|
R�publique de Vanuatu
|
|
Vanuatu
Republic of Vanuatu
R�publique de Vanuatu
Ripablik blong Vanuatu
|
Capitale:
Port-Vila
Population: 300 000 (est. 2019)
Langues officielles: anglais,
fran�ais, bichlamar
Groupe
majoritaire:
bichlamar (langue seconde)
Groupes minoritaires: de 106 � 120
langues m�lan�siennes, trois langues polyn�siennes, fran�ais, anglais,
chinois hakka, vietnamien
Syst�me politique:
r�publique unitaire
Articles constitutionnels (langue):
art. 3, 5, 28, 64 et 86 de la
Constitution de 1980 (version
consolid�e de 2013)
Lois linguistiques:
Loi sur le mariage (1971);
Loi sur les commissions
d'enqu�te (1974);
Code de proc�dure criminelle
(1981);
Loi sur les services publics
(1981);
Loi sur l'interpr�tation (1981);
Loi sur les tribunaux insulaires (1983);
Loi relative �
l�Institut de formation des enseignants de Vanuatu (2001);
Loi relative � la codification des textes fran�ais et anglais des lois
de Vanuatu (2003);
Loi sur le Conseil national des langues
(2005);
Politique linguistique nationale de
Vanuatu (2012) ;
Loi sur l'�ducation (2014).
|
1 Situation g�ographique
|
La r�publique de Vanuatu (terme qui, dans
les langues du nord du pays, signifie �notre pays�) forme un archipel de la
M�lan�sie dans le Pacifique-Sud (voir la carte de
l'archipel). Cet archipel est compos� d'une douzaine de grandes �les (Espiritu
Santo, Malekula, �fat�, Tanna, Erromango, etc.) et environ 80 petites �les ou
�lots, qui dessinent sur la carte une sorte de �Y�.
Le Vanuatu est un un
archipel montagneux dont la superficie atteint seulement 14 765 km� (deux fois
moins que la Belgique), mais dont les eaux territoriales s'�tendent sur une
superficie de 450 000 km�, soit un peu moins que l'Espagne (504 748 km�).
L'archipel est entour� par d'autres �tats: les �les Salomon au nord, les �les
Fidji et Tuvalu � l'est, la Nouvelle-Cal�donie (France) au sud, la
Nouvelle-Z�lande au sud et, plus � l'ouest, l'Australie et la
Papouasie-Nouvelle-Guin�e (voir la carte du
Pacifique). La capitale, Port-Vila, est situ�e dans l'�le d'�fat�
(ou Vat�).
Le Vanuatu est divis� en six provinces
administratives:
Province |
Population
(2009) |
Superficie (km�) |
Capitale |
Malampa |
36 727 |
2779 km� |
Lakatoro |
P�nama |
30 819 |
1198 km� |
Longana |
Sanma |
45 855 |
4248 km� |
Luganville |
Sh�fa |
78 723 |
1455 km� |
Port-Vila |
Taf�a |
32 540 |
1628 km� |
Isangel |
Torba |
9 359 |
882 km� |
Sola |
- |
234 023 |
12 190 km� |
- |
|
2
Donn�es d�molinguistiques
La population vanuataise �tait estim�e �
quelque 220 000 habitants en 2005, mais � 300 000 en 2019. Les six �les les plus importantes, soit Esp�ritu Santo,
�fat� ou Vat� (1100 km�), Mallicolo ou Malekula (2053 km�), Tanna (1628 km�),
Pentec�te et Ma�wo, regroupent plus de 80 % de la population. Les deux
seules villes sont Port-Vila, la capitale, sur l'�le Sh�fa (ou �le Vat�),
qui concentre 10 % de la population totale de l'archipel, et Luganville sur l'�le d'Espiritu Santo.
La capitale du Vanuatu (env. 44 000 hab.), Port-Vila, donne
l'image d'une ville cosmopolite o� se m�lent les cultures europ�ennes,
vietnamiennes, chinoises et m�lan�siennes.
Les habitants du Vanuatu sont appel�s officiellement des
Ni-Vanuatu
ou Vanuatais (en fran�ais). La presque totalit� de la population est
constitu�e de M�lan�siens (97,7 %), mais on y trouve aussi des
Europ�ens
(britanniques et fran�ais: 1,1 %), des Asiatiques
et diff�rents peuples polyn�siens originaires des autres �les du Pacifique. Les non-M�lan�siens habitent g�n�ralement les deux principaux centres urbains que
sont Port-Vila (�le de �fat�) et Lugainville (�le
de Esp�ritu
Santo).
Les habitants de ce petit pays d'environ 300 000 habitants parlent plus d�une centaine de langues diverses et des
diff�rences, parfois consid�rables, s'affirment d'une �le � l'autre, mais aussi
de village � village. La plus grande particularit� du Vanuatu r�side dans son
impressionnante densit� linguistique, l'une des plus fortes de la plan�te. En fait, la Papouasie-Nouvelle-Guin�e, les �les Salomon
et le Vanuatu ont en commun le fait de poss�der une multiplicit� de langues,
m�lan�siennes pour les �les Salomon et le Vanuatu,
m�lan�siennes et
papoues pour
la Papouasie-Nouvelle-Guin�e.
Les trois langues officielles du Vanuatu sont
le fran�ais, l�anglais et le bichlamar (ou bislama en anglais). Le fran�ais et
l�anglais sont les langues de l��ducation ; le bichlamar est la langue
nationale. Selon Ethnologue (2016), l�anglais est parl� par 5400 personnes
(1,7%) comme langue maternelle et par 120 000 (40%). Le fran�ais est parl� par
6300 locuteurs (2,1%) et par 83 500 (27%) locuteurs au total. Quant au
bichlamar, il est parl� par au moins 74% de la population du Vanuatu. De plus,
pour environ 90 000 locuteurs (30%), c'est la langue maternelle ou la langue
d'usage. Le bichlamar sert de langue v�hiculaire entre locuteurs de langues
maternelles diff�rentes.
Selon le recensement de 2009, la population �g�e de cinq ans et
plus sachant lire et �crire pr�sente les r�partitions suivantes:
Langue
d'alphab�tisation |
% |
Langue
parl�e � la maison |
% |
Bichlamar |
74% |
Langue m�lan�sienne |
63% |
Anglais |
64% |
Anglais |
2% |
Fran�ais |
37% |
Fran�ais |
0,6% |
Autre langue |
50% |
Autre langue |
0,5% |
|
Ces deux tableaux illustrent que le bichlamar
est parl� par une majorit� des Vanuatais, mais que
l'anglais suit de pr�s. Toutefois, il n'y a aucune
indication sur la proportion des locuteurs comme
langue maternelle. �tant donn� le grand nombre de
langues parl�es au Vanuatu (environ 120 langues pour
300 000 habitants), ces langues m�lan�siennes
comptent relativement peu de locuteurs, soit environ
une langue pour 2100 habitants, dont beaucoup
d�entre elles sont en danger. |
Par ailleurs, au point de vue de la religion, les fid�les des diff�rentes �glises
protestantes (58 %) sont plus nombreux que les catholiques (15,2 %) et que les
adeptes des religions traditionnelles (7,5 %).
2.1 Les langues
autochtones
Rappelons-le, on compte au Vanuatu de 106 � 120 langues,
selon les crit�res retenus pour diff�rencier les langues et les dialectes
dispers�s dans les 90 �les pour moins de 200 000 locuteurs. C'est la plus
forte densit� linguistique du monde, selon la linguiste Claire Moyse. Toutes
les langues autochtones sont parl�es par de tr�s petites communaut�s
linguistiques. D�ailleurs, on ne compte que 12 langues parl�es par plus de
2000 locuteurs, le chiffre maximal de 3000 locuteurs par langue n'�tant atteint
que par trois d'entre elles. Sauf quelques exceptions, les langues parl�es au
Vanuatu appartiennent au groupe m�lan�sien de la famille austron�sienne. La
population est partag�e entre 110 langues
m�lan�siennes, trois
langues
polyn�siennes (wallisien, tahitien et tongien), ainsi qu�une langue
sino-tib�taine (chinois hakka) et une langue de la
famille
austro-asiatique (le vietnamien) provenant de l�immigration.
Plusieurs des langues m�lan�siennes ne comptent plus que quelques locuteurs et
certaines d�entre elles semblent inexorablement condamn�es � dispara�tre.
2.2 Le bichlamar
Il n'y a pas de statistiques fiables sur les langues parl�es au
Vanuatu. Les estimations portent � croire que plus de 75% de la population peut
s'exprimer sous une forme ou une autre du bichlamar. Cependant, ce serait la
langue maternelle d'environ 5% de la population, soit autour de 15 000
locuteurs, ce qui serait l'�quivalent du fran�ais et de l'anglais r�unis.
