanganyika (Tanzanie). En
1899, les Allemands fond�rent Usumbura (aujourd�hui Bujumbura). Ces derniers
impos�rent peu � peu leur protectorat au mwami Kisabo (1850-1908) qui,
en 1903, signa le trait� de Kiganda avec l�Allemagne. |
Soucieux de ne pas trop d�penser pour leurs lointaines possessions, les
Allemands opt�rent pour un syst�me d��administration indirecte� qui
pla�ait le royaume sous leur contr�le. Le gouverneur allemand assurait le
r�le du mwami (roi), mais s�appuyait essentiellement sur la
collaboration des chefs locaux; les habitants du pays continuaient d�utiliser
massivement leur langue nationale. D�s cette �poque, les Allemands comprirent
qu�ils devaient s�allier aux Tutsis qui dominaient la soci�t� burundaise.
Voici ce qu��crivit � ce sujet, en 1916, l�auteur allemand Hans Meyer dans
Die Burundi (traduit en fran�ais sous le titre de Le Burundi, une
�tude ethnologique en Afrique orientale, 1984):
Tant que les Batutsis [Tutsis] seront les ma�tres du pays, un essor
intellectuel et culturel du peuple barundi demeure impossible, car seul ce bas
niveau des Bahutus [Hutus], maintenu au cours d'un isolement s�culaire, assure
la domination batutsie. Pour l'instant �videmment, nous Allemands, devrons
rester en bons termes avec les Batutsis et les int�resser mat�riellement
�
nos initiatives en Urundi, car nous sommes encore trop faibles pour partir
ouvertement en campagne contre eux. Mais le but d'une politique coloniale �
plus long terme devra �tre de briser la domination batutsie, de lib�rer les
Bahutus du joug batutsi et de les gagner � nos vis�es civilisatrices qui
correspondent aussi � leurs propres int�r�ts.
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Cependant, les Allemands ne purent mener � bien leurs �vis�es
civilisatrices�, car ils perdirent peu apr�s leur colonie de la Deutsch
Ost-Afrika. Pour ce qui est de la langue, l�influence allemande fut m�me
tout � fait n�gligeable, mais il est rest� quelques germanismes dans le
kirundi. La v�ritable influence des Allemands fut d�avoir introduit l��glise
catholique qui, en tant qu�alli�e du pouvoir politique, allait prendre la
rel�ve dans les secteurs de l�enseignement et de la sant�, et conna�tre par
la suite un immense succ�s social. On sait que, d�s les ann�es 1930, plus de
70 % des Burundais seront d�j� convertis � la religion catholique. Ainsi, le
Burundi allait devenir avec le Rwanda un front de r�sistance � l�islam.
3.2 Le mandat belge et l��glise catholique
En 1916, les Belges, avec l'aide des Britanniques, amput�rent une partie du Rwanda qu�ils
plac�rent sous leur �protectorat�, tandis que les Britanniques annexaient les districts
septentrionaux � leur colonie d�Ouganda. Les forces anglo-belges
finirent par envahir toute la colonie allemande, c'est-�-dire le territoire du Ruanda-Urundi.
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Apr�s la d�faite de l�Allemagne en 1918, le trait� de Versailles rendit les
colonies allemandes aux pays vainqueurs. Sous mandat de la Soci�t� des Nations
(SDN), la Grande-Bretagne se vit confier l�administration du Tanganyika
(Tanzanie), alors que la Belgique administra le Ruanda-Urundi (Rwanda-Burundi) �
partir de Bujumbura (Burundi), devenue capitale du mandat belge du Ruanda-Urundi
(aujourd'hui, le Rwanda et le Burundi). Le Congo belge comprenait
six provinces: L�opoldville, �quateur, Orientale,
Kivu, Kasa� et Katanga. En 1925, le
Ruanda-Urundi fut rattach� au Congo belge dont il constituait la
septi�me province. |
Au d�but du mandat belge en 1916, l�Administration reprit la politique de
�contr�le indirect� sur le Burundi et continua de s'appuyer sur les
autorit�s en place, c�est-�-dire le mwami et l'aristocratie tutsie.
Le gouvernement colonial belge confia d�finitivement � l��glise catholique
tout le secteur scolaire et le domaine de la sant�.
- Le r�le de l'�glise catholique
L��glise combattit aussit�t la religion traditionnelle (pa�enne) bas�e
sur le culte de Kiranga et mit tout en �uvre pour affaiblir, puis supprimer la
th�ocratie burundaise (et rwandaise). Adoptant les pratiques des autorit�s
civiles belges, l'�glise catholique favorisa les Tutsis consid�r�s comme les
��lites� du pays. Elle assura leur �conversion� au catholicisme en leur
enseignant qu�ils formaient les �seigneurs f�odaux� (�volu�s et
apparent�s � la race blanche), alors que les Hutus et leurs chefs �taient des
�serfs� (n�gro�des et sauvages) vou�s � la domination.
Le mythe des
�Tutsis �volu�s� et des �Hutus faits pour ob�ir� fut m�thodiquement
v�hicul� pendant plusieurs d�cennies par les missionnaires, les enseignants,
les intellectuels et les universitaires, qui accr�dit�rent cette vision de la
soci�t� rwandaise jusqu�� la fin des ann�es soixante. Le
r�sultat de cette �mission civilisatrice� fut de donner aux Tutsis un pouvoir
qu'ils n'avaient jamais connus avant la p�riode coloniale et d'entra�ner chez
les Hutus une exploitation sans commune mesure avec leur situation
traditionnelle.
L�arriv�e
des pr�tres de la Soci�t� des Missionnaires d�Afrique, dite des �P�res
Blancs�, en 1931 vint bouleverser la vie des autochtones, car l��glise
catholique entreprit l��vang�lisation massive des habitants et tenta d��liminer
toute concurrence. D�s leur arriv�e, les P�res Blancs introduisirent l'alphabet latin et une
orthographe commune pour le kirundi du Burundi et le kinyarwanda du Rwanda, car
le kirundi au Burundi et le kinyarwanda au Rwanda devinrent les langues
d'enseignement.
Gr�ce � l��troit contact qu�ils d�velopp�rent aupr�s des populations
autochtones, les missionnaires ont vu leur implantation facilit�e: en parlant
le kirundi et en s�int�grant aux Burundais, ils ont r�ussi � acqu�rir une
tr�s forte influence sociale, �conomique, mais �galement politique. Les
missionnaires catholiques obtinrent du gouvernement belge la suppression de la
f�te religieuse nationale du Muganuro et la destitution de l�aristocratie
religieuse hutue au profit des familles princi�res tutsies. L�appartenance �
la religion catholique devint un crit�re incontournable pour acc�der ou rester
dans la fonction de chef. �videmment, beaucoup de �chefs pa�ens� se
convertirent � la religion catholique. Signe �clatant de l�implantation du
catholicisme au Burundi: en vingt ans, plus de 70 % des Burundais devinrent
catholiques. Le fran�ais demeura la langue officielle, car, la plupart des
missionnaires �taient francophones (ou wallons). Cependant, une nouvelle
g�n�ration de pr�tres flamands, d�origine plus modeste que leurs coll�gues
francophones (ou wallons), s�identifia davantage aux Hutus et entreprit de
former une contre-�lite hutue, et leur apprit le n�erlandais. Ces Hutus
devinrent les leaders de la �nation hutue� et s�impliqu�rent dans la
politique active.
- L'administration coloniale belge
Le gouvernement colonial d�cida en 1925 de
modifier l�administration du Rwanda et du Burundi. Les fonctions de
chef devinrent h�r�ditaires. Puis l�Administration coloniale belge
d�cida que, � travers tout le Burundi (et le Rwanda), les chefs
devaient �tre des Tutsis qui �taient �plus aptes � g�rer� le pays.
En 1929, il fut m�me cr�� une ��cole de fils de chef� (celle d�Astrida)
afin d�assurer la p�rennit� du syst�me. Les jeunes Tutsis pouvaient
aller � l��cole (en fran�ais et en kirundi), tandis que les fils des
Hutus n�avaient que la possibilit� de devenir agriculteurs comme
leurs parents. Par exemple, dans les �coles coloniales, on apprenait
l'arithm�tique et le fran�ais aux enfants tutsis mais le chant aux
petits Hutus. Par la suite, les Belges impos�rent la fameuse carte
d�identit� (1933-1934) avec la mention ethnique Tutsi ou Hutu, ce
qui eut pour effet d�accentuer la distinction sociale entre les deux
ethnies, laquelle se transformera plus tard en s�gr�gation
�raciale�. L'enseignement du kirundi comme langue d'enseignement fut
d�laiss� au profit du fran�ais, alors que la langue nationale devint
une mati�re d'enseignement.
Ainsi, les Tutsis b�n�fici�rent d�avantages consid�rables
aux d�pens des Hutus. Les Hutus furent soumis aux travaux forc�s dans les
plantations, les chantiers de construction, les scieries, etc. Les Tutsis
avaient l�ordre de fouetter les Hutus, sinon ils risquaient de se faire fouetter
eux-m�mes par les colons belges. L�Administration coloniale exigea m�me que tout
propri�taire de dix vaches et plus soit consid�r� comme un Tutsi, les autres
demeurant automatiquement des Hutus. C�est alors que les Tutsis pauvres
devinrent des Hutus et que les Hutus riches devinrent des Tutsis. Une telle
dichotomie entre Tutsis et Hutus n�existait pas auparavant puisqu�un Hutu qui
poss�dait plusieurs t�tes de b�tail pouvait, de ce fait, �tre tutsifi�, de m�me
que pouvaient se produire des ph�nom�nes de d�tutsification ou de
hutusification.
Implant�e d�s 1945, cette �d�cision administrative� du
colonisateur belge finit par diviser encore davantage la soci�t� burundaise (et
rwandaise) de l��poque, car cette distinction signifiait que les riches �taient
des Tutsis et les pauvres, des Hutus. Les deux communaut�s autochtones, qui
avaient v�cu en paix durant plusieurs si�cles, en vinrent � se d�tester en
raison des rivalit�s suscit�es par les d�cisions du colonisateur blanc. La
politique institutionnalis�e v�hicul�e par le colonisateur avait d�velopp� chez
les Tutsis un complexe de sup�riorit�, alors que chez les Hutus un puissant
sentiment de ranc�ur et de haine s��tait install�. Enfin, l�imbrication tr�s
�troite de l��glise et de l��tat devint telle qu�on peut parler d�une ��glise
d��tat�.