Pour communiquer efficacement entre eux, les Vanuatais utilisent le bichlamar
(appel� aussi pidgin bislama); on trouve principalement l'�criture
bichlamar, bichelamar et bislama (en anglais et en bichelamar). Cette langue tire son origine du
pidgin-english parl� dans toutes les mers du Pacifique-Sud au XIXe si�cle. En
r�alit�, le bichlamar est un pidgin d�riv� de l�anglais et form� �
partir de 1860. On estime qu'entre 80% � 90% du vocabulaire serait d�origine anglaise, 4%
d�origine m�lan�sienne, et 3 % seulement d�origine fran�aise. Le bichlamar
poss�de une forme phon�tique simplifi�e de l'anglais et incorpore des
expressions famili�res du fran�ais et de l'espagnols. Au point de vue
grammatical, il est plus simple que l'anglais, ce qui signifie que les concepts
nouveaux ou complexes doivent �tre d�crits de mani�re fonctionnelle, ce qui rend
les expressions beaucoup plus longues que l'anglais. Lorsqu'il devient une
langue maternelle, comme c'est souvent le cas au Vanuatu, il s'agit d'un cr�ole.
Au XIXe si�cle, les marchands portugais recherchaient des
p�cheurs n�o-h�bridais pour captuter des �biches de mer� (en fran�ais moderne:
des holothuries) qu'on appelait alors en portugais bicho do mar (�b�te
de mer�), d'o� le nom bislama utilis� pour d�signer la langue parl�e
entre les marchands et les p�cheurs (ou plongeurs). Il semble que le terme
portugais bicho do mar ait �t� de loin pr�f�r� aux termes anglais
sea-slug (�limace de mer�), sea-cucumber (�concombre de mer�) ou
holothurian (�holothurie�). Les Fran�ais, pour leur part, ne
connaissaient que les mots cocombre de mer et holothurie. Les
holothuries, une fois s�ch�es, servaient de condiments dans de nombreux mets
chinois, surtout depuis l'expansion du commerce entre la Chine et les �les du
Pacifique-Sud. C'est en 1885 que le premier Fran�ais � associer le bichlamar �
une langue fut H. Le Chatrier qui mentionnait que les langues communes dans
l'archipel �taient l'anglais, le fran�ais et �le canaque appel� le bichlamar�.
D'autres mentionnaient plut�t �le patois b�che-de-mer� et en anglais le
�beach-la-mar�.
� l'origine, le bichlamar servait de langue de communication par excellence entre les nombreux groupes
linguistiques du pays et des �les de la r�gion environnante. Le bichlamar, aujourd'hui pass� au stade du cr�ole,
s'est m�me transform� en symbole de la �m�lan�sianit�
locale� et concurrence directement les langues m�lan�siennes de l�archipel.
On assiste de plus en plus � la pidginisation des langues locales, lesquelles
perdent progressivement des parties importantes de leur vocabulaire respectif au
profit du bichlamar. Du fait que le bichlamar puise de plus en plus dans la
langue anglaise pour trouver les mots qu'il lui manque, il sert � favoriser
l'apprentissage et l'expansion de l'anglais. De cette fa�on, il s'�loigne de son
objectif d'origine, celui de servir de langue v�hiculaire entre les communaut�s
vanuataises.
Voici un petit extrait de l'article 3 de la
Constitution de 1980, qui t�moigne que le bichlamar, malgr� ses similitudes avec
l'anglais, demeure n�anmoins une langue distincte:
Texte bichlamar |
Texte
anglais |
Texte fran�ais |
3. (1)
Lanwis blong Repablik blong Nyuhebredis, hemia Bislama. Trifala
lanwis blong mekem ol wok long kantri ya, i gat Bislama mo Inglis mo
Franis. Tufala big lanwis blong edukesen long kantri ya, i gat
Inglis mo Franis. |
3. (1) The
national language of the Republic of Vanuatu is Bislama. The
official languages are Bislama, English and French. The principal
languages of education are English and French. |
3. (1) La
langue v�hiculaire nationale de la R�publique est le bichlamar. Les
langues officielles sont l'anglais, le bichlamar, le fran�ais. Les
langues principales d'�ducation sont l'anglais et le fran�ais.
|
Les seuls mots communs avec l'anglais sont Repablik/Republic,
Bislama/Bislama et Inglis/English, qui sont d'ailleurs des
emprunts � l'anglais, alors que le mot bislama est un emprunt au
bichlamar. Dans le contexte multilingue du Vanuatu, les repr�sentations des
locuteurs du bichlamar sur leur langue peuvent varier et devenir
ambivalentes. Dans un m�moire de ma�trise, M.-A.
Thivoyon pr�sente ainsi des perceptions � la fois positives et n�gatives
:
Caract�ristiques positives |
Caract�ristiques n�gatives |
Langue nationale et l�une des langues
officielles |
Absence de norme |
Seule langue commune, symbole de
l�unit� nationale |
Associ� � un pass� colonial peu
reluisant |
Flexibilit� et capacit� � s�adapter
aux diff�rents locuteurs |
Pas consid�r� comme une �vraie langue� |
Principale langue utilis�e dans tout
type d��change |
Consid�r� comme du �mauvais anglais�,
qui nuit � l�apprentissage de l�anglais |
Langue de l�urbanit� et de la
modernit� |
Menace pour les langues locales |
De plus en plus employ� � l��crit,
r�cemment int�gr� en �ducation |
Auparavant exclu de l�enseignement,
maintenant principalement utilis� � l�oral |
Au Vanuatu, on dit : "Bislama i no wan stret lanwis",
c'est-�-dire �le bichlamar n�est pas une vraie langue�. Autrement dit, le
bichlamar s�apparenterait � une �demi-langue� (haf lanwis), une
�fausse langue� (giaman lanwis) ou une �sous-langue�, ce qui
l'opposerait � l�anglais et au fran�ais incarnant des �vraies langues� (tru
lanwis). En somme, le bichlamar, bien qu'il soit une
langue co-officielle avec l'anglais et le fran�ais, il n'est pas consid�r�
comme une langue appropri�e; il est commun�ment surnomm� "broken English"
(�anglais cass黻). Nombreux sont les citoyens vanuatais qui croient que le
bichlamar ne convient pas pour l'enseignement dans les �coles.
Dans les faits, le minist�re de
l'�ducation a recours au bichlamar pour transmettre des informations
importantes aux parents, que ce soit pour les sensibiliser sur le soutien
aux �coliers, sur les frais de scolarit�, etc. Le bichlamar demeure aussi la
langue dans laquelle sont men�es une grande partie des affaires du pays, la
langue dans laquelle les motions parlementaires sont d�battues et dans
laquelle les unit�s des forces de police sont form�es. Ce n'est donc pas
simplement �la langue de la rue�. C'est l'une des trois langues officielles,
c'est la langue nationale et elle joue un r�le fonctionnel tr�s important
dans la soci�t�. Il appara�t donc insolite qu'elle soit exclue, sinon
interdite, dans l'�ducation des citoyens. N�anmoins, le bichlamar est
utilis� principalement parl� dans les centres urbains. L'emploi du bichlamar
semble un moyen de se d�marquer dans un univers o� l�anglais et le fran�ais
restent normalement des langues de prestige. Ainsi, le bichlamar s�impose
comme une langue permettant de se d�marquer socialement.
3.2 Les langues
m�tropolitaines: le fran�ais et l'anglais
Le fran�ais et l'anglais ont maintenu leur statut de langues
co-officielles de
l'�tat, mais seule une tr�s faible minorit� d'individus utilise le fran�ais
(environ 6000) ou l'anglais (3000 ou 4000)comme langue maternelle. Il s'agit essentiellement de Fran�ais ou
de Britanniques qui sont demeur�s au Vanuatu apr�s l'ind�pendance (environ
1000 par communaut�). Encore plus rares sont ceux qui peuvent pr�tendre �tre
bilingues fran�ais-anglais. Aussi, peut-on dire que le bilinguisme
fran�ais-anglais au Vanuatu n'est r�serv� qu'aux institutions.
Au plan strictement administratif, on peut rattacher approximativement
60 % de la population vanuataise � la communaut� anglophone et environ 40 % � la
communaut� francophone, c�est-�-dire � l'Administration fran�aise ou � l�Administration
anglaise. Du point de vue sociolinguistique, la situation n'est cependant pas
aussi claire, du fait qu'avant 1965, on avait laiss� le soin de l'�ducation
aux mains des communaut�s religieuses et que le nombre de pasteurs anglophones
�tait beaucoup plus �lev� que celui des pr�tres fran�ais. Cette situation
semble avoir produit un rapport de l'ordre de trois contre un en faveur de
l'anglais quant � l'influence exerc�e et � l'enseignement dispens� pour
cette p�riode. C�est pourquoi, aujourd�hui, on estime que l'anglais est
parl� �techniquement� par les deux tiers de la population et le
fran�ais, en principe, par l�autre tiers. Historiquement, les francophones sont
concentr�s essentiellement dans les �les du Nord, d'Espiritu-Santo et de
Mallicolo (voir la carte de
l'archipel).
3 Donn�es historiques
L'archipel de Vanuatu est habit� par les M�lan�siens depuis plusieurs
mill�naires. En 1606, l'explorateur portugais Pedro de Queir�s d�couvrit
l'�le d'Espiritu Santo. L'archipel fut red�couvert en 1768 par le c�l�bre
navigateur fran�ais Louis-Antoine de Bougainville qui le nomma
Grandes
Cyclades du Sud. En 1773, le navigateur britannique
James Cook lui donna le
nom de New Hebrides (ou
Nouvelles-H�brides) en souvenir des �les Hebrides dans son �cosse natale. La plupart des �les conserv�rent le nom donn� �
cette �poque: Tanna, Erromango, Ambrym, etc.
3.1 L'arriv�e des
communaut�s religieuses
Les premiers missionnaires presbyt�riens (britanniques)
arriv�rent au Vanuatu en 1839, suivis en 1860 par les anglicans et, en 1887, par
les catholiques fran�ais; ces communaut�s religieuses entr�rent aussit�t en
rivalit�. Des colons britanniques venus d'Australie et des colons fran�ais de la
Nouvelle-Cal�donie commenc�rent � s'y
�tablir d�s 1854
au d�triment des autochtones, ce qui provoqua des r�voltes chez ces derniers
suivies de sanglantes r�pressions de la part des Europ�ens (Fran�ais et
Britanniques). Les infections apport�es par les navires � chol�ra, petite
v�role, grippe, pneumonie, fi�vre jaune, dysenterie � provoqu�rent des �pid�mies
dans la population, ce qui aurait fait passer leur nombre suppos�ment de moins
d'un million au d�but
du XIXe si�cle � quelque 650 000 en 1870 et, vingt ans plus tard, � 100 000, pour
atteindre 41 000 habitants en 1935; les �les d'Anatom et d'Erromango ne
conserv�rent que 5 % de leur population d'origine.
En 1882, John Higginson, un
sp�culateur terrien fran�ais d'origine irlandaise, fonda la Compagnie
cal�donienne des Nouvelles-H�brides (CCNH). Il acquit plus de 20 % des terres
exploit�es par les Britanniques et les chefs locaux. En 1894, rebaptis�e Soci�t�
fran�aise des Nouvelles-H�brides (SFNH), la Compagnie poss�dait 55 % des terres
cultivables du Vanuatu.
Tout au cours de cette p�riode, les colons fran�ais se
m�fi�rent des missionnaires presbyt�riens qui, pour leur part, les faisaient
passer aupr�s de leurs convertis pour les �repr�sentants du diable�. Partag�s
entre les deux pouvoirs, les M�lan�siens choisissent l'un ou l'autre et se
prononcent la plupart du temps en choisissant soit le syst�me d'enseignement
francophone soit le syst�me anglophone. Les
rivalit�s s'accentu�rent entre les Fran�ais et les Britanniques. Quant aux
M�lan�siens, partag�s entre les deux communaut�s, ils opt�rent pour l'un ou pour
l'autre camp; ils se pronon�aient g�n�ralement en choisissant un syst�me
d'enseignement francophone (catholique) ou anglophone (protestant).
3.2 Le condominium franco-britannique
Pour �viter les risques d'affrontement entre les deux
communaut�s, la France et la Grande-Bretagne proclam�rent, en 1878, la
neutralit� de l'archipel des Nouvelles-H�brides, puis institu�rent en 1887 une
convention navale mixte. Ce fut la loi du 30 juillet 1901 qui officialisa le
statut du condominium sur les Nouvelles-H�brides. D'une part, la Grande-Bretagne
s'appuyait sur le statut de ses colonies voisines (l'Australie, les �les
Fidji et les �les Salomon) pour exercer son autorit�, d'autre part, la France
affirmait sa pr�sence en raison de la Nouvelle-Cal�donie. Par la Convention de Londres (1906), les deux
puissances d�cid�rent d'�tablir un r�gime de
condominium (appel� �condominium franco-britannique�) qui fut pr�cis�
par un protocole en 1914 (officiellement ratifi� en 1923), au terme duquel
chaque pays avait autorit� sur ses ressortissants, et tous deux, conjointement,
sur la population autochtone. Ces accords �tablissent une influence �gale entre
les deux pouvoirs coloniaux, sans souverainet� exclusive. Dans le Protocole
entre la Grande-Bretagne et la France concernant les Nouvelles H�brides (Protocol
between Great Britain and France Respecting the New Hebrides) de 1906,
l'article 18 �non�ait ainsi les langues officielles:
Article 18
Langues officielles
Les langues officiellement
usit�es devant le Tribunal mixte seront la langue fran�aise et la langue
anglaise. Les d�bats seront interpr�t�s et la r�daction des jugements
devra �tre faite dans les deux langues lorsque le proc�s aura lieu entre
ressortissants fran�ais et britanniques. Il en sera de m�me lorsqu'il
s'agira, quelles que soient les parties, d'un litige immobilier ou d'une
requ�te � fin d'immatriculation. Les registres du greffe devront �tre
tenus dans les deux langues |
� cette �poque la population totale �tait d'environ 65 000
M�lan�siens, 2000 Fran�ais et 1000 Britanniques. Fran�ais et Britanniques
disposaient de droits �gaux, mais les autochtones n'avaient aucun �tat � eux et
restaient subordonn�s aux coloniaux. Chacune des deux grandes communaut�s
b�n�ficiait de ses services propres; par exemple, il existait deux polices, deux
services de sant�, deux r�gimes �ducatifs, deux syst�mes judiciaires, deux
syst�mes p�nitentiaires, deux monnaies, etc. Au moment de la cr�ation du
condominium en 1906, la population totale �tait d'environ 2000 Fran�ais, 1000
Britanniques et 65 000 insulaires.
- Le bichlamar
Ce fut l'�poque o� le bichlamar connut sa plus grande
vitalit� parce qu'il constituait une sorte de �lien fondateur� chez les
diff�rentes communaut�s. Il �tait surtout parl� par les autochtones illettr�s et
analphab�tes, mais il s'est enrichi par des apports linguistiques locaux,
surtout par la langue anglaise. N'oublions pas que tout l'archipel comptait une
bonne centaine de langues, ce qui ne pouvait que causer des difficult�s de
communication. C'est purquoi les populations ont eu recours au pidgin-english. �
cette �poque, le pidgin-english �tait parl� et compris dans la plupart des �les
m�lan�siennes, que ce soit aux Nouvelles-H�brides comme aux �les Fidji, en
Papouasie-Nouvelle-Guin�e, aux �les Salomon ou en Nouvelle-Cal�donie. Encore
aujourd'hui, ce pidgin-english est parl� au Vanuatu, en
Papouasie-Nouvelle-Guin�e et dans les �les Salomon. Au Vanauatu, il s'est appel�
�bichlamar�.
Finalement, il en est r�sult� deux �tats dans le pays. Dans l'administration publique, la
R�sidence
fran�aise ne fonctionnait qu'en fran�ais et la
British Residency
qu'en anglais, avec des droits de r�sidence et de commerce �gaux pour les
sujets fran�ais et britanniques. Pour l'enseignement, les M�lan�siens du
Vanuatu ont d� �subir� deux syst�mes s�par�s: l'un contr�l� par la
France, l'autre par la Grande-Bretagne. Pour la plupart des habitants de l'archipel,
la connaissance de �l'autre langue� est toujours demeur�e sans int�r�t. Le
condominium, tout en �vitant le partage g�ographique de l'archipel, laissait
surtout une grande sph�re d'autonomie et de libert� � la population m�lan�sienne
qui put ainsi conserver sa culture propre. N�anmoins, la rivalit� franco-britannique
s'est perp�tu�e
jusqu'� nos jours.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les �tats-Unis �tablirent une
grande base a�ronavale sur l��le de Espiritu Santo. D�s lors, l'archipel
devint une base alli�e essentielle dans la lutte contre le Japon. Le pays connut
alors une br�ve p�riode de prosp�rit�.
- Le mouvement
nationaliste autochtone
Au cours des ann�es 1960, un mouvement
nationaliste autochtone � le Nagriamel � revendiqua les terres sur lesquelles voulaient
s'�tendre les colons europ�ens d�j� install�s. Par la suite, les
Nouvelles-H�brides b�n�fici�rent d'institutions telles que le Conseil
consultatif en 1957, qui m�neront � l'autonomie en 1975. Une p�tition fut
d�pos�e aux Nations unies en 1971 par le leader du mouvement, Jimmy Stevens,
revendiquant l'ind�pendance du pays. La m�me ann�e, le pasteur Walter Lini
(1942-1999) fonda le Parti national des Nouvelles-H�brides, qui devint plus tard
le Vanuaaku Pati, un mouvement essentiellement anglophone. D�s lors, le
d�saccord entre les anglophones (majoritaires) et les francophones
(minoritaires) s'accrut, mais une tr�ve permit l'adoption d'un projet de
Constitution en septembre 1979. En novembre de la m�me ann�e, les �lections
furent remport�es par le parti anglophone de Walter Lini, qui devint
premier ministre. Les francophones des �les Esp�ritu Santo et Tanna tent�rent
alors de faire s�cession (sous la conduite de l'anglophone Jimmy Steevens). Un
contingent franco-britannique intervint pour r�duire cette tentative de
s�cession. Par la suite, l'attitude du gouvernement de Vanuatu resta toujours
m�fiante par rapport aux influences fran�aises; cette m�fiance s'amplifia � la
suite des conflits qui eurent lieu en Nouvelle-Cal�donie.