- La politique linguistique belge
Contrairement � la France qui s'est toujours dot�e d�une politique
linguistique coloniale �labor�e, portant sur l'imposition du
fran�ais et l'�viction des langues indig�nes, la Belgique eut une attitude
diff�rente. La Belgique �tait un petit pays aux moyens plus limit�s et sans
tradition coloniale. Pratiquant une administration indirecte (�contr�le
indirect�), elle accorda aux langues africaines une place importante dans la
gestion des colonies et laissa
l�enti�re initiative en mati�re d'�ducation aux missionnaires. De
plus, la Belgique �tait pays bilingue (fran�ais-n�erlandais) aux prises avec des
populations francophones et
n�erlandophones, qui s'opposaient � diff�rents points de vue,
notamment en �ducation et en administration.
Par exemple, au Burundi, si les fonctionnaires belges importants �taient
g�n�ralement francophones, les postes subalternes �taient tenus par des
n�erlandophones parlant peu le fran�ais. La plupart des missionnaires affect�s
dans les colonies �taient n�erlandophones, alors que leurs sup�rieurs �taient
tous francophones. Or, les missionnaires avaient pour principal objectif
d��vang�liser les Africains, non de diffuser la langue du colonisateur, qui dans
le cas de la Belgique �tait ambivalente. Dans les colonies belges, comme d'ailleurs
en Belgique � cette �poque, le statut du fran�ais et celui du n�erlandais
n'�taient gu�re �quitables, ce qui s'est refl�t� au Burundi, au Rwanda et au
Congo belge.
Afin de simplifier l'enseignement, les missionnaires ont pr�f�r� utiliser le
kirundi comme langue d'enseignement, contrairement aux Allemands qui avaient
choisi le swahili. �tant donn� que les missionnaires catholiques se m�fiaient du
swahili qu'ils jugeaient trop li� � l'islam, ils l'ont �limin� au profit du
kirundi. Ce choix a r�duit consid�rablement le r�le du fran�ais qui �tait �
cette �poque uniquement parl� par l'�lite belge dans l'administration,
l'enseignement, l'arm�e et la religion, tandis que la plupart des subalternes
parlaient le n�erlandais qu'on appelait alors le flamand. Ainsi, le r�le
des missionnaires dans les colonies belges fut beaucoup plus important que dans
les colonies fran�aises parce que l��tat belge ne s'est impliqu� que tr�s
tardivement dans le domaine de l��ducation aupr�s des population africaine. En
effet, ce fut uniquement au cours de la d�cennie de 1950, juste avant
l'ind�pendance des colonies, que l'�tat belge a entrepris de former des �lites
locales et de leur inculquer l'apprentissage du fran�ais. � la diff�rence de la
France et de la Grande-Bretagne, il �tait trop tard pour former des �lites
pr�tes � prendre la rel�ve au moment de la d�claration d�ind�pendance. C'est ce
qui explique en partie que la langue du colonisateur allait moins bien
s'implanter dans les anciennes colonies belges.
- Les mouvements de d�colonisation et
le changement d'all�geance ethnique
Apr�s la Seconde Guerre mondiale, les mouvements de
d�colonisation atteignirent le Burundi et le Rwanda. Plus instruite et
s�estimant apte � diriger la pays, l��lite tutsie en vint � souhaiter le d�part
des Belges. Pour leur part, les Hutus, tout en demandant que l�ind�pendance soit
retard�e, d�nonc�rent la �double colonisation� dont ils avaient �t� victimes:
celle des Tutsis (ant�rieurement, d'apr�s eux), puis celle des Belges. Il
exig�rent que les Belges les d�barrassent de cette premi�re colonisation qu�ils
estimaient �inacceptables�.
Se sentant trahis par leur �lite tutsie devenue
anticolonialiste, le pouvoir colonial et l��glise catholique d�cid�rent, au
d�but des ann�es cinquante, de favoriser les Hutus, plus soumis et plus
mall�ables. Les Tutsis furent d�sormais consid�r�s comme des �ennemis� de
l��glise et de l��tat. L��glise amplifia le mouvement et, � partir de 1957,
soutint ouvertement les mouvements hutus qui r�clamaient des r�formes sociales.
D�tenant le monopole de l�enseignement, l��glise encouragea la formation d�une
�lite contestataire hutue.
En 1959, commen�a dans le pays voisin, le Rwanda, une
v�ritable �r�volution sociale� qui, s�inspirant des le�ons apprises par les
pouvoirs belges et les repr�sentants de l��glise catholique, amena le
remplacement du �pouvoir minoritaire tutsi� par le �pouvoir majoritaire hutu�.
En favorisant syst�matiquement la notion de �d�mocratie majoritaire�,
l�Administration coloniale et l��glise catholique firent monter les tensions
entre les deux communaut�s ethniques et laiss�rent se d�velopper les rivalit�s
entre Tutsis et Hutus. La guerre civile �clata au Rwanda en 1959, alors que les
Tutsis furent pourchass�s et massacr�s par milliers. Plus de 170 000 Tutsis se
r�fugi�rent vers l�Ouganda, la Tanzanie, le Burundi et le Congo-Kinshasa). La
prise du pouvoir par les Hutus au Rwanda entra�na le d�part du mwami et l�exode
de plus de 200 000 Tutsis vers l��tranger.
Au Burundi, les Hutus n�eurent gu�re la possibilit� de
prendre le pouvoir. Inquiets de la situation au Rwanda, les Tutsis du Burundi
prirent imm�diatement les devants et accapar�rent le pouvoir politique et
l�arm�e. Ne pouvant �viter les conflits ethniques, les Tutsis se laiss�rent
entra�ner dans la spirale de la r�pression, surtout apr�s l�assassinat du prince
Louis Rwagasore en 1961, un chef charismatique oppos� � la discrimination
raciale et qui avait combattu toute transposition de la crise du Rwanda au
Burundi.
Lorsque s�acheva la p�riode coloniale, la situation
sociolinguistique du Burundi pouvait �tre r�sum�e ainsi : le
fran�ais a le vent dans les voiles, alors que le kirundi stagnait et
que le swahili d�clinait.
3.3 Au lendemain de l'ind�pendance
Le Burundi acc�da � l�ind�pendance le 1er juillet 1962 et
devenait une monarchie constitutionnelle, le tout dans un climat de conflits
ethniques accentu�s par la crise du Rwanda et la r�bellion au Congo belge
(ou Congo-Kinshasa). En fait, l�accession � l�ind�pendance marqua le d�but de 30
ans d�instabilit� politique au cours desquels se succ�d�rent de nombreux coups
d��tat de la part des militaires tutsis et des insurrections hutues suivies de
massacres massifs des insurg�s (1965, 1972, 1988, 1992). De l� � penser que les
politiciens congolais avaient h�rit� davantage des d�fauts que des qualit�s
belges pour assurer la gestion des institutions nationales, il n�y eut qu�un
pas... vite franchi. Le fran�ais resta la langue officielle du Burundi au
lendemain de l�accession � l�ind�pendance.
- De coup d'�tat � l'autre
En 1966, la monarchie fut abolie et la r�publique
proclam�e par le capitaine tutsi Michel Micombero qui prit le pouvoir et fut
nomm� pr�sident. � la suite d�une insurrection des Hutus en 1972, l�arm�e
tutsie, dans un r�flexe de s�curit� ethnique, massacra entre 100 000 et 150 000
Hutus et exclut les Hutus des sph�res du pouvoir et de l�administration du
pays.
En mars 1973, le gouvernement burundais entrepris une
vaste r�forme du
syst�me d��ducation. Le principe de base de cette
r�forme �tait de nationaliser et de rationaliser l'enseignement dans le but de
le rentabiliser. � cette fin, le gouvernement adopta
la politique de la kirundisation, c�est � dire l�adoption du kirundi, langue nationale,
comme v�hicule d�enseignement pendant les six ann�es de l��cole
primaire. L�objectif vis� �tait d�am�liorer le rendement scolaire,
de soutenir la ruralisation, de r�habiliter le patrimoine culturel
burundais et de promouvoir une �cole dite �communautaire�. Mais les
objectifs de la r�forme ne devaient jamais �tre tous atteints en raison de
l'instabilit� politique. La kirundisation de l'enseignement s�est arr�t�e en
quatri�me ann�e du primaire, tandis que la ruralisation n'a jamais �t� mise en
�uvre et l'�cole communautaire n'a jamais pu s'implanter. Les programmes pr�vus
n'ont jamais obtenu l'adh�sion totale des enseignants, faute d'une pr�paration
ad�quate.
En 1976, un coup d��tat (par le Tutsi Jean-Baptiste Bagaza)
�vin�a Michel Micombero, qui fut suivi d�un autre coup d��tat en 1987 au cours
duquel le Tutsi Pierre Buyoya prit le pouvoir � la t�te d�un �Comit� militaire
de salut national�. De nouveaux conflits ethniques secou�rent le Burundi en
1988; l'arm�e tutsie massacra encore plusieurs dizaines de milliers de Hutus,
alors que 45 000 autres se r�fugi�rent au Rwanda. En juin 1993, eurent lieu les premi�res �lections libres;
Melchior Ndadaye, le
premier pr�sident hutu du Burundi, fut �lu, puis assassin� quelques mois (le 21
octobre) plus tard, lors d'un coup d'�tat perp�tr� par des militaires tutsis, ce
qui d�clencha � nouveau les massacres. Les Tutsis, accus�s d'avoir assassin� le
pr�sident, ont commenc� � �tre extermin�s en grand nombre, mais l�arm�e tutsie
r�ussit � prendre le dessus. � nouveau, des dizaines de milliers de Hutus furent
chass�s vers le Rwanda voisin.
Le nouveau pr�sident, Cyprien Ntaryamira, un autre Hutu,
succ�da � Ndadaye et tenta de mettre un terme � la r�pression men�e par l'arm�e
domin�e par les Tutsis. Le 6 avril 1994, il fut tu� � son tour, en m�me temps
que le pr�sident du Rwanda, Juv�nal Habyarimana, dans un �accident d�avion�
caus� par un missile au-dessus de Kigali (au Rwanda). Le g�nocide des Tutsis (au
moins 600 000 morts) qui s�ensuivit au Rwanda exacerba les Tutsis du Burundi
qui, pour leur part, contr�laient le pouvoir politique et l�arm�e dans leur
pays. Les massacres des Tutsis rwandais ont servi � justifier les massacres des
Hutus burundais.
Par la suite, le Burundi fut en proie � une guerre civile
larv�e. En mars 1996, le rapporteur sp�cial des Nations unies, charg� d'enqu�ter
sur la situation au Burundi, estimait � 15 000 (juste pour l�ann�e 1995), le
nombre des victimes d'un �g�nocide au compte-gouttes�, touchant plus
particuli�rement les �lites (instituteurs, infirmiers, etc.). En janvier 2000,
les pertes en vies humaines �taient �valu�es, depuis avril 1994, � plus de 300
000 victimes. De son c�t�, l�organisation Amnistie Internationale d�non�ait les
conditions dans lesquelles vivaient les 70 000 r�fugi�s rwandais dans les camps
du Burundi. Selon cet organisme, quelque 1500 r�fugi�s �taient tu�s chaque mois
par les forces de s�curit� burundaises ou par les milices tutsies. Le g�nocide
contre les Tutsis �tait bien planifi� et s'est �tendu sur tout le Burundi, mais
il a surtout touch� les r�gions du Sud: Makamba, Mabanda, Nyanza-Lac, Rumonge et
toutes les r�gions avoisinantes.
En juillet 1996, l'ancien pr�sident Pierre Buyoya prit le
pouvoir et chassa le pr�sident hutu. Les pays voisins, suivis par la communaut�
internationale, d�cr�t�rent un embargo, tandis que la r�bellion hutue gagnait
plusieurs r�gions du pays.
- L'accord d'Arusha de 2000
Le 28 septembre 2000, le Conseil de s�curit� de l'ONU est
parvenue, � Arusha (Tanzanie), � faire accepter un accord sur une d�claration
officielle demandant � toutes les parties burundaises (19 d�l�gations) de cesser
les combats et d'appliquer l�Accord d�Arusha pour la paix au Burundi. Cependant,
trois d�l�gations (sur 19) provenant des mouvements radicaux (deux d�l�gations
hutues et une tutsie) ont refus� de signer le texte. Le gouvernement burundais
s�est dit pr�t � appliquer l�accord d�Arusha, mais de nombreux obstacles ont
persist� et durent �tre surmont�s avant sa mise en �uvre d�finitive.
Tout le Burundi continua de vivre dans la terreur, tandis
que 800 000 personnes vivaient dans des �camps de regroupement�. Dans les
campagnes au sud, pr�s de la fronti�re avec la Tanzanie, les Tutsis (14 % de la
population) se sont r�fugi�s dans les agglom�rations, sous la protection de
l'arm�e qu'ils contr�laient en majorit�, tandis que les Hutus (85 % de la
population) vivent reclus sur les collines, dont ils interdisent l'acc�s aux
militaires. Mais au centre, � l'est et surtout au nord du pays, ces r�gions
�tant s�res, et les Tutsis, ou ce qu'il en restait, demeur�rent sur les collines
avec leurs voisins hutus.
Comme il fallait s'y attendre, le partage du pouvoir entre
la minorit� tutsie et la majorit� hutue ne pouvait �tre que difficile, apr�s
onze ans de guerre civile. En juillet 2004, le principal parti tutsi rejetait
l'accord pr�sent� par la m�diation sud-africaine � Pretoria. L'�quilibre devait
�tre assur� sur une base ethnique, et l'Assembl�e nationale devait �tre compos�e de
60 % de Hutus, de 40 % de Tutsis et de trois d�put�s des Twa, tout comme le
nouveau Conseil des ministres. Pendant ce temps, en 2003, le minist�re de l�Enseignement
primaire et secondaire tenta une nouvelle r�forme de l'enseignement
en voulant g�n�raliser la kirundisation dans les �coles primaires et en proc�dant
� une exp�rimentation �largie pour mesurer si celle-ci �tait porteuse
d�am�lioration de la qualit� dans l�apprentissage scolaire, mais
l'instabilit� politique emp�cha la r�forme d'�tre men�e � bien.
3.4 La r�conciliation nationale
Le 19 ao�t 2005, Pierre Nkurunziza, un ancien dirigeant de la gu�rilla, fut �lu avec 62,9 % des voix comme nouveau
pr�sident de la r�publique du Burundi, apr�s des �lections qui ont �t� reconnues
comme exemplaires par les observateurs internationaux. Nkurunziza �tait un Hutu,
alors que la vie politique, rappelons-le, a longtemps �t� domin�e par la
minorit� tutsie. Si les Tutsis ont accept� de perdre le pouvoir, y compris dans
l'arm�e, c'�tait en �change d'une pr�sence garantie au gouvernement. Le pr�sident Nkurunziza a
alors mis en place un gouvernement en associant les autres partis
politiques ainsi qu'une forte repr�sentation des femmes, soit sept femmes sur 21
ministres hutus et tutsis. Le nouveau pr�sident s'�tait donn� comme priorit�
d'�radiquer la corruption qui s�vissait dans le pays. Cependant, plusieurs �lus
�taient
consid�r�s comme des criminels qui ont pu pr�senter leurs candidatures en
profitant de l'immunit� provisoire octroy�e en violation du droit international.
Ainsi, le pr�sident Nkurunziza �tait lui-m�me un ancien condamn� � mort pour avoir
pos� des mines sur la voie publique et ayant caus� la mort de plusieurs civils
innocents. Il fut amnisti� lors des accords d'Arusha en 2003.
En 2010, une deuxi�me s�rie d'�lections furent tenues dans
un climat de terreur avec la r��lection du pr�sident Nkurunziza, avec plus de 91
% des voix, mais ce dernier �tait le seul candidat ! Les candidats pr�sidentiels
de l�opposition s��taient retir�s pour protester contre les irr�gularit�s du
scrutin, ce qui a d'ailleurs �t� d�nonc� par l'opinion nationale, mais les
�lections furent n�anmoins valid�es par la communaut� internationale.
3.5 Les nouvelles langues officielles de 2014
Le 28 ao�t 2014, l'Assembl�e nationale adopta � l�unanimit� un projet de
loi portant sur le statut des langues et qui visait � mettre de l�ordre dans le
paysage linguistique burundais: Loi n�1/31 du 3 novembre 2014 portant statut
des langues au Burundi. Quatre langues (kirundi, swahili, fran�ais et
anglais) �taient utilis�es jusqu�� ce moment, sans aucune r�glementation. La nouvelle
r�glementation faisait la part belle � l�anglais, langue nouvellement introduite
dans ce pays francophone des Grands Lacs africains. Cette fois, les choses
devaient
changer, la nouvelle loi devait mettre sur un pied d��galit� le kirundi, le fran�ais
et l�anglais, toutes trois appel�es � �tre langues officielles de ce pays. Cette
nouvelle loi avait pour objet de mettre en valeur la langue nationale (le kirundi),
d'�viter des conflits linguistiques et de d�finir les langues officielles. La
loi proclamait que les langues officielles du Burundi �taient le kirundi, le fran�ais
et l'anglais, tandis que le swahili serait la quatri�me langue enseign�e �
l'�cole. Cependant, la Loi n�1/31 du 3 novembre 2014 portant statut des
langues au Burundi n'a pas �t� promulgu�e avant le mois de novembre 2014.
N�anmoins, les autorit�s se voulurent rassurantes sur le r�le du fran�ais. Le
gouvernement burundais affirma pratiquer �une diplomatie linguistique�, qui
consiste � �adopter l�anglais pour �tre en ordre avec les autres pays membres de
la Communaut� est-africaine�. Le gouvernement soutenait qu'il �n�adopte pas
l�anglais pour exclure le fran�ais�. Il d�sirait que les�francophones� et les
�angllophones� se sentent � l�aise �galement. Mais ce combat
s�annon�ait tr�s diffiicile, car dans ce genre de concurrence l�anglais, archi-dominant
dans la r�gion, risquait de d�classer le fran�ais.
Le Burundi est demeur� sur la liste noire des pays o� les
violations massives des droits humains sont les plus intol�rables et constituent
un drame humanitaire r�voltant. Non seulement, le Burundi a v�cu dans des
conditions d�extr�me pr�carit�, mais les Burundais sont devenus parmi les
habitants les plus pauvres de l�Afrique. C�est pourquoi beaucoup de Burundais
sont convaincus que les dirigeants en place ne manifestent gu�re de r�elle
volont� politique pour trouver une solution � la guerre civile qui a frapp�
cruellement le pays, ainsi qu�� la recrudescence des fl�aux tels que la faim, le
sida, le paludisme, etc.
En 2005, Pierre Nkurunziza fut �lu pr�sident du Burundi, puis r��lu
en 2010. En vertu de l'article 7 des accords d'Arusha le pr�sident
ne peut se faire �lire pour un troisi�me mandat cons�cutif: �[Le
pr�sident] est �lu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule
fois. Nul ne peut exercer plus de deux mandats pr�sidentiels �. Or,
en avril 2015, Pierre Nkurunziza annon�ait qu'il se pr�sentait �
l'�lection pr�sidentielle burundaise de 2015, qui devait se tenir le
26 juin 2015. Le 5 mai, la Cour constitutionnelle validait cette
candidature. La candidature de M. Nkurunziza � un troisi�me mandat a
plong� le pays, depuis la fin d'avril 2015, dans une profonde crise
politique, �maill�e de violences qui ont fait plus de 80 morts et
pouss� quelque 160 000 Burundais � fuir leur pays. Les �tats-Unis
ont pr�venu que des �lections tenues dans de telles conditions ne
seraient pas cr�dibles et discr�diteront davantage le gouvernement.
Les m�dias ont d�nonc� l'�aveuglement� du pr�sident, qui prouve que
le ma�tre de Bujumbura n�a qu�une seule id�e en t�te : �rester au
pouvoir�, et ce, quel qu�en soit le prix. Comme pour les
l�gislatives du 29 juin, l�opposition a d�ailleurs d�cid� de
boycotter le scrutin.
Comme il fallait s'y attendre, le pr�sident
burundais Pierre Nkurunziza a �t� r��lu d�s le premier tour pour un
troisi�me mandat, non sans avoir plong�, par sa candidature, ce
petit pays dans sa pire crise depuis la guerre civile. Des centaines
de personnes ont �t� tu�es, des milliers d�autres d�tenues et plus
de 400 000 Burundais ont fui � l��tranger, selon diff�rentes
organisations internationales. La Cour p�nale internationale (CPI) a
d�ailleurs annonc� il y a deux semaines l�ouverture d�une enqu�te
pour faire la lumi�re sur les crimes contre l�humanit� qui auraient
�t� commis par le r�gime, notamment le meurtre, la torture, le viol
et la disparition forc�e. La CPI estime qu�il y a des raisons de
croire que des agents de l��tat ont men� durant cette p�riode �une
attaque g�n�ralis�e et syst�matique contre la population civile
burundaise�. Dans un rapport intitul� �Se soumettre ou fuir�, publi�
en septembre 2017, Amnistie internationale rapportait �une
recrudescence des ex�cutions extrajudiciaires, des arrestations et
d�tentions arbitraires et des actes de torture� au Burundi, ce qui a
contraint ainsi la population au silence ou � l�exil.
4 La politique linguistique du
Burundi
Il ne serait pas exag�r� de dire que le Burundi actuel n�a pas de
politique linguistique, sinon la non-intervention. En effet, aux prises avec des
conflits ethniques incessants depuis l�ind�pendance, les dirigeants
politiques qui se sont succ�d� ont eu bien autre chose � faire que de s�occuper
des questions linguistiques.