3.3 L'ind�pendance
L'ind�pendance fut proclam�e le 30 juillet
1980, les Nouvelles-H�brides devenant officiellement la
r�publique de Vanuatu. Le pays fut aussit�t plac� sous les feux de
l'actualit� internationale en raison de la grave crise politique qui r�sultait du
d�saccord entre la majorit� anglophone et la minorit� francophone. De nombreux
francophones d�cid�rent de fuir en Nouvelle-Cal�donie o� ils pouvaient continuer
de vivre en fran�ais. Au moment de l'ind�pendance, le pays ne comptait que 32
�coles priv�es en fran�ais (pour 126 classes) et 40 �coles publiques (pour 123
classes). Ce nombre d'�coles fran�aise �tait largement inf�rieurs � celui des
�coles anglaises o� il existait une certaine prise en charge des �coles par les
parents d'�l�ves.
- Les probl�mes avec les
francophones
<Aussit�t
apr�s l'ind�pendance, en septembre 1980, une r�volte s�cessionniste venant des francophones des
�les Esp�ritu Santo et Tanna fut m�t�e sans
m�nagement avec l'aide de l'arm�e de la Papouasie-Nouvelle-Guin�e appuy�e par la
logistique de l'Australie. Ce malheureux �pisode de l'histoire du pays fit
appara�tre les francophones comme des �tra�tres� � l'�gard de leur pays, tandis
que l'image de la France fut grandement ternie parce qu'elle avait promis des
armes. Par la suite, les
relations entre le Vanuatu et la France demeur�rent tr�s tendues. Le nouvel
�tat, voulant marquer son ind�pendance, a m�me chass� deux ambassadeurs
fran�ais. La grande majorit� des ressortissants fran�ais quitt�rent le Vanuatu,
re�urent des compensations de la part du gouvernement fran�ais pour la perte de
leurs terres, qui revinrent toutes aux M�lan�siens. Par la suite, toute la vie
politique de Vanuatu resta marqu�e par l'opposition entre anglophones et
francophones. La Vanuatu a adh�r� � la Francophonie en d�cembre 1979 tout en
demeurant membre du Commonwealth.
L'anglophone Georges Ati Sokomanu
fut �lu pr�sident de la R�publique. En 1983, Vanuaaku Party (en anglais) remporta
les �lections. En 1987, Walter Lini, le chef du Vanuaaku Party, remporta les �lections.
�tant donn� que les fonctionnaires locaux �taient majoritairement de langue
anglaise, la plupart des documents ne furent r�dig�s qu'en anglais. M�me le mot
�Vanuatu� devint un objet de controverse, car les francophones souhait�rent en
vain l'orthographe �Vanouatou�. Tout observateur �tranger ne peut manquer de
relever l�orthographe du mot Vanuatu. Les francophones ont demand�
l'orthographe Vanouatou en respectant la prononciation, � l�instar
d�autres graphies telles que Tombouctou, Kaboul ou Zoulou.
Mais c'est la graphie Vanuatu qui s'est impos� et non une version bilingue
Vanuatu/Vanouatou.
En janvier 1989,
l'ancien d�chu et emprisonn�; l'anglophone Karlomnana Timakata fut �lu � son
poste. En septembre 1991, Walter Lini dut se retirer pour �tre remplac� par un autre
anglophone, mais en d�cembre le parti francophone remporta les �lections et le
francophone Maxime Carlot Korman devint premier ministre. L�arriv�e de
francophones au pouvoir eut pour effet d�instaurer un certain �quilibre entre
les deux communaut�s avec l�aide de la France et de ses deux possessions
d�outre-mer en Oc�anie, la Polyn�sie fran�aise et la Nouvelle-Cal�donie. En 1994, le
francophone Jean-Marc Ley� fut �lu pr�sident de la R�publique. La victoire de l�UMP
(Union des partis mod�r�s) aux �lections de 1995 vit pour la premi�re fois
l�arriv�e � la t�te du gouvernement du francophone Serge Vohor. En mars 1999, John Bani,
un anglophone, fut �lu � la t�te de l'�tat. Depuis novembre 1999, un gouvernement de
coalition de cinq partis fut mis en place, mais ce gouvernement semblait
fragile, les partis qui le composaient ayant des int�r�ts divergents, alors que le premier
ministre n'�tait pas le chef du parti le plus important de la coalition.
- La mainmise des
anglophones
Bref, durant une longue d�cennie, la
classe politique a �t� anglophone avec le r�sultat que les francophones ont �t�
rel�gu�s � l�arri�re-plan. Ainsi, le recensement de 2003 r�v�lait que le nombre
d'enfants inscrits dans les �coles de langue fran�aise et dans celles des �coles
de langue anglaise s'est consid�rablement modifi�. Alors que les francophones et
les anglophones se partageaient les �coles dans environ 50 %, l'�galit� est
disparue au profit des anglophones qui comptent 70 % des �l�ves, contre 28 %
pour les �coles fran�aises. Dans ces conditions, la vie politique reste encore marqu�e par
l'opposition entre les deux �communaut�s� linguistiques. Dans le but de d�nouer l'impasse, le
gouvernement a pr�sent� en 2005 un projet de loi cr�ant le
Conseil national des langues de Vanuatu (''Vanuatu National Language Council'').
La m�me ann�e, le gouvernement pr�sentait aussi un projet de
Politique
linguistique nationale.
� partir des �lections d'octobre 2012, le
Parlement fut victime d'une tr�s grande fragmentation de la trentaine de partis
en lice, seize obtinrent des repr�sentants dont quatre d�put�s ind�pendants. La
vie politique de l'archipel devint d�s lors sujette � une grande instabilit�
politique. En janvier 2016, � la suite d'�lections anticip�es, 17 formations
politiques et 8 d�put�s ind�pendants se partag�rent les 52 si�ges. Onze partis
se sont entendus pour former le gouvernement.
Quoi qu'il en soit, la comp�tition entre
francophones et anglophones demeure un fait majeur dans la vie politique du
Vanuatu, mais avec un l�ger avantage pour les anglophones. La francophonie au
Vanuatu semble relativement boiteuse en raison du manque de supports logistiques
tels que les journaux exclusivement de langue fran�aise afin qu'ils intervenir
en faveur de cette communaut�. Pour le moment, la situation para�t bloqu�e
puisque rien ne change, malgr� les appels � l'aide de la part des francophones
aupr�s de la France. Bref, le manque d�implication de l�ambassade de France dans
les projets concernant la francophonie vanuataise porte les francophones du pays
� conclure que la Francophonie reste la propri�t� de la France.
4 La politique linguistique
Depuis son accession � l�ind�pendance, on ne peut pas dire que le Vanuatu
a �tabli une r�elle politique linguistique en faveur des langues locales.
Sous pr�texte que le pays est relativement pauvre, les responsables politiques
ont jusqu�ici mis l�accent sur les priorit�s �conomiques, les questions
linguistiques �tant laiss�es pour compte. Le Vanuatu n'a m�me jamais adopt�
de v�ritable l�gislation en mati�re linguistique. Cependant, il existe quelques
textes juridiques comptant des dispositions linguistiques, que ce soit dans la
Constitution ou dans des lois ordinaires portant sur le mariage, l'�ducation,
les permis de conduire, les commissions d'enqu�te, les services publics, le code
criminel, l'interpr�tation des lois, etc.
Selon l'article 3 de la
Constitution, le Vanuatu est un �tat officiellement
trilingue:
Article 3
Langue nationale et langues officielles
1) La langue v�hiculaire nationale de la
R�publique est le bichlamar. Les langues officielles sont l'anglais, le
bichlamar, le fran�ais. Les langues principales d'�ducation sont l'anglais
et le fran�ais.
2) La R�publique prot�ge les diff�rentes
langues locales qui font partie de l'h�ritage national, et peut d�clarer
l'une d'elles langue nationale. |
Dans son projet de
Politique
linguistique nationale, pr�sent� pour la premi�re fois au public
� la IIe Conf�rence sur la langue nationale
tenue au campus Emalus de l'Universit� du Pacifique-Sud et financ� par l'UNESCO,
le gouvernement innove en explicitant par �crit le trilinguisme du pays. Cette
politique est fond�e sur des principes
promulgu�s dans la Constitution nationale, mais �galement promouvoir le
multilinguisme au rang d�actif national, promouvoir l��galit� des chances
d�acc�s � toute langue officielle et promouvoir l�acc�s de tout citoyen aux
chances d�apprendre les langues. De plus, les
langues locales ou indig�nes restent les langues maternelles de nombreux
enfants; c'est pourquoi elles doivent �tre promues pour �tre parl�es par des
g�n�rations � venir. Le Vanuatu a l�obligation d�utiliser, d��crire et de
promouvoir et prot�ger les langues indig�nes. Enfin, le projet de politique
encourage l�apprentissage
des langues �immigrantes�, les langues autres que les deux langues
principales de l��ducation ou le bichlamar, ou les langues indig�nes.
4.1 Les langues de la
l�gislature
En principe, les trois langues officielles
sont admises au Parlement et, dans l'interpr�tation d'un texte l�gislatif,
toutes ses versions dans les langues officielles du Vanuatu font �galement foi
(art.17 de la
Loi sur l'interpr�tation):
Article 17
Version authentique
(1) Dans l'interpr�tation d'un texte l�gislatif, toutes ses versions
dans les langues officielles du Vanuatu font �galement foi.
(2) Lorsqu'il existe une diff�rence entre deux ou plusieurs
versions d'un texte l�gislatif, la pr�f�rence sera accord�e dans
l'interpr�tation du texte � la version qui, selon le sens le plus fid�le,
assure le mieux la r�alisation des objectifs selon l'intention et le sens
du texte.
(3) Dans le pr�sent
article:
�texte l�gislatif� d�signe toute disposition dans une loi du Parlement ou
un arr�t�, un r�glement, une ordonnance, un avis, une proclamation ou un
autre instrument juridique adopt� ou �mis sous l'autorit� d'une loi du
Parlement;
�version� d�signe une version publi�e par ou sous l'autorit� du
gouvernement ou de toute autorit� publique du Vanuatu. |
Comme l'indique le paragraphe 2, s'il existe une
diff�rence entre deux ou plusieurs versions d'un texte l�gislatif, la pr�f�rence
sera accord�e dans l'interpr�tation du texte � la version qui, selon le sens le
plus fid�le, assure le mieux la r�alisation des objectifs selon l'intention et
le sens du texte.
En 2003, le Parlement a adopt� la
Loi relative � la codification des textes fran�ais et anglais des lois
de Vanuatu. En vertu de cette
loi, les versions anglaise et fran�aise des lois doivent �tre codifi�es et
officielles.
Dans les faits, l'anglais correspond � la �langue officielle �crite�,
c'est-�-dire celle des lois, des d�crets, des r�glements, des notes de
service, des formulaires administratifs, etc. Autrement dit, tous les documents
officiels (lois, r�glements, formulaires, etc.) sont d'abord r�dig�s en anglais,
puis traduits plus ou moins rapidement en fran�ais. On assiste ainsi � une
v�ritable triglossie: les lois
sont discut�es en bichlamar, promulgu�es en anglais et traduites en fran�ais.
De
plus, les lois ne sont pas toutes
traduites en fran�ais et les services de traduction simultan�e pr�vus n'ont
jamais �t� mis en �uvre, faute d'argent. L'anglais est aussi pr�pond�rant
au plan de l'affichage et conserve l'exclusivit� dans les m�dias tant �crits
qu'�lectroniques. Bref, bien que plac� sur un pied d'�galit� avec l'anglais dans la Constitution,
le fran�ais n'occupe qu'une place tr�s restreinte: celle de �langue
officielle traduite�.
4.2 Les langues de la
justice
Dans le domaine de la justice, l'anglais,
le fran�ais et le bichlamar sont les trois langues officielles. Cependant, ces
langues ne sont pas �quivalentes dans la pratique. Le
Code de proc�dure criminelle
(1981) donne une certaine id�e du statut r�el des langues. Tout accus� ou
t�moin a le droit d'obtenir les services d'un interpr�te s'il ne comprend pas la
langue utilis�e au tribunal. C'est au juge de d�cider de recourir aux services
d'un interpr�te asserment�, dans la mesure o� il ne conna�t pas suffisamment la
langue d'un accus� ou d'un t�moin (par. 4):
Article 121
Interpr�tation d'un t�moignage de la part d'un accus� ou de son avocat
(1) Chaque fois qu'un t�moignage est donn� dans une langue
qui n'est pas comprise par l'accus� et qu'il est physiquement pr�sent, il
doit recevoir une traduction du tribunal dans une langue qu'il comprend.
(2) S'il appara�t de la part de l'avocat que le t�moignage est
rendu dans une autre langue que l'anglais ou le fran�ais et qu'il n'est
pas compris par celui-ci, il doit recevoir une traduction en anglais ou en
fran�ais selon le cas.
(3) Lorsque les documents sont d�pos�s comme preuve formelle,
il rel�ve de la discr�tion du pr�sident du tribunal de les faire traduire
si cela lui para�t n�cessaire.
(4) Lorsque le pr�sident du tribunal est convaincu qu'il conna�t
suffisamment l'anglais, le fran�ais ou le bichlamar, il peut, sans avoir
recours � un interpr�te asserment�, entreprendre une traduction pr�vue en
vertu du pr�sent article ou qui peut �tre n�cessaire � un proc�s � partir
d'une ou d'autres langues mentionn�es qu'il conna�t.
|
Il y a aussi la
Loi sur les tribunaux insulaires de
1983 dans laquelle il est pr�cis� que le bichlamar est la langue normale des
tribunaux insulaires. Si un accus� ou un t�moin ignore cette langue, la cour
peut ordonner une traduction dans une langue comprise par l'accus� ou le t�moin:
Loi sur les tribunaux
insulaires de 1983 [chap. 167]
Ordonnance 4
Dispositions diverses
Article 4
Langue et traduction
(1) La langue de chacun des tribunaux est le bichlamar et, si dans
une cause ou une affaire la cour consid�re qu'une partie ou un t�moin
produit une d�position alors qu'il est incapable de comprendre
suffisamment le bichlamar, la cour d�signe une personne appropri�e et
ad�quate pour traduire ses propos.
(2) Le greffier peut s'il conna�t la langue de la partie ou du
t�moin traduire la proc�dure si c'est n�cessaire.
(3) Lorsque le greffier ou un employ� agit comme interpr�te tel
qu'il est susmentionn�, aucune r�mun�ration ne doit �tre pay�e pour le
respect de la traduction, mais si quelqu'un d'autre qu'un greffier ou un
employ� sert d'interpr�te, cette personne aura droit au paiement
d'honoraires prescrits pour la r�mun�ration de ses services.
(4) Les honoraires prescrits pour la traduction doivent �tre
assum�s
en premier lieu par le demandeur.
(5) Avant la traduction � toute audience de la cour, l'interpr�te
pr�tera serment ou prononcera la formule suivante:
Je jure par Dieu
tout-puissant (ou sinc�rement et solennellement, je d�clare et
j'affirme) que je ferai de mon mieux pour interpr�ter et expliquer
vraiment � la cour et au t�moin les propos tels que je devrai
interpr�ter et expliquer. Que Dieu me vienne en aide.
Article 16
T�moignage rapport� en pr�sence de l'accus� et devant �tre traduit si
n�cessaire
(1) Sauf dispositions contraires express�ment pr�vues, tout le
t�moignage rapport� au cours d'un proc�s doit l'�tre en pr�sence de
l'accus�.
(2) La langue de la cour est le bichlamar et, chaque fois qu'un
t�moignage est apport� dans une langue que l'accus� ne comprend pas,
celui-ci
doit recevoir une traduction du tribunal dans une langue qu'il comprend.
|
En fait, l'anglais r�gne en ma�tre au plan des
communications �crites, mais les proc�s se d�roulent aussi souvent en
fran�ais qu'en anglais ou en bichlamar, ce qui n'emp�che pas les juges de
toujours prononcer leurs sentences uniquement en anglais.
4.3 Les langues des
services gouvernementaux
Dans les faits, la place du bichlamar �quivaut au statut de �langue
officielle parl�e�, que ce soit au conseil des ministres,
dans les minist�res, dans l'administration, sur la place publique, etc. Afin
d'�tre compris des masses �anglophones� et �francophones�, les ministres
font leur discours en bichlamar. N�anmoins, priv� d'une orthographe
normalis�e et codifi�e, et exclu de l'�cole, le bichlamar joue un r�le
subalterne et reste confin� � la communication orale.
Dans le domaine des services
gouvernementaux, la
Constitution pr�voit (art.
64, par. 1) que ceux-ci doivent �tre assur�s dans n'importe laquelle des
langues officielles:
Article 64
Droit du
citoyen aux services dans sa langue
1)
Tout citoyen de Vanuatu peut obtenir, dans celle des langues officielles
qu'il pratique, les services qu'il est en droit d'attendre de l'administration
de la R�publique.
[...] |
Les services sont effectivement partout assur�s en anglais et en bichlamar,
puis �ventuellement en fran�ais dans les zones o� r�sident les �francophones�.
Dans l'ensemble de l'administration publique, les langues de travail sont
l�anglais �crit et le bichlamar � l'oral, parce que la plupart des
fonctionnaires sont anglophones. En r�alit�, le
fran�ais demeure peu pr�sente entre les fonctionnaires. Seuls les minist�res
de l'�ducation et des Finances garantissent des services en fran�ais.
L'un des
rares textes l�gislatifs � traiter de la langue dans l'Administration est la
Loi sur les services publics
(1981). L'article 18 �nonce que toute d�position devant le Conseil
disciplinaire de service public peut �tre pr�sent�e en fran�ais, en anglais et
en bichlamar.
Article 18
Modalit�s pour consigner un t�moignage devant le Conseil
(1) Dans toute audition devant le Conseil, la d�position des
t�moins est enregistr�e de la fa�on suivante:
(a) La d�position de chaque t�moin est consign�e
par �crit en anglais, en
fran�ais ou en bichlamar par le pr�sident ou en sa pr�sence, et entendue
sous sa direction et supervision personnelle et sign�e par le pr�sident
pour faire partie
du dossier; |
L'article 6 de la
Loi sur les commissions d'enqu�te
(1974) pr�voit que les d�lib�rations de la
Commission sont effectu�es en bichlamar, en anglais ou en fran�ais, avec au
besoin interpr�tes qualifi�s, et que le compte rendu des d�lib�rations et le
rapport des commissaires doivent �tre r�dig�s en bichlamar, en anglais et en
fran�ais:
Article 6
Les r�gles de proc�dure
(1) Les Commissaires peuvent adopter des r�glements, compatibles avec
les conditions de leur commission, pour la conduite de la proc�dure devant
eux, les dates et lieux de leurs r�unions et leur ajournement, comme ils
l'estiment appropri�.