4.1 Les textes juridiques
Rappelons tout
d�abord que, durant plus d�une vingtaine d�ann�es
depuis l�ind�pendance (1962), le Burundi fut gouvern� sans constitution, c�est-�-dire
de 1966 � 1974, puis de 1976 � 1981, de 1987 � 1992, et de 1996 � 1998. La
Constitution du 13 mars 1992 a �t� suspendue le 25 juillet 1996 par le nouveau
r�gime transitoire pour �tre remplac�e par le d�cret-loi no 1/001/96 du 13
septembre 1996 portant sur l'organisation du syst�me institutionnel de
transition. Depuis 1998, le d�cret-loi de 1996 porte maintenant le nom de
Acte constitutionnel de transition et les articles 5, 13 et 22 de la
Constitution de 2010.
- Les dispositions constitutionnelles de 2010
L�Acte constitutionnel de transition de 1998 constituait la loi
fondamentale jusqu'� la date de la promulgation d'une v�ritable constitution.
Ce texte de transition reprenait dans l�ensemble les dispositions de la
Constitution de 1992 relatives aux droits de l'homme et � la langue. Seul l�article
10 mentionnait express�ment une disposition concernant la langue:
Article 10 (1998)
abrog�
1) La langue nationale est le
kirundi.
2) Les langues officielles sont le
kirundi et les autres langues d�termin�es par la loi.
|
Juridiquement parlant, le texte ne mentionnait pas que le fran�ais �tait
l�une des langues officielles du Burundi avec le kirundi. Ainsi, seul le
kirundi restait une langue officielle de jure. Qui plus est, le fran�ais
est m�me demeur� la �premi�re langue officielle�, alors que le kirundi
conservait le rang de �seconde langue officielle�. La version de 2010 est quasi
identique:
Article
9
1) La langue nationale est le
kirundi.
2) Les langues officielles sont le kirundi et les autres
langues sont d�termin�es par la loi. Tous les textes l�gislatifs
d�application courante doivent avoir leur version originale en
kirundi.
Article 19
Toutes les femmes et
tous les hommes sont �gaux en dignit�, en droits et en devoirs. Nul
ne peut �tre l�objet de discrimination du fait notamment de son
origine, de sa race, de son ethnie, de son sexe, de sa couleur, de
sa langue, de sa situation social de se convictions religieuses,
philosophiques ou politiques, du fait d�un handicap physique ou
mental, ou du fait d��tre porteur du VIH sida. Tous les citoyens
sont �gaux devant la loi qui leur assure une protection �gale. |
En 2010, seul le kirundi est demeur�, comme auparavant, une langue officielle
de jure (de par la loi). Cependant, le fran�ais demeure l�une des deux
langues officielles dans les faits (ou de facto).
Certains
croient que l�expression �et les autres langues d�termin�es par la loi�
constituait une fa�on de faire entrer l�anglais au pays, comme ce fut la cas au
Rwanda et au Congo-Kinshasa. Jusqu'� r�cemment, ces �autres langues� n�ont
jamais �t� d�termin�es, ce qui signifie qu�aucune langue autre que le kirundi ne
devrait �tre utilis�e ni dans les d�bats, ni dans les discours, ni dans les
projets de lois. Par ailleurs, m�me le kirundi ne jouit pas pleinement du statut
d�officialit� que la Constitution lui conf�re, puisque cette langue n�est pas
obligatoire dans les d�bats et projets de lois � �tudier et � promulguer, ni non
plus la langue exclusive de fonctionnement des institutions.
C'est pourquoi l'�tat burundais croit n�cessaire de clarifier la situation en
d�terminant lesquelles des quatre langues, entre le kirundi, le fran�ais,
l�anglais et le swahili, doivent �tre utilis�es comme des langues officielles,
et dans quelles proportions et quels domaines obligatoires. Cela appara�t
d�autant plus urgent que certaines organisations internationales aimeraient
renforcer la situation des langues internationales parl�es au Burundi. Le
gouvernement croit n�cessaire de renforcer les positions de la langue nationale,
le kirundi, comme garant de l'identit� culturelle et linguistique, de coh�sion
sociale et de d�veloppement communautaire.
- L�accord d�Arusha de 2000
L�Accord d�Arusha pour la paix au Burundi, c�est-�-dire
l�accord sign� en Tanzanie par 16 des 19 d�l�gations burundaises en
pr�sence du pr�sident sud-africain, Nelson Mendela, pr�voit �galement des
dispositions � caract�re linguistique. Ainsi, les articles 1 et 4 interdisaient
toute discrimination, quelle que soit la race ou la langue, la religion, l�origine
ethnique, etc.:
Article 1er
Tous les Burundais sont �gaux en m�rite et en
dignit�. Tous les citoyens jouissent des m�me droits et ont droit � la m�me
protection de la loi. Aucun Burundais ne sera exclu de la vie sociale,
�conomique ou politique de la nation du fait de
sa race, de sa langue, de sa religion, de son sexe ou de son origine
ethnique.
Article 4
Toutes les femmes et tous les hommes sont �gaux.
Nul ne peut �tre l'objet de discrimination du fait
notamment de son origine, de sa race, de son ethnie, de son sexe, de sa
couleur, de sa langue, de sa situation sociale, de ses convictions
religieuses, philosophiques ou politiques ou du fait d'un handicap physique
ou mental. Tous les citoyens sont �gaux devant
la loi, qui leur assure une protection �gale.
|
�videmment, on se demande bien � quoi peut bien servir pr�sentement cette
disposition, puisque les faits d�montrent que la discrimination constituait le
fondement de la soci�t� burundaise. Mais on pouvait esp�rer que de
nouvelles r�formes permettraient �ventuellement d�appliquer cette disposition qui engagerait
le pays vers une paix bien m�rit�e. Par ailleurs, l�article 5 de l�accord d�Arusha reprenait les dispositions
de l�article 10 de l�Acte constitutionnel de transition de 1998, mais
rempla�ait les mots �les autres langues d�termin�es par la loi� par �toutes
autres langues arr�t�es par l'Assembl�e nationale�:
Article 5
1) La langue nationale est le
kirundi.
Les langues officielles sont le
kirundi et toutes autres langues d�termin�es par la loi.
2) Tous les textes l�gislatifs doivent avoir
leur version originale en kirundi.
Article 13
1) Tous les Burundais sont �gaux en m�rite et
en dignit�. Tous les citoyens jouissent des m�mes droits et ont
droit � la m�me protection de la loi.
2) Aucun Burundais ne sera exclu
de la vie sociale, �conomique ou politique de la nation
du fait de
sa race, de sa langue, de sa religion, de son sexe ou de son origine
ethnique.
Article 22
1) Tous les citoyens sont �gaux devant la loi,
qui leur assure une protection �gale.
2) Nul ne peut �tre l'objet
de discrimination du fait
notamment de son origine, de sa race, de son ethnie, de son sexe, de
sa couleur, de sa langue, de sa situation sociale, de ses
convictions religieuses, philosophiques ou politiques ou du fait
d'un handicap physique ou mental
ou du fait d'�tre porteur du VIH/SIDA ou toute autre maladie
incurable. |
En 2018, les articles 13 et 22 se lisaient
toujours ainsi ainsi :
Article 13 1)
Tous les burundais sont �gaux en m�rite et
en dignit�. Tous les citoyens jouissent des m�mes droits et ont droit � la m�me
protection de la loi.
2) Aucun burundais ne sera exclu de
la vie sociale, �conomique ou politique de la nation du fait de sa race, de sa
langue, de sa religion, de son sexe ou de son
origine ethnique
Article 22
1) Tous les citoyens sont
�gaux devant la loi, qui leur assure une protection �gale.
2) Nul ne peut �tre
l�objet de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son
ethnie, de son sexe, de sa couleur, de sa langue, de sa
situation sociale, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques, du fait d�un handicap physique ou mental, du fait d��tre porteur du
VIH/SIDA ou toute autre maladie incurable. |
Bien que le gouvernement ne fasse pas de recensement sur l'origine ethnique,
cet aspect demeure encore pr�sent dans la Constitution adopt�e par r�f�rendum le
8 mai 2018.
Pour le moment, le fran�ais reste la langue officielle de facto au
Burundi. C�est la langue de toutes les situations formelles et la grande
langue �crite, que ce soit � l�Assembl�e nationale, � la Pr�sidence, dans
les m�dias �crits et �lectroniques, les �coles, les universit�s, le
commerce international, etc.
Pour ce qui est de l�affichage public, les enseignes des organismes
gouvernementaux, administratifs, services de sant�, etc., sont g�n�ralement
r�dig�es seulement en kirundi. Seuls les �tablissements d�enseignement ne
paraissent qu�en fran�ais. Quant aux plaques odonymiques (noms de rue), elles
sont en fran�ais � Bujumbura: par exemple, Rue de la Mission, Rue de
la Victoire, Boulevard du 28 novembre, Chauss�e Peuple Murundi,
Avenue de l'Universit�, mais aussi Rue Buragane, Rue Makamba,
Rue Ruvubu, etc. � Kigali et dans plusieurs villes, les plaques sont
bilingues (fran�ais-kirundi).
4.2 Les langues du Parlement et de la justice
� l�Assembl�e nationale, le fran�ais (surtout) et le kirundi constituent
les deux langues des d�bats, puis les lois sont r�dig�es en fran�ais,
parfois en kirundi. Dans les tribunaux, les juges utilisent la langue nationale,
le kirundi, avec les justiciables, mais r�digent leur compte rendu en
fran�ais. Les cours de haute instance n�utilisent en principe que le
fran�ais, mais les justiciables peuvent s�exprimer dans la langue de leur
choix; l� aussi, les proc�s-verbaux ne sont r�dig�s qu�en fran�ais. Ainsi, la
loi n� 1/10 du 03 avril 2013 portant r�vision du Code de proc�dure
p�nale mentionne que, dans l'impossibilit� de �s'exprimer
dans la langue de la proc�dure�, le Minist�re public d�signe un interpr�te �
charge du Tr�sor public:
Article 77
Si l'inculp� d�clare �tre dans l'impossibilit� de s'exprimer dans
la langue de la proc�dure, le Minist�re public d�signe un interpr�te
�
charge du Tr�sor public.
Article 195
Lorsque le pr�venu, la partie civile ou le t�moin ne parle pas
l'une des langues officielles utilis�es par le tribunal ou s'il
s'av�re n�cessaire de traduire un document vers� aux d�bats, le
pr�sident d�signe d'office un interpr�te et lui fait pr�ter serment. |
L'article 195 utilise l'expression �l'une
des langues officielles utilis�es par le tribunal�, mais ne les d�signe pas
formellement. Quant � l'article 286 de la
loi n� 1/05 du 22 avril 2009 portant r�vision du Code p�nal, il
demeure tout aussi vague en recourant � la formule �dans une langue autre que
celle dont l'emploi [...] est prescrite par la loi�:
Article 286
Est puni d'une servitude p�nale de trois mois � un an et d'une
amende de cinquante mille francs � deux cents mille francs, le
commer�ant d�clar� en faillite :
1� Qui n'a pas tenu les livres de commerce ou fait les
inventaires prescrits par les dispositions l�gales et
r�glementaires ;
2� Dont les livres ou les inventaires sont incomplets,
irr�guliers ou r�dig�s dans une langue autre que celle dont
l'emploi, en la mati�re, est prescrit par la loi ;
|
En somme, les lois burundaises traitent des langues
officielles, mais ne les mentionne jamais formellement, sauf dans la
Constitution. � l'heure actuelle, si le kirundi est reconnu formellement
comme la seule langue officielle et nationale, cette reconnaissance ne se
traduit pas dans les faits. En principe, l�usage de la langue officielle est
de rigueur dans tous les actes institutionnels. Ce n�est pas le cas du
kirundi puisque rares sont les textes juridiques et r�glementaires qui sont
con�us, r�dig�s et diffus�s dans cette langue. C�est plut�t le fran�ais qui
remplit davantage cette fonction dans les diff�rentes institutions. �
l�Assembl�e nationale et au S�nat, les textes r�glementaires, les rapports
et les autres documents administratifs sont d'abord r�dig�s en fran�ais et
traduits ensuite en kirundi, le cas �ch�ant. M�me si la loi prescrit que
tout texte discut� au Parlement doit l��tre � partir d�une version en
kirundi, cela na jamais �t� appliqu�. Les discussions et les d�bats sont
men�s en kirundi comme en fran�ais. Il en va de m�me des autres institutions
dont le Conseil des ministres.
4.3 L'administration publique
Dans les communications orales au sein de l'administration publique, les probl�mes sont inexistants entre les
fonctionnaires et les services � la population, puisque tous les Burundais
parlent le kirundi. Ce sont les documents �crits qui font probl�me, car fort
peu de textes officiels sont disponibles en kirundi. Ainsi, la plupart des gens
ne peuvent lire ni formulaires, ni circulaires, ni r�glements, etc., parce qu�ils
ne connaissent pas suffisamment le fran�ais. Les papiers officiels tels que les
passeports, cartes d�identit�, monnaie, etc., sont r�dig�s dans les deux
langues officielles. De fa�on g�n�rale, la langue de travail entre les
fonctionnaires demeure le fran�ais. Cependant, le kirundi est rest� la langue
orale des Forces arm�es burundaises contr�l�es par les Tutsis. Dans les faits,
le fran�ais pr�domine nettement dans l'Administration centrale, mais le kirundi
dans les administrations locales.
De fa�on g�n�rale, la conception du travail se fait en fran�ais,
bien que l�ex�cution soit en kirundi. C�est ainsi que les programmes des
minist�res et les textes qui les r�gissent, ainsi que les autres documents
internes, sont con�us en fran�ais. Ils sont ensuite adapt�s en kirundi chaque
fois qu'il est n�cessaire de faire conna�tre l'information aupr�s des citoyens.
Dans les minist�res, les r�unions se font en fran�ais. La
plupart des documents, que ce soit les rapports, les programmes d�activit�s, la
correspondance administrative, etc., sont exclusivement r�dig�s en fran�ais. Les
seuls documents r�dig�s en kirundi concernent l�administration locale. La
correspondance administrative se fait presque exclusivement en fran�ais, sauf
dans les rares cas o� la communication concerne le personnel non instruit. Dans
l'arm�e et la police, les ordres, les documents administratifs, les manuels de
formation, la correspondance officielle, etc., sont r�dig�s en fran�ais, quitte
� les adapter en kirundi lorsqu�il faut les communiquer oralement aux groupes
concern�es.
Pour ce qui est de l�affichage public, les enseignes des organismes
gouvernementaux, administratifs, services de sant�, etc., sont g�n�ralement
r�dig�es seulement en kirundi. Seuls les �tablissements d�enseignement ne
paraissent qu�en fran�ais. Quant aux plaques odonymiques (noms de rue), elles
sont en fran�ais � Bujumbura: par exemple, Rue de la Mission, Rue de
la Victoire, Boulevard du 28 novembre, Chauss�e Peuple Murundi,
Avenue de l'Universit�, mais aussi Rue Buragane, Rue Makamba,
Rue Ruvubu, etc. Dans d'autres villes, elles peuvent �tre bilingues (fran�ais-kirundi).
Dans l'affichage public, l'article 14 de la
loi n� 1/ 02 du 11 janvier 2007 instituant le Code des douanes
est int�ressant parce qu'il impose l'emploi des deux langues
officielles sur la fa�ade des bureaux des douanes, sans les nommer :
Article 14
L'administration est tenue de faire apposer sur la fa�ade de
chaque bureau, � un endroit tr�s apparent, un tableau portant
cette inscription : �Douanes burundaises�- �Bureau de...� dans
les deux langues officielles avec les heures d'ouverture et de
fermeture. |
Enfin, la
loi n� 021 du 30 d�cembre 2005 portant protection du droit d'auteur
et des droits voisins au Burundi
prot�ge les droits d'auteur dans �la langue originale�, sans la mentionner
davantage:
Article 26
Nonobstant les dispositions de l'article 24, les utilisations
suivantes d'une �uvre prot�g�e, soit en langue originale, soit en
traduction, sont licites sans le consentement de l'auteur:
1. s'agissant d'une �uvre qui a �t� publi�e licitement ;
a) reproduire, traduire, adapter, arranger ou transformer de toute
autre fa�on une telle �uvre, exclusivement pour l'usage personnel et
priv� de celui qui l'utilise.
|
Il faut aussi comprendre que les communications orales se
font g�n�ralement en kirundi avec la population locale, car autant les
fonctionnaires que les citoyens tous parlent la langue nationale.
4.4 Les langues d'enseignement
� la suite des �v�nements dramatiques qui ont secou� le Burundi depuis
plusieurs ann�es (surtout depuis 1993-1994), le syst�me scolaire s'est en
grande partie effondr�. Beaucoup d��coles ont �t� d�truites ou
s�rieusement endommag�es, les autres ne fonctionnant que de fa�on partielle
en raison des d�g�ts mat�riels (par exemple, le mobilier scolaire ayant �t�
utilis� pour le chauffage) et de l�ins�curit� de la population. Souvent,
les b�timents scolaires ont �t� �r�quisitionn�s� par les milliers de
personnes d�plac�es � la recherche d'un abri. Une bonne partie de la
population hutue est r�fugi�e dans les collines et s'est cach�e durant des
ann�es, et dans ce contexte de nombreux parents ont �t� r�ticents � envoyer
leurs enfants � l��cole.
Pendant plus d'une d�cennie, environ un enfant sur deux n'a pas fr�quent� l��cole primaire et il semble
que les fillettes aient �t� encore plus expos�es � ce genre d�exclusion. De plus, bien que la contribution financi�re demand�e aux parents
pour l'�cole primaire soit relativement accessible � quelque 500 � 700
francs burundais (un dollar am�ricain s��changeant � 640 Fbu au taux
officiel �, c��tait encore trop pour ceux qu�on appelle les �indigents�.
Des directeurs d'�cole ont renvoy� chez eux les ��l�ves indigents� qui
n'avaient pas pay� leur minerval (belgicisme d�signant les �frais de
scolarit�), ce qui est contraire aux directives minist�rielles qui
interdisent la discrimination � l'encontre des �enfants indigents�. Toutes
ces difficult�s ont entra�n� une sous-scolarisation. Il en est r�sult� que
seulement 35,3 % des enfants burundais ont �t� alphab�tis�s, soit l�un des
plus bas de toute l�Afrique (contre 60,5 % au Rwanda voisin, 77,3 % au
Congo-Kinshasa, 51,7 % au Togo). Depuis quelque temps, le gouvernement burundais
a mis sur pied des ��coles temporaires� dans de nombreuses agglom�rations
afin d�accro�tre la fr�quentation scolaire. De plus, selon une �tude de l'UNICEF
de 2002, il y aurait eu 10 577 enfants physiquement et mentalement handicap�s au
Burundi avec diverses cat�gories de handicaps : d�fauts d'�locution,
traumatismes physiques li�s � la guerre, maladies mentales, infirmit�s
physiques, c�cit� et surdit�.
Rappelons que l�article 53 de la
Constitution de 2018 que les parents ont le droit et le devoir d'�duquer et
d'�lever leurs enfants, et qu'ils sont soutenus dans cette t�che par l��tat:
Article 53
1)
Tout citoyen a droit � l��gal acc�s � l�instruction, � l��ducation et � la
culture.
2)
L��tat a le devoir d�organiser l�enseignement public et d�en favoriser l�acc�s.
3)
Toutefois, le droit de fonder les �coles priv�es est garanti dans les conditions
fix�es par la loi. |
Cependant, lorsque les enfants burundais commencent � fr�quenter l��cole
primaire, il n�est pas dit qu�ils termineront leurs �tudes. En effet,
seulement la moiti� de la population m�le (52% des gar�ons) termine ses
�tudes primaires, alors que c�est 32% pour les filles, parfois moins. Au
secondaire, quelque 10% des gar�ons commencent leurs �tudes secondaires, et
seulement 3,6% pour les filles.
Dans le cadre de la Campagne appel�e �Back to School 2012-2013�, plus de 4000
enseignants de 572 �coles primaires de diff�rentes provinces du Burundi ont
suivi du 6 au 18 ao�t 2012 une formation sur le module ��cole amie des enfants�.
Cette formation avait pour objectif d�am�liorer la qualit� de l�enseignement
primaire au Burundi et de donner aux enfants toutes les chances de fr�quenter
massivement l��cole et d�y rester, afin d�achever leur cycle scolaire du
primaire dans les meilleures conditions d�apprentissage possibles. Avec
l�abolition des frais de scolarit� au primaire d�cr�t�e par le gouvernement du
Burundi en 2005, le taux net de scolarisation a connu une progression
importante, car il est pass� de 59% en 2005 � 96,1% en 2011, dont 97,6% pour
les gar�ons et 94,8% pour les filles.
Toutefois, les r�sultats concernant la r�ussite scolaire plaident en faveur
d�une nette am�lioration de la qualit� de l�enseignement. En effet, d'apr�s
l'UNICEF, pr�s de quatre enfants sur dix ont redoubl� en 2011 et pr�s d�un
enfant sur dix a abandonn� ses �tudes en cours d�ann�e. Actuellement, seul un
enfant sur deux ach�ve ses �tudes primaires au Burundi, et � peine plus de 15 %
d�entre eux acc�dent � l�enseignement secondaire, en majorit� des gar�ons. Les
raisons les plus souvent invoqu�es comme ayant contribu� � un si pi�tre r�sultat
sont les suivants: la grande pauvret� des parents, les violences sur le chemin
de l��cole, le travail des enfants, les grossesses des filles et les mariages
pr�coces.