(2) La d�lib�rations de la Commission
sont effectu�es en bichlamar, en anglais ou en fran�ais, tel qu'il en sera
d�cid� le ou les pr�sident, et l� o� ce sera r�alisable des interpr�tes
d�ment qualifi�s dans chaque langue concern�e seront employ�s. Le compte
rendu des d�lib�rations et le rapport des commissaires doivent �tre r�dig�s en
bichlamar, en anglais et en fran�ais. |
La
Loi sur le mariage
(1971) pr�cise qu'un avis �crit doit �tre affich�
de fa�on visible dans un endroit � l'int�rieur ou � l'ext�rieur des �glises dans
l'une des langues officielles et, si n�cessaire, dans une langue comprise par
les parties. Enfin, dans les Lois consolid�es (chap. 9, art. 3), il est pr�vu
que, pour obtenir un permis de conduire, il faut �une connaissance ordinaire de l'anglais, du fran�ais ou du
bichlamar� (�a knowledge of simple English, French or Bislama�).
De fa�on g�n�rale, le fran�ais est une
�langue de traduction� dans les rouages administratifs, et la version fran�aise
des textes peut arriver avec beaucoup de retard.
L'affichage au Vanuatu est massivement en
anglais, que ce soit les institutions gouvernementales, la
signalisation routi�re, la publicit�, les raisons sociales des
commerces, les �coles, les restaurants, les h�tels, la police, etc.
C'est un �pays anglais�, bien qu'on y trouve aussi des affiches en
bichlamar, surtout dans la publicit� et certains panneaux routiers.
En ce qui a trait � l'emploi du fran�ais, c'est rarissime et il
reste cantonn� dans les institutions comme l'Alliance fran�aise ou
les entreprises fran�aises.
Le bilinguisme est peu fr�quent, mais il est
possible dans les affiches du gouvernement. Il y a plus d'affiches
bilingues bichlamar-anglais que d'affiches en anglais et en
fran�ais. Le trilinguisme bichlamar-anglais-fran�ais est presque
inexistant.
4.4 Les langues des
m�dias
Dans les m�dias,
la situation pr�sente un ensemble assez disparate. S'il existe des journaux
quotidiens priv�s uniquement en anglais (Vanuatu Daily Post) ou en
bichlamar (Tam Tam), la presse unilingue francophone est presque inexistante.
L'Hebdo du
Vanuatu est un hebdomadaire; lanc� le 11 d�cembre 2008, il est le premier
journal du Vanuatu publi� exclusivement en langue fran�aise. On compte quelques
publications en fran�ais sur une base hebdomadaire et mensuelle, dont la dur�e de vie des titres
est tr�s variable.
Au Vanuatu, la presse est souvent trilingue (anglais, fran�ais et bichlamar): le
Vanuatu Weekly et Port Vila Presse, mais il faut comprendre que
les articles en fran�ais et en bichlamar sont en r�alit� des traductions de
l'anglais.
Le Vanuatu ne poss�de qu'une
seule corporation nationale qui offre les services de radio et de t�l�vision: la
Soci�t� de Radiodifusion et de T�l�vision du Vanuatu (SRTV). Elle op�re, en
trois langues, une station de t�l�vision (Television Blong Vanuatu, TBV) et
trois stations de radio. Toutefois, plus de 70 % des �missions radiophoniques de
la SRTV sont en bichlamar. On peut aussi capter les ondes de BBC, ABC Radio,
Radio-France et Radio-Noum�a (Nouvelle-Cal�donie) sur les ondes de radio FM.
Par ailleurs, la t�l�vision n'occupe pas une grande place au Vanuatu. La
minorit� des Vanuatais (Ni-Vanuatu) qui poss�dent un appareil �coute surtout les
nouvelles quotidiennes offertes en fran�ais, anglais et bichlamar. Depuis
quelques ann�es, le bouquet fran�ais Canal+ transmis par satellite est
accessible sur abonnement au Vanuatu.
5 Les langues de l'enseignement
L'anglais et le fran�ais sont les deux seules langues d'enseignement au
Vanuatu, bien que des cours d'alphab�tisation dans les langues m�lan�siennes soient
pr�vus au d�but du primaire. Le fran�ais a gard� ses positions privil�gi�es dans le syst�me
scolaire, du primaire � la fin du secondaire. En 2015, les �coles anglophones
comptaient 68% des enfants d'�ge scolaire contre 32% pour les �coles
francophones. La langue maternelle des enfants du primaire est le bichlamar pour
15% des �coliers (56 �coles) ou une langue m�lan�sienne pour 85% (315 �coles)
des autres. Cependant, les langues d'enseignement demeurent l'anglais et le
fran�ais.
Selon l'article 6 de la
Loi sur l��ducation de 2014,
les langues principales de l'�ducation sont l�anglais et le fran�ais, et tous
les �l�ves, pendant leur �ducation primaire, doivent recevoir leur instruction
ou en fran�ais ou en anglais:
Article 6
Politique linguistique
1) Selon le paragraphe 3.1 de la Constitution, les principales
langues d�instruction sont l�anglais et le fran�ais.
2) En primaire, un �l�ve re�oit l�instruction en fran�ais ou en
anglais.
3) Tout �l�ve entrant en secondaire doit poursuivre son
instruction dans sa premi�re langue d�instruction et commencer �
�tudier l�autre langue d�instruction.
4) Toutefois, les dispositions du paragraphe 3) n�emp�chent pas
un �l�ve qui a suivi une �ducation primaire dans une langue de
poursuivre ses �tudes secondaires dans l�autre langue d�instruction.
5) Sur avis du
directeur g�n�ral, le ministre peut, par arr�t�,
d�cider qu�une ou des mati�res sp�cifiques soient enseign�es dans
une ou des �coles pr�cises en langue vernaculaire locale ou en
bichlamar.
|
Le paragraphe 5 de cet article de la
Loi sur l��ducation �nonce que
des mati�res �sp�cifi�es� (non reli�es � la langue) peuvent �tre enseign�es dans
une langue vernaculaire ou en bichlamar.
Article 5
�coles publiques et �coles priv�es
6) Aux fins du pr�sent article :
- �cole offrant l�instruction en une seule langue d�signe une �cole
anglophone ou une �cole francophone �tablie et fonctionnant au m�me
lieu ou en un lieu diff�rent mais au sein de sa propre organisation,
dot� d�un Conseil scolaire et d�une association scolaire
communautaire ;
- �cole offrant l�instruction en deux langues d�signe une �cole
anglo-francophone �tablie et fonctionnant en un m�me lieu avec une
seule administration, un seul Conseil scolaire et une seule
association scolaire communautaire, offrant l��ducation primaire ou
l��ducation secondaire.
|
Il y a eu des classes-pilotes qui ont
tent� l'exp�rience au premier cycle du primaire. Mais l'exp�rience ne s'est pas
�tendue tr�s loin en raison des probl�mes de disponibilit� du personnel
enseignant et des manuels. Il ne semble pas pr�vu de g�n�raliser l�enseignement
dabs les nombreuses langues vernaculaires. De plus, l'article 8 de la
Loi sur l��ducation pr�cise qu'aucun enfant ne peut se voir refuser son admission
dans une �cole pour des raisons de sexe, de religion, de nationalit�, de race,
de langue ou de handicap physique.
- L'�ducation bilingue
Durant les premi�res ann�es de l'ind�pendance, le secteur
de l'�ducation a �t� largement domin� par les �lites anglophones. Toutefois, la
nette am�lioration des relations avec la France a fait que la langue fran�aise
n'est plus ouvertement contest�e. Non seulement, le gouvernement a nomm� un
ministre responsable de l'�ducation francophone, mais il a adopt� en 2001 la
Loi sur l��ducation (revue en 2014) qui confirme le caract�re bilingue de l'�ducation en
scindant le syst�me scolaire en deux voies parall�les, l'un sous la direction
administrative d'un ministre francophone, l'autre sous celle d'un ministre
anglophone. Le choix de la �fili�re francophone� ou de la �fili�re anglophone�
appartient aux familles. Il est fr�quent qu'une famille ayant plusieurs enfants
les place dans des diff�rentes fili�res.
Pour les francophones, la promotion du bilinguisme
constitue un �l�ment essentiel pour inverser le processus en cours de
marginalisation du fran�ais. L'enseignement de la seconde langue, conform�ment
au paragraphe 3, intervient la premi�re ann�e du secondaire (coll�ge); le
fran�ais ou l'anglais devient alors langue seconde ou langue �trang�re. Selon le
paragraphe 5, le ministre peut, d�s le primaire, introduire le bichlamar (la
langue vernaculaire) en cas de difficult�s en plus du fran�ais ou de l'anglais.
Par ailleurs, les Vanuatais semblent avoir
peu d'estime pour leur syst�me d'�ducation qu'ils croient �tre �de qualit�
moyenne�. Cette situation proviendrait, d'une part, du bas niveau des
enseignants, d'autre part, de la p�nurie de manuels et de mat�riels
p�dagogiques, sans oublier l'�tat souvent d�labr� des b�timents et de leur peu
d'entretien.