- Les types d'�coles burundaises
Au Burundi, on distingue quatre types d��coles : les �coles publiques dites
d'�tat, les �coles publiques �sous convention�, les �coles priv�es et les �coles
consulaires.
Les �coles publiques d'�tat sont celles qui sont sous la responsabilit� de
l��tat en ce qui concerne les infrastructures et les �quipements, le salaire du
personnel et l�approvisionnement en mat�riel p�dagogique comme les manuels
scolaires. Les �coles publiques �sous convention� sont des �coles publiques
administr�es par les congr�gations religieuses, mais l��tat conserve la
responsabilit� du personnel enseignant. Jusqu� � pr�sent, cinq congr�gations
religieuses ont sign� une convention avec l��tat : l'�glise catholique, l��glise
adventiste du 7e jour, la Communaut� des
�glises de Pentec�te du Burundi, la Communaut� islamique du Burundi et l'�glise
�vang�lique des amis.
Quant aux �coles priv�es, elles sont g�r�es par des institutions priv�es et
sont normalement reconnues � la suite d'inspections r�glementaires par les
services habilit�s au sein du minist�re de l'�ducation. Cette reconnaissance
officielle repose sur la conformit� avec les programmes publics, sauf que la
langue d'enseignement peut �tre le fran�ais, l'anglais ou le swahili, voire
l'arabe. Dans l�enseignement primaire, les �coles priv�es ne repr�sentent
qu'environ 2 % de toutes les �coles, soit une quarantaine d'�tablissements.
Contrairement aux �coles dites �sous convention� qui sont r�parties sur tout le
pays, les �coles priv�es sont presque toutes localis�es � Bujumbura (87,5 %).
Voici ce que prescrivent les articles 13 et 14 de la
loi n� 1/19 du 10 septembre 2013 portant organisation de
l'enseignement de base et secondaire sur cette question:
Article 13
Le syst�me �ducatif burundais comprend
l�enseignement public et l�enseignement priv�.
L�enseignement public est un enseignement organis� par l��tat ou par les
collectivit�s locales. L�enseignement sous le r�gime d�une convention scolaire
confessionnelle ou autre fait partie de l�enseignement public.
L�enseignement priv� est un enseignement organis� par les �tablissements
scolaires cr��s par des personnes physiques ou morales, des associations ou des
fondations dot�es de la personnalit� civile, dans le respect des conditions et
normes fix�es par le minist�re ayant l�enseignement de base et secondaire dans
ses attributions.
Article 14
En vue d�une meilleure efficacit� p�dagogique
et/ou administrative, les pouvoirs publics peuvent g�rer eux-m�mes les
�tablissements d�enseignement public ou les confier � des associations �
vocation �ducative moyennant une convention. Tous les �tablissements
d�enseignement public et priv� sont soumis � un r�gime d�inspection et de
contr�le. |
Pour ce qui est des �coles consulaires, ce sont des �coles organis�es par les
repr�sentations diplomatiques : elles fonctionnent g�n�ralement selon le r�gime
p�dagogique des pays d�origine de ces repr�sentations. Ce sont des cas
d'exception, selon l'article 2 de la
loi n� 1/19 du 10 septembre 2013:
Article 2
La pr�sente loi s�applique aux �coles
publiques et priv�es y compris celles qui sont ouvertes � l��tranger et dont les
programmes d�enseignement sont conformes au syst�me �ducatif burundais.
Les �coles �tablies par les missions diplomatiques et consulaires constituent
des exceptions. Les modalit�s de leur agr�ment et de leur fonctionnement sont
fix�es par le Ministre en charge des relations ext�rieures. |
Il n'existe que quelques �coles �consulaires�, qui sont sous
la juridiction de la France, de la Belgique, du Congo-Kinshasa et de la
Tanzanie. Les langues d'enseignement peuvent �tre le fran�ais, l'anglais ou
le swahili, et toute autre langue autoris�e par le gouvernement burundais,
mais en principe ces �coles sont ind�pendantes et pay�es par le pays
concern�.
- Le kirundi comme langue d'enseignement
En vertu de l'article 11 de la
loi n� 1/19 du 10 septembre 2013 portant organisation de
l'enseignement de base et secondaire, les langues d'enseignement
sont le kirundi, le fran�ais, l'anglais et le swahili (ou kiswahili):
Article 11
La ma�trise de la langue nationale et la connaissance
d'autres langues font partie des objectifs fondamentaux
d'enseignement.
Le kirundi, le fran�ais et l'anglais sont des langues
d'enseignement.
Le kirundi, le fran�ais, l'anglais et le kiswahili sont des
langues enseign�es.
D'autres langues peuvent �tre introduites par la loi.
|
Cependant, ces quatre langues n'ont pas le m�me statut et
elles ne sont pas enseign�es de fa�on �quivalente. Le kirundi, on le sait, est la langue maternelle de la
grande majorit� des Burundais. D�s 1973, le gouvernement burundais avait
entrepris la �kirundisation� de l'enseignement dans les programmes
scolaires. D�s lors, le kirundi devait devenir la seule langue
d'enseignement dans toutes les �coles primaires publiques, renvoyant le
fran�ais au statut de �langue �trang�re�. Cette politique de kirundisation
demeure encore en vigueur, mais uniquement durant les quatre premi�res
ann�es de l��cole primaire.
L'article 29 de la
loi n� 1/19 du 10 septembre 2013 �nonce que �dans les �coles maternelles et les structures communautaires,
les apprentissages se font en kirundi et/ou en d'autres langues
reconnues par la loi, mais en respectant le programme national de
r�f�rence�. De fait, le kirundi est la seule langue
d'enseignement des �coles maternelles publiques.
Selon la r�glementation scolaire du Burundi, l��ge
d�admission en premi�re ann�e de l��cole primaire est de sept ans. Comme la
dur�e du niveau primaire est de six ans, une scolarisation normale devrait
se terminer � 12 ans avant d'entreprendre le secondaire, mais � cause des
nombreux redoublements la scolarisation primaire peut se terminer � 13 ou 14
ans au terme de laquelle l'�l�ve passe le concours d'acc�s au secondaire.
Cela signifie aussi que l'enseignement g�n�ralis� en kirundi ne dure que
quatre ans pour devenir une mati�re d'enseignement.
Dans les �tablissements priv�s et consulaires, le fran�ais est
pr�dominant, ainsi que l'anglais pour les confessions protestantes.
- Le fran�ais
Dans les �coles publiques, � partir de la cinqui�me ann�e du
primaire, le fran�ais remplace progressivement le kirundi, mais le ma�tre
peut � tout moment expliquer les notions difficiles en kirundi. Au
secondaire et dans tout l'enseignement sup�rieur, le fran�ais demeure la
principale langue d�enseignement, en d�pit de l'article 81 de la
loi n� 1/19 du 10 septembre 2013 :
Article 81
� l'exception des langues enseign�es, la langue
d'enseignement au secondaire est le fran�ais, l'anglais ou toute
autre langue qui sera fix�e par la loi.
Les langues enseign�es dans l'enseignement secondaire sont : le kirundi ;
le fran�ais ;
l'anglais ;
le kiswahili.
Les cours � enseigner en plus des langues sont d�finies par
d�cret.
|
Pendant que le fran�ais devint la seule langue
d'enseignement pour environ dix heures de cours par semaine, le kirundi est
enseign� durant deux heures comme discipline. Il en est ainsi pour les
programmes de formation professionnelle (art. 115 de la de la
loi n� 1/19 du 10 septembre 2013):
Article 82
Les objectifs d'enseignement, les contenus des programmes,
les m�thodes d'enseignement, les volumes horaires, les supports
p�dagogiques, les activit�s d'�valuation ainsi que le certificat
et le dipl�me � d�livrer pour toute section d'enseignement
secondaire sont fix�s par d�cret.
Article 115
Les programmes de la formation professionnelle sont dispens�s
dans la langue fran�aise ou toute autre langue que tous les
apprenants peuvent comprendre ais�ment. |
Cependant, dans la grande majorit� des cas, les �coles
priv�es utilisent le fran�ais comme langue d�enseignement depuis la premi�re
ann�e du primaire.
Selon le Rapport PASEC en
mati�re d'enseignement primaire (2010), un test appel� MLA (Monitoring
and Learning Achievment) a �t� administr� en 2002 � 2199 �l�ves.
L'�valuation s'est d�roul�e dans les trois domaines classiquement propos�s
par cette enqu�te internationale : le fran�ais, les math�matiques, la vie
courante, mais un quatri�me domaine a �t� ajout�, � savoir le kirundi, car
cette langue nationale est aussi la langue d�enseignement de la premi�re
ann�e � la quatri�me ann�e primaire. Au plan des disciplines �valu�es, les
�l�ves ont obtenu de tr�s bons r�sultats en kirundi avec une moyenne de 75,7
%, et en �vie courante� (69,2 %), avec des r�sultats relativement faibles en
math�matiques (52, 6 %) et de mauvais r�sultats en fran�ais (44,7 %). En
somme, le fran�ais, langue d�enseignement � partir de la 5e ann�e, semble
donc peu ma�tris�. Le seuil minimal de ma�trise appara�t comme tr�s bon pour
la �vie courante� (96,1 %) et le kirundi (92.9 %), mais moyennement bon en
math�matiques (60 %), et tr�s mauvais en fran�ais (34 %), ce qui semble
inqui�tant. D�ailleurs, beaucoup d'enseignants ne parlent pas tr�s bien le
fran�ais, une langue que beaucoup ne ma�trise que difficilement. Un ancien
rapport de l�UNICEF signale que la plupart des enseignants ma�trisent mal le
fran�ais parl�. Ensuite, tr�s peu de familles parleraient le fran�ais comme
langue d��change � domicile.
Dans
beaucoup d'�coles secondaires, il est encore obligatoire pour les �l�ves de
s'adresser aux enseignants en fran�ais, car cela les oblige � am�liorer leur
niveau d'expression. Cependant, comme la plupart des �l�ves ne terminent pas
leurs �tudes secondaires, tr�s peu d�entre eux r�ussissent � apprendre
convenablement le fran�ais. Pr�cisons que le kirundi est n�anmoins enseign�
en tant que mati�re jusqu�� la fin des �humanit�s� (belgicisme d�signant
la fin du lyc�e).
Par contre, le niveau de performance des �l�ves des
�tablissements priv�s appara�t nettement meilleur en fran�ais que celui des
�l�ves des �coles publiques. Cette situation peut s�expliquer par le fait
que, dans les �coles priv�es, le fran�ais est la langue d�enseignement d�s
la premi�re ann�e du primaire.