- Le secondaire
Au Vanuatu, l'enseignement secondaire, d'une
dur�e de deux � trois ann�es, ne touche qu'un nombre limit� de jeunes, soit
environ moins de 500 �l�ves. De plus, l'entr�e au secondaire est contr�l� par la
r�ussite � un examen qui se pr�sente sous forme d'un concours dont les places
sont compt�es.
En ce qui a trait aux �tudes sup�rieures,
les �tudiants anglophones ont acc�s � l'Universit�
de Nouvelle-Z�lande, alors que les francophones se dirigent vers l'Universit� du
Pacifique-Sud en Nouvelle-Cal�donie. Des bourses sont accord�es, la plupart
du temps par les ambassades d'Australie et de France, les principaux bailleurs
de fonds du Vanuatu. Autrement dit, l'enseignement sup�rieur n'existe pas
au
Vanuatu.
Pour l'instant, le fran�ais et l'anglais, seules langues d'enseignement,
servent de crit�res � l'appartenance linguistique et au bilinguisme. La
population vanuataise se divise donc en �francophones� et en �anglophones�,
selon que les individus ont �t� inscrits � l'�cole fran�aise ou � l'�cole
anglaise. Au Vanuatu, est �anglophone� toute personne ayant �t� � l'�cole
anglaise ou qui est membre d'une �glise protestante, ou encore, sympathisante
du Vanuaaku Pati, le parti gouvernemental culturellement anglophile. Le
qualificatif �francophone� s'applique aux individus ayant fr�quent� l'�cole
fran�aise, aux catholiques et aux opposants du Vanuaaku Pati.
- Les programmes unifi�s
d'enseignement
Le gouvernement du Vanuatu a tent� d�passer
ce clivage des langues dans l'enseignement en proposant un enseignement unique
dans le but de consolider l'unit� de la nation vanuataise. Au lieu d'avoir un
�enseignement anglophone� et un �enseignement francophone�, le Minist�re a
introduit en 1994 la notion de �programmes unifi�s d'enseignement�. Cette notion
appara�t dans les documents intitul�s en anglais The Unified Curriculum
Introduction and Overview et Le programme unifi� de l��cole primaire et
vue d'ensemble. Ces documents pr�sentent des objectifs, des principes
d'enseignement et des comp�tences g�n�rales du programme scolaire et des
mati�res individuelles, des objectifs g�n�raux et sp�cifiques, un tableau de
s�quences coh�rentes de la premi�re ann�e � la sixi�me pour les diff�rentes
mati�res: les langues, les math�matiques, l'�veil (science de l'environnement et
sciences sociales, sant�, nutrition, agriculture et instruction religieuse), le
th��tre, l'art et l'�ducation physique. Les programmes doivent tenir compte en
m�me temps des particularit�s culturelles propres � chaque communaut�
linguistique et des �l�ments communs aux deux communaut�s
Mais l��cole vanuataise actuelle refl�te encore, selon un rapport gouvernemental de septembre 1999,
�l'�ternel conflit qui subsiste politiquement entre les francophones et
les anglophones et ses retomb�es sur l'�ducation nationale�. En effet,
il arrive parfois que des �l�ves d�une �cole doivent, au gr� des
changements de gouvernements, passer successivement, par exemple, du fran�ais �
l'anglais puis de nouveau au fran�ais. Pour r�soudre de tels conflits,
certains tentent de proposer la cr�ation d'�coles bilingues qui pourraient
servir ensuite de projet pilote pour le reste du pays.
Encore aujourd'hui, dans les �coles
anglophones, l'anglais est enseign� comme mati�re (langue seconde) et le
fran�ais, comme langue �trang�re; dans les �coles francophones, le fran�ais est
enseign� comme mati�re (langue seconde) et l'anglais comme langue �trang�re. Des
r�solutions ont d�j� �t� adopt�es pour employer les langues vernaculaires
(m�lan�siennes) comme moyen d'enseignement dans les classes 1 � 3, puis par le
bichlamar dans les classes 4 � 6. D�s lors, l'anglais et le fran�ais seraient
enseign�s comme mati�res � la fin de l��cole primaire et les �coles secondaires
utiliseraient l�une de ces deux langues comme langue moyen d'instruction.
Toutefois, ces r�solutions n'ont jamais �t� mises en place.
6 L'�nonc� de la politique de bilinguisme
Au Vanuatu, le bilinguisme institutionnel demeure
jusqu'� pr�sent presque symbolique pour un pays bilingue: le
fran�ais ne joue pas le r�le d'une v�ritable langue officielle, r�le tenu
actuellement par l'anglais � l'�crit et par le bichlamar � l'oral. Selon
J.-M.
Charpentier, tout au plus, le fran�ais partage avec l'anglais le r�le d'une
langue de relations internationales :
C'est dans cette optique que les dirigeants le maintiennent comme langue
enseign�e, esp�rant ainsi profiter � la fois des aides accord�es aux pays
membres du Commonwealth et de celles distribu�es par les organismes
francophones. Au Vanuatu, le maintien ou le renoncement � la langue
fran�aise est un choix d'ordre politique et culturel, le fran�ais n'�tant
pas une n�cessit� absolue pour l'�tat en question.
|
Il suffit d'observer la participation soutenue du Vanuatu aux instances
internationales francophones pour constater que le but des dirigeants politiques
est manifestement de solliciter l'aide financi�re, principalement de la France
et du Canada. La politique du bilinguisme institutionnel du Vanuatu ne vise pas
� prot�ger les �francophones�, mais � tirer profit de leur pr�sence afin
d'obtenir des ressources financi�res et culturelles des autres pays
francophones, cela dans l'espoir d'un meilleur d�veloppement �conomique et
technologique. Ce n'est pas pour rien que la r�publique de Vanuatu
est � la fois membre du Commonwealth et de la Francophonie.
6.1 La politique
linguistique de 2005
N�anmoins, gr�ce � la coop�ration
internationale, le gouvernement a pr�sent� en 2005 un projet de
Politique
linguistique nationale. Cette politique vise un objectif de plurilinguisme
tr�s ambitieux. En effet, cette politique est destin�e � promouvoir le
bichlamar comme langue nationale; le bichlamar, l�anglais et le fran�ais comme
langues officielles; l�anglais et le fran�ais comme principales langues
d�enseignement; l'usage de toutes les langues et tous les dialectes indig�nes de
Vanuatu; l'apprentissage des langues �immigrantes� (autres que le bichlamar,
l�anglais et le fran�ais et les langues indig�nes) qui sont parl�es au Vanuatu,
comme le mandarin, le japonais, etc. Voil� beaucoup d'objectifs pour un pays de
300 000 habitants, comptant une centaine de langues, avec des moyens financiers
limit�s.
En 2010, le gouvernement d�cidait de mettre
en �uvre
des solutions d�unification du syst�me d'�ducation au secondaire afin d�offrir aux �l�ves une
�cole multilingue. Les programmes doivent tenir compte � la fois des
particularit�s culturelles sp�cifiques � chaque grande communaut� linguistique
et des �l�ments communs � ces deux communaut�s. L'anglais et le fran�ais
resteraient les principales langues d�enseignement � tous, mais les langues
vernaculaires seraient aussi valoris�es, car elles sont �porteuses de la
culture, des valeurs et des traditions ancestrales�. Bref, le Vanuatu n'a pas r�ussi en trente ans d'ind�pendance � rendre
ses trois langues officielles � �galit� de statut. De l� � promouvoir � la fois
les autres langues vernaculaires et les langues immigrantes, le projet
n'appara�t pas tr�s r�aliste, sauf s'il s'agit de simples d�clarations de
principe � l'�gard de ces m�mes langues. L'exp�rience des autres pays d�montre que vouloir favoriser un
plurilinguisme trop ambitieux
revient en d�finitive � noyer le poisson dans l'eau et � favoriser la langue la
plus forte, en l'occurrence l'anglais. Une telle attitude �quivaut � ne pas
faire de choix.
Il semble �vident qu�il y avait un grand
d�sir de r�forme en �ducation, mais le syst�me a tr�s peu chang� depuis les
politiques linguistiques de la p�riode coloniale. En particulier, il semble que
les d�bats entre anglophones et francophones d�tournent l'attention des autres
efforts pour inclure les langues vernaculaires et le bichlamar dans
l'enseignement. Il appara�t clair qu�il existe un certain nombre d'objectifs et
de programmes qui devaient �tre mieux compris dans un enseignement de la langue
maternelle. Dans les faits, le bichlamar et les langues vernaculaires
m�lan�siennes ne sont pas consid�r�s comme n�cessaires pour faire ses �tudes,
car l'anglais et fran�ais sont les seules langues jug�es utiles dans l'�conomie,
alors que toutes les autres langues sont consid�r�es comme limit�es.