- L'anglais et le swahili
Dans certaines �coles urbaines (surtout � Bujumbura), depuis
2005, l'anglais a �t� introduit pour �tre enseign� comme langue �trang�re en
raison de trois � quatre heures par semaine au secondaire. Le minist�re de
l'�ducation a �galement mis en place des cours intensifs de fran�ais et
d'anglais dans un certain nombre d��coles secondaires. Pour le moment, ces
�l�ves re�oivent en moyenne trois ou quatre heures d�anglais par semaine
durant six ans. � plus long terme, il est pr�vu que les �l�ves burundais
puissent s'exprimer en fran�ais et en anglais. Pour le moment, il y a loin
de la coupe aux l�vres, car il faut faire face � la grave p�nurie du corps
professoral apte � enseigner l'anglais. Or, cette langue demeure peu
enseign�e dans les �coles secondaires pour diverses raisons, dont le manque
de formation des enseignants et la non-implication financi�re des pays
anglophones dans cet enseignement. Il semble bien difficile de demander � un
enfant d'apprendre une langue que le ma�tre lui-m�me ne ma�trise pas. Bien
souvent, les enseignants ont re�u une formation de deux semaines � la fois
en anglais et en swahili pour ensuite enseigner ces deux langues.
En f�vrier 2014, le gouvernement a instaur� un
nouveau programme d'anglais et de swahili d�s le primaire. En
g�n�ral, la tendance est de retirer deux heures hebdomadaires au
cours de kirundi et de fran�ais et une heure au calcul, pour les
attribuer au swahili et � l'anglais.
2007 |
Kirundi |
Fran�ais |
Anglais |
Swahili |
Calcul |
1re
ann�e |
8 h |
8 h |
2 h |
2 h |
8 h |
2e
ann�e |
8 h |
8 h |
2 h |
2 h |
8 h |
3e
ann�e |
4 h |
8 h |
2 h |
2 h |
9 h |
4e
ann�e |
4 h |
8 h |
2 h |
2 h |
9 h |
5e
ann�e |
4 h |
13 h |
0 h |
0 h |
10 h |
6e
ann�e |
4 h |
3 h |
0 h |
0 h |
10 h |
Cette r�forme a soulev� beaucoup de controverses
dans les milieux de l'�ducation, le d�bat portant
essentiellement sur la capacit� d'un enfant de sept ans �
ma�triser correctement quatre langues � la fois au cours de sa
scolarit� primaire, alors qu'il ne sait m�me pas encore �crire
dans sa langue maternelle. Certains
�ducateurs s'opposent � l'introduction de ces deux nouvelles
langues, en raison notamment du manque de mat�riel didactique et
de la formation de courte donn�e aux enseignants; ils critiquent
�galement la pr�cipitation de la d�cision du gouvernement qui
n'aurait jamais consult� ni les enseignants ni les responsables
de l'�ducation.
Cependant, le
D�cret n� 100/078 du
22 mai 2019 portant fixation des langues d'enseignement et
�chelonnement des langues enseign�es � l'�cole fondamentale
est venu changer la donne:
Article 2
Les langues d'enseignement sont le kirundi et le fran�ais. L'anglais
peut devenir une langue d'enseignement pour les �coles o� les
conditions exig�es sont remplies. Ces conditions seront pr�cis�es
dans une ordonnance minist�rielle.
Article 4
Le kirundi est la langue d'enseignement aux premier et deuxi�me
cycles de l'enseignement fondamental sauf pour les math�matiques qui
sont enseign�es en fran�ais d�s la quatri�me ann�e.
Article 5
Le fran�ais est la langue d'enseignement � partir du troisi�me cycle
du fondamental sauf pour l'Entrepreneuriat, Sciences humaines, Arts
et EPS qui sont enseign�s en kirundi.
Article 6
Le kirundi et le fran�ais sont des langues enseign�es � partir de la
premi�re ann�e de l'enseignement fondamental tout en respectant les
sp�cificit�s de l'apprentissage de chaque langue.
Article 7
L'anglais est enseign� � partir de la troisi�me ann�e de
l'enseignement fondamental.
Article 8
Le kiswahili est enseign� � partir de la cinqui�me ann�e de
l'enseignement fondamental. |
Ainsi, quatre langues font partie de l'enseignement comme
discipline: le kirundi, le fran�ais, l'anglais et le kiswahili. �videmment,
il s'agit l� d'un programme ambitieux de la part d'un pays qui ne fait pas
partie des nations riches, car l�enseignement des quatre langues, � savoir
le fran�ais, le kirundi, l�anglais et le kiswahili, rend complexe le
parcours scolaire et la progression des apprentissages. L'un des d�fis
auxquel le gouvernement doit faire face est, entre autres, la faible
ma�trise des langues par les enseignants, particuli�rement l�anglais et le
kiswahili, ainsi que l�absence de pr�alables suffisants chez les
enseignants. La formation des enseignants ne les a pas pr�par�s �
l'�enseignement multiple des langues.
En fonction de tous ces d�fis, le Conseil des ministres a
d�cid� qu�en premi�re ann�e le kirundi � l��crit et le fran�ais � l�oral
seront enseign�s, et que ce dernier sera enseign� avec recours � l��crit �
partir de la deuxi�me ann�e. L�anglais sera int�gr� � partir de la troisi�me
ann�e, d�abord � l�oral, puis � l��crit � partir de la cinqui�me ann�e et le
kiswahili sera introduit en cinqui�me ann�e � l�oral avant une int�gration
de l��crit en sixi�me ann�e. De plus, une transition linguistique de
l�enseignement du kirundi au fran�ais dans les disciplines des math�matiques
et des sciences et technologies doit d�buter � partir de la quatri�me ann�e,
pour pr�parer l�enfant � l�enseignement en fran�ais � partir de la cinqui�me
ann�e.
- L'enseignement
sup�rieur
Dans l�enseignement
sup�rieur, c�est le fran�ais qui est le v�hicule exclusif de
l�enseignement. L�anglais est une mati�re enseign�e dans les
diff�rents facult�s et instituts de l�enseignement sup�rieur,
g�n�ralement dans les premi�res ann�es. Il existe des unit�s de
formation � l�Universit� du Burundi et � l��cole normale
sup�rieure, o� cette langue est utilis�e comme v�hicule du
savoir. Le kiswahili est aussi enseign� comme mati�re � la
Facult� des lettres et sciences Humaines, au D�partement des
langues et litt�ratures africaines, mais de fa�on tr�s sommaire.
Cr��e en 1964, l�Universit� du Burundi � Bujumbura est l�unique universit�
publique; elle compte actuellement plus de 13 000 �tudiants r�partis dans huit
facult�s et trois instituts. Dans l'enseignement sup�rieur,
le fran�ais sert de langue d�enseignement, sauf dans les programmes de langues �trang�res. Ainsi, le D�partement
de langue et litt�rature anglaise de la facult� des lettres et sciences
humaines offre, depuis plus de trente ans, un programme de formation en anglais
d�une dur�e de quatre ans destin� g�n�ralement aux futurs enseignants en
anglais (�coles secondaires).
Il existe aussi l'�cole normale sup�rieure, qui a �t�
cr��e en 1965, afin de former les enseignants de l��cole secondaire. Fusionn�e
avec l�Universit� du Burundi, elle est devenue une structure ind�pendante en
d�cembre 1999. Elle compte trois d�partements: �Langues et Sciences humaines�,
�Sciences naturelles� et �Sciences appliqu�es�. En 2013, l'Universit� du Burundi
a mis en place un nouveau d�partement de kirundi-swahili � l'Institut de
p�dagogie appliqu�e (IPA).
4.5 Les m�dias et la vie �conomique
Des quelque 40 titres de journaux paraissant entre ao�t 1991 et juin 1996,
seuls quatre continuent de para�tre r�guli�rement aujourd'hui. Il s'agit du
quotidien national de langue fran�aise Le Renouveau du Burundi,
propri�t� de l'�tat, de l'hebdomadaire priv� d'information et d'analyse L'Avenir
publi� depuis le 1er juillet 1997, de l'hebdomadaire en langue
kirundi Ubumwe diffus� par l��tat et du bimensuel Ndongozi y'Uburundi
appartenant � l'�glise catholique. Subsistent aussi d'autres journaux �
parution fort irr�guli�re, comme le bimensuel priv� Le Patriote. De
fa�on g�n�rale, la presse �crite reste contr�l�e de pr�s par le
gouvernement. Plusieurs titres de p�riodiques paraissent en kirundi. Ainsi,
les quelques journaux qui paraissent r�guli�rement au Burundi sont �dit�s en
fran�ais, et dans une moindre proportion, en kirundi.
L'espace audiovisuel est occup� par trois radios et une t�l�vision
priv�es. Ainsi, � c�t� de T�l� 10 Burundi (fran�ais, anglais,
swahili, etc.), �mettent Radio-Culture (fran�ais), Radio-Umwizero
ou Radio de l�Espoir (kirundi, swahili et fran�ais) et Radio-CCIB
FM+ (fran�ais). Des radios internationales comme la British
Broadcasting Corporation (anglais et kirundi), et la Voix de l�Am�rique
(fran�ais et kirundi), sont pr�sentes sur la bande FM, ainsi que Radio
France Internationale qui n��met qu�en fran�ais.
Une cha�ne de la radio nationale au Burundi diffuse en kirundi et une autre en
fran�ais. Les radios priv�es diffusent, en plus du kirundi et du fran�ais,
�galement en swahili et en anglais. Dans la t�l�vision burundaise, le kirundi et
le fran�ais ont une importance approximativement �gale. Le Burundi accorde donc
une place relativement importante � la langue nationale, parl�e par toute la
population.
En ce qui a trait � la vie �conomique,
les Burundais sont tr�s pragmatiques. Dans la vie quotidienne, le kirundi et le
swahili � Bujumbura sont les langue des affaires et des communications
normales. Dans les contacts plus formels, le fran�ais est privil�gi�, mais le
swahili (� Bujumbura) et l�anglais peuvent aussi servir de langue
v�hiculaire. Les enseignes commerciales dans le centre-ville de Bujumbura sont
g�n�ralement en fran�ais, mais il en existe �galement en anglais ou en
swahili, les deux premi�res langues se disputant la pr�s�ance. Les
affichettes des petits commer�ants dans les centres urbains sont r�dig�es
plut�t en swahili, la langue des affaires par excellence, mais � l�int�rieur
du pays elles sont en kirundi. Le fran�ais reprend ses droits sur les chantiers
de construction, les affiches indiquant le nom du propri�taire, l'entreprise de
construction, le ma�tre d'�uvre, le financement du projet, etc. � l�entr�e
des usines, du port ou de l'a�roport, tout para�t en fran�ais.
Dans le Code de commerce
(2010), l'une des rares lois r�glementant les langues dans le monde
du commerce et des affaires, impose aux commer�ants de tenir leurs livres �soit en
kirundi, soit en fran�ais, soit en toute autre langue d�termin�e par
la loi�:
Article 27
Tout commer�ant doit tenir une
comptabilit� r�guli�re qui fait �tat de ses op�rations commerciales
et de sa situation de fortune conform�ment au plan comptable
national.
� ce titre, le commer�ant tient
notamment les livres de commerce suivants :
1� Un livre journal qui comprend
les livres d'achats et les livres de recettes avec toutes les
pi�ces justificatives ;
2� Un livre des inventaires qui retrace sa situation
patrimoniale.
Le commer�ant est tenu de garder copie
des factures, pi�ces justificatives, lettres, t�l�grammes et
transmissions t�l�graphiques, par fac-simil� ou �lectronique se
rapportant � son commerce qu'il envoie, ou qu'il re�oit et de les
classer r�guli�rement. Ces livres devront �tre tenus
soit en kirundi, soit en fran�ais, soit en toute autre langue d�termin�e par
la loi. Par d�rogation � l'alin�a pr�c�dent, des documents
informatiques peuvent tenir lieu de livre journal et de livre
d'inventaire ; dans ce cas, ils doivent �tre identifi�s, num�rot�s
et dat�s d�s leur �tablissement par des moyens offrant toute
garantie en mati�re de preuve.
L'authenticit� des documents
�lectroniques se fait selon les m�canismes de cryptographie publique
ou de cryptographie asym�trique ou d'autres technologies conformes �
un ensemble d'exigences minimales g�n�ralement reconnues dans le
commerce international.
|
Il n'existe gu�re d'autres langues d�termin�es par la loi.
4.6 Le monde de la Francophonie
Le Burundi est membre de l'Organisation internationale de la
Francophonie (OIF) depuis 1970. De fa�on g�n�rale, la francophonie semble relativement mal per�ue au Burundi, comme
d'ailleurs au Rwanda. La France aurait jou� un
r�le suspect lors des �v�nements reli�s au
g�nocide de 1994 au Rwanda. Quant aux �v�ques catholiques, ils semblent
compl�tement indiff�rents � la Francophonie internationale. L��glise du
Burundi, l�une des grandes puissances �conomiques du pays, entretient m�me
des relations vieilles de plusieurs d�cennies avec les �glises d'Angleterre,
de Su�de, de Norv�ge, des USA, etc., c�est-�-dire des relations
privil�gi�es avec le monde chr�tien anglophone ou anglophile.
N'oublions pas que 90 % des Burundais ne connaissent pas le fran�ais. Tous ces
facteurs vont donc peser lourdement sur l'avenir de la francophonie burundaise...
ou ce qu�il en reste. On estime qu'en 2010 quelque 682 000 Burundais pouvaient
s'exprimer en fran�ais � des degr�s divers. Le poids de l�histoire et la force de l�inertie
laisseraient croire que le fran�ais pourrait conserver ses anciennes
pr�rogatives. Toutefois, plusieurs consid�rations actuelles portent � penser
que c�est le fran�ais qui pourrait bien �tre �vinc�.
On assisterait actuellement dans la r�gion des Grands Lacs
� une �offensive am�ricano-britannique� afin d�y imposer l�anglais. Or,
on sait que, une fois que l�anglais est admis comme langue officielle au sein
d�une organisation internationale ou nationale, les Am�ricains, souvent
aid�s des Britanniques, font tous les efforts n�cessaires pour �liminer les
autres langues qui ne deviennent que des v�hicules de traduction. Pensons � ce
qui se passe pr�sentement au Rwanda et au Congo-Kinshasa, alors qu�on essaie
subtilement de faire entrer le �loup dans la bergerie� (l�anglais). Mais
voil� que la Belgique semble maintenant vouloir renouer avec ses anciennes
colonies au moment o� les Anglo-Saxons envahissent le Burundi, le Rwanda et le
Congo-Kinshasa. Comment la Belgique va-t-elle recoller les morceaux pour
r�cup�rer l�espace �conomique en d�tresse et l�influence culturelle
perdue? De toute fa�on, l��invasion de l�anglais� au Burundi est loin d��tre
avanc�e et sa situation ne se compare pas � celle du Rwanda.
Avant 1992, le fran�ais et le kirundi �taient consid�r�s comme
les langues officielles du Burundi. Selon l�article 10 de la Constitution de
1992, les langues officielles sont le kirundi et les autres langues d�termin�es
par la loi. L�article 9 de la
Constitution de 2004
reprend les dispositions de la Constitution de 1992, et ajoute que tous les
textes l�gislatifs doivent avoir leur version originale en kirundi. Si l�on s�en
tient strictement aux dispositions constitutionnelles, l�officialit� n�est
reconnue qu�au kirundi. Cependant, le fran�ais demeure de facto l�une des deux
langues officielles.
Le 28 novembre 2014, � Dakar, en marge du XVe
Sommet de la Francophonie, un Pacte
linguistique entre la Francophonie et la r�publique du Burundi (2014) a �t�
sign� par Abdou Diouf et le pr�sident burundais Pierre Nkurunziza. Cet accord,
qui lie les deux parties jusqu�� fin 2018, porte sur plusieurs aspects,
notamment le renforcement de l�enseignement du fran�ais dans le syst�me �ducatif
et de l�offre de formation des professeurs, un meilleur acc�s � des produits
culturels et des m�dias francophones, la promotion de la langue fran�aise dans
la sous-r�gion, etc.
On peut r�sumer la situation au Burundi en affirmant que le
kirundi est la langue de communication entre les dirigeants et le citoyen. Les
discours et les r�unions � l�intention de la population rurale se tiennent en
kirundi. Le fran�ais, quant � lui, bien que parl� et compris par tr�s peu de
Burundais (moins de 15%), reste essentiellement la langue de l�administration,
de l�enseignement et des relations internationales. Les deux autres langues
parl�es au Burundi sont le swahili et l�anglais, mais le nombre de leurs
locuteurs est tr�s restreint et les occasions d�usage fort limit�es.
Rappelons que la situation g�ographique du Burundi le situe
� la �fronti�re� des pays francophones et anglophones, la �ligne Maginot
linguistique� dit-on, ce qui rend ce petit pays plus vuln�rable � l�influence
de l�anglais. Bien qu�il ait �t� traditionnellement un �pays
francophone�, le Burundi subit depuis plusieurs ann�es les assauts de l�expansion
anglophone de la part du Rwanda, de la Tanzanie, de l�Ouganda, mais aussi du
Royaume-Uni et des �tats-Unis, et ce, dans la mesure o� la Belgique semble avoir
abandonn� depuis plusieurs ann�es son ancienne colonie. L�hypoth�se du �complot anglo-saxon� occupe
depuis longtemps les esprits, du moins si l�on en croit les propos tenus en
1957 par l'ex-pr�sident fran�ais Fran�ois Mitterrand, alors qu'il �tait
ministre de la Justice (cabinet Guy Mollet): �Tous les ennuis que nous avons
eus en Afrique occidentale fran�aise n�ont rien � voir avec un d�sir d�ind�pendance,
mais avec une rivalit� entre les blocs fran�ais et britannique. Ce sont des
agents britanniques qui ont foment� tous nos ennuis.� � supposer que le
complot soit r�el, il y a plus grave!
Selon un observateur de M�decins sans fronti�res, voil�
plusieurs ann�es, soit depuis 1990, que les Britanniques r�vaient de supplanter les
Fran�ais et les Belges dans la r�gion des Grands Lacs. Depuis la fin de la
guerre froide, l'Afrique est m�me devenue plus �visible� pour les
�tats-Unis, et les relations bilat�rales que la France a longtemps entretenues
avec de nombreux pays du continent s'en trouvent ainsi profond�ment modifi�es
(lire �diminu�es�). D�ailleurs, en mars 1998, le voyage en Afrique du
premier pr�sident am�ricain (Bill Clinton) � visiter ce continent est venu
encore confirmer que les �terres francophones� s'ouvrent maintenant � la
comp�tition politique, �conomique et culturelle. La preuve en est que
maintenant ce sont les Am�ricains qui soutiennent militairement le Burundi, et
ce, de mani�re tr�s active. En 2012, le Burundi a introduit une demande
d'adh�sion au Commonwealth, cette association anglophone d'anciennes colonies ou
protectorats de l�Empire britannique. Il s�agissait du second pays de la r�gions
des Grands Lacs, traditionnellement francophone, � faire une telle demande, le
Rwanda ayant d�j� �t� admis comme 54e membre du
Commonwealth en 2009. Puis le Burundi a retir� sa demande de candidature.
Si l�on fait exception des rivalit�s entre langues
coloniales, le Burundi n'a pas de r�els probl�mes avec ses minorit�s
linguistiques, car il s'agit avant tout de minorit�s ethniques. Au plan
de la politique linguistique, ce sont des probl�mes de pr�s�ances
linguistiques coloniales ou ethniques (entre Tutsis et Hutus). Le Burundi n'est
pas le seul �tat au monde � conna�tre ce genre de difficult�s ethniques �
pensons au Rwanda, � l'Afrique du Sud, � l'�thiopie, � l'�rythr�e, etc.
�, mais ce pays semble pour le moment incapable de trouver des solutions qui
exigent la participation de toutes les couches de la population � la gestion du
pays.
Compte tenu de la situation du Burundi, on pouvait s'attendre � ce
que, dans un avenir assez proche, le gouvernement burundais, � l'instar du
Rwanda, proclame trois langues officielles, � savoir le kirundi, le fran�ais et
l'anglais. Cette politique �ventuelle a pour objectif de garantir � la fois
un enracinement culturel dans le milieu avec le kirundi et l�ouverture sur le
monde avec le fran�ais et l'anglais. Pour beaucoup de dirigeants burundais,
l'option de faire coexister les deux langues internationales permet de
b�n�ficier des possibilit�s offertes par l�une et l�autre, et de r�pondre
efficacement aux sollicitations g�opolitiques du continent africain et du reste
du monde. Ce que l'on ne dit pas, c'est que le kirundi ne peut concurrencer le
fran�ais, mais face � l'anglais le fran�ais pourrait perdre des plumes.
Cependant, ce ne serait pas au profit du kirundi, qui s'affaiblirait encore
davantage. Seul 'anglais en sortirait gagnant en prenant progressivement un r�le
accru dans les tribunaux, l'enseignement primaire et seconde, surtout dans
l'enseignement sup�rieur, ainsi que dans les m�dias et les communications
internationales. � long terme, le Burundi perdra une partie de son identit� li�e
au monde francophone depuis plus d'un si�cle de cohabitation. Dans les faits, la
seule fa�on d'�viter la concurrence des langues internationales, c'est de les
�vincer totalement. D�s lors, le Burundi serait condamner � l'isolement, un prix
lourd � payer pour survivre.
Derni�re
mise � jour:
21 juin 2024
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parcours de la honte, Bruxelles, GRPI/Complexe, 1997, 216 p.
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