6.2 La politique
linguistique nationale de 2012
La Politique
linguistique nationale de 2012 porte exclusivement sur l'�ducation,
notamment sur l'enseignement bilingue. L'objectif du minist�re de l'�ducation
est que tous les �l�ves � la fin du secondaire doivent apprendre le fran�ais et
l�anglais. Lorsque la langue d'enseignement de l'�cole est le fran�ais, les
�l�ves apprendront l'anglais comme langue �trang�re, et si la langue
d'enseignement de l'�cole est l'anglais, les �l�ves apprendront le fran�ais
comme langue �trang�re.
2.0 POLITIQUE
2.1 Langue d�instruction
Les �coles et les enseignants doivent:
a) enseigner soit en fran�ais soit en anglais dans toutes les �coles. Toutefois, dans les deux premi�res ann�es d'�cole, le
bichlamar ou une langue vernaculaire locale peut �tre utilis�, alors que soit le fran�ais ou soit l'anglais est introduit lors du second semestre de l'ann�e 3. � la fin de l'ann�e 3, la langue d'enseignement devrait �tre soit le fran�ais soit l�anglais, cependant, les enseignants continueront � utiliser, aussi longtemps que n�cessaire, les langues vernaculaires locales agr��es pour aider les enfants alors qu�ils op�rent la transition vers le fran�ais ou vers l�anglais.
b) avec l'approbation du ministre, et sur recommandation du directeur g�n�ral, enseigner certaines mati�res en bichlamar ou une langue vernaculaire locale. Les r�dacteurs des programmes recommanderont au directeur g�n�ral les sujets � enseigner dans la langue vernaculaire locale ou le bichlamar.
c) continuer � utiliser le bichlamar ou une langue vernaculaire pour aider les enfants � comprendre des concepts ou � acqu�rir des comp�tences.
d) d�cider quelle langue, soit le fran�ais ou soit l�anglais, sera utilis�e comme langue d'enseignement apr�s avoir consult� et re�u l�approbation de leurs communaut�s et en consultation avec les agents provinciaux et du MdE qui examineront les exigences en mati�re de fonds et la disponibilit� des ressources n�cessaires.
e) utiliser la langue convenue d'enseignement pour enseigner toutes les mati�res du programme d'�tudes approuv� � l'exception de celles � enseigner en
bichlamar selon l�approbation du ministre de l'�ducation.
|
C'est un syst�me relativement complexe, car toutes les
�coles doivent permettre d'utiliser le bichlamar ou une langue vernaculaire
dans les trois premi�res ann�es du primaire. Durant tout le cursus scolaire,
les �coliers pourront apprendre jusqu'� quatre langues. La politique
linguistique nationale de 2012 confirme que la langue d'enseignement doit
�tre d'abord la langue vernaculaire (m�lan�sienne) et le bichlamar, puis
l'anglais et le fran�ais comme langue d'instruction progressive dans toute
l'instruction formelle, afin d'encourager l'enseignement bilingue.
Pour plus de clart�, le nombre de langues parl�es par les �l�ves a re�u une �tiquette num�rique:
L1 : la langue dominante que les enfants utilisent � la maison et dans la communaut� o� vivent des enfants et leurs parents;
cette langue est habituellement leur langue maternelle qui, au Vanuatu, pourrait �tre une langue vernaculaire, le bichlamar, le fran�ais ou l�anglais.
L2 : l'une des langues principales de l'�ducation que les enfants apprendront et qui est soit le fran�ais
soit l'anglais, selon ce qui a �t� accept� comme la langue d'enseignement dans
l'�cole (LDE).
L3 : la principale langue d'enseignement non utilis�e comme LDE;
cette langue sera enseign�e comme langue �trang�re � la 4e ann�e.
L4 : les autres langues �trang�res �tudi�es par les �l�ves sp�cialis�s en �tudes de langue � un niveau sup�rieur de la scolarit�.
|
�videmment, l'emploi du bichlamar comme
langue vernaculaire dans les �coles est en train de devenir la cause d'un
d�bat houleux dans le domaine de l'�ducation. D'abord, c'est la langue
maternelle d'un tr�s petit nombre de personnes au Vanuatu. Ensuite, ce n'est
pas une langue valoris�e au point de vue social, alors que la population
semble plut�t indiff�rente dans son r�le � l'�cole. Par contre, les
fonctionnaires au sein du gouvernement continuent de d�fendre son
enseignement � l'�cole.
Par ailleurs, La France apporte aussi son
financement pour l'un des b�timents de la future universit� nationale. Il
s'agit d'un moyen pour la France de promouvoir la Francophonie dans cette
partie du monde tr�s courtis�e par les influences �trang�res. La future
universit� bilingue du Vanuatu doit ouvrir ses portes en 2020, sur les
locaux de l'actuelle Agence universitaire de la Francophonie.
Le Vanuatu pratique une politique de
bilinguisme institutionnel un peu bancal. Dans la pratique, c'est
l'�quivalent du statut juridique diff�renci� ou inf�riorisant qui pr�vaut, et
ce, aux d�pens du fran�ais et � l'avantage de l'anglais.
Cette forme de bilinguisme aboutit n�cessairement � une forme de discrimination
linguistique. Le bilinguisme vanuatais d�coule des vicissitudes de l'histoire.
Les rivalit�s commenc�es lors de la colonisation entre Fran�ais et Britanniques
se sont perp�tu�es et n'ont jamais cess�. Depuis l'ind�pendance, les
�francophones� ont perdu beaucoup de pouvoir parce qu'ils sont minoritaires et
�galement parce qu'ils n'ont � peu pr�s jamais contr�l� le pouvoir politique.
Depuis 1991, la classe politique dite francophone s�affirme
davantage, mais les rivalit�s demeurent. Forc�ment, le bilinguisme
institutionnel en souffre. Mais des espoirs d'am�lioration subsistent, notamment
gr�ce � la coop�ration internationale, notamment de la part de la France. Bien
qu'elle soit limit�e � l'�ducation, la
Politique
linguistique nationale d�pos�e en 2012 peut r�tablir un �quilibre entre
l'anglais et le fran�ais. Pour les domaines ext�rieurs � l'�ducation, par
exemple la fonction publique, les services administratifs, l'affichage, etc., le
d�s�quilibre persiste toujours au sein d'une population dont aucune des trois
langues officielles n'est parl�e comme premi�re langue par une partie significative de la population.
Derni�re mise � jour:
31 d�c. 2023
Bibliographie
- CHARPENTIER, Jean-Michel. �La francophonie en M�lan�sie,
extension et avenir�, dans Anthropologie et soci�t�s, vol. 6, no
2, Qu�bec, D�partement d'anthropologie de l'Universit� Laval, 1982, p. 107-126.
- D�L�GATION DU GROUPE S�NATORIAL FRANCE-VANUATU
- �LES DU PACIFIQUE.
Le
Vanuatu: survivance de la francophonie dans un archipel du Pacifique-Sud,
Paris, S�nat, Compte rendu de la mission effectu�e au Vanuatu et en
Nouvelle-Cal�donie, 9 au 19 septembre 2000.
-
GAUTHIER, Fran�ois, Jacques LECLERC et Jacques MAURAIS. Langues et
constitutions, Montr�al/Paris, Office de la langue fran�aise / Conseil international
de la langue fran�aise, 1993, 131 p.
JARRAUD-LEBLANC. Cendrine. �Le Vanuatu entre anglais, fran�ais et
bislama� dans Herm�s, La Revue, 2013/1, n� 65, p. 97-102.
LECLERC, Jacques. Langue et soci�t�, Laval, Mondia �diteur,
coll. "Synth�se", 1992, 708 p.
MOYSE-FAURIE, Claire. �Langues
minoritaires et politiques linguistiques: le cas des langues
oc�aniennes�, dans M�moires no 8, Soci�t� de
Linguistique de Paris, 1999, p. 79-104.
PIPITE, Jean. �La francophonie au Vanuatu�
dans Herm�s, Paris, n� 40, 2004, p. 302-307. En ligne: [http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/2042/9564/1/HERMES_2004_40_302.pdf].
ROSSILLON, Philippe (sous la direction de). Atlas
de la langue fran�aise, Paris, Bordas, 1995, 127 p.
THIVOYON, Marie-Ambrym. �Le multilinguisme au
Vanuatu : entre perception, politiques et pratiques�, m�moire de
ma�trise, Universit� de Gen�ve, 2015.
VANDEPUTTE-TAVO, Leslie. �M�canismes
d�identification linguistique et jeunesse urbaine � Port-Vila (Vanuatu)
: une approche anthropologique� dans Journal de la Soci�t� des
Oc�anistes, 2011, n� 133, p. 241-254.
VANDEPUTTE, Leslie. L�ambigu�t� des repr�sentations � l��gard du bislama,
langue nationale du Vanuatu (M�lan�sie), m�moire de ma�trise en
traduction, Toulouse, Presses de l�Universit� Toulouse 1 Capitole, 2018,
118 p.
WURM, S.A. �Nouvelles-H�brides� dans Papouasie-Nouvelle-Guin�e, sept. 1998, [www.ciral.ulaval.ca/geo/CLNM4_Intro_WurmF.html].
WAUTHION, Michel. Politique linguistique en
Francon�sie, Noum�a, Universit� de la Nouvelle-Cal�donie, octobre
2005.
YACOUB, Joseph. �L�Oc�anie
et ses minorit�s� dans Les minorit�s dans le monde,
Paris, Descl�e de Brouwer, 1998, p. 709-110.
|