105

DEUXIEME PARTIE : XVIème - XVIIème s.

LES PORTUGAIS DANS LES MERS DE L'ARCHIPEL AU XVIe SIÈCLE

par Luis Filipe F.R. THOMAZ

L'expansion portugaise dans l'Inde reproduit dans ses grandes lignes les traits caractéristiques de l'exploitation du littoral africain : même économie purement mercantile, sans que jamais se manifeste le dessein de s'approprier les moyens de production ; même préférence pour les produits de luxe ou, du moins, d'une certaine rareté ; même présence exclusivement littorale ; même mobilité des personnes ; même système d'administration centralisée, servi par des fonctionnaires rattachés à la Couronne et nommés tous les trois ans. Mais au-delà de Ceylan — c'est à dire, autour du Golfe du Bengale, dans les mers de l'Archipel et en Extrême - Orient — l'emprise portugaise se rapproche davantage du modèle guinéen : les forteresses redeviennent rares et même les factoreries sont éparses ; on pratique plutôt un commerce intermittent, saisonnier, le long des côtes, comme on faisait au siècle précédent dans les baies, fleuves et lagunes de la côte occidentale africaine.

Méconnaissant l'ampleur de ce commerce, et influencés par les chroniqueurs qui accordent une importance trop exclusive aux aspects militaires, les historiens portugais ont très souvent mal compris l'histoire de la présence de leurs compatriotes en Asie du Sud-Est. Si l'on confond expansion mercantile avec conquête, en ne prêtant attention qu'aux entrepôts "officiellement" soumis à la Couronne, on risque de ne comprendre ni l'importance de cette région dans l'économie de l'empire portugais, ni l'ampleur de l'influence portugaise sur les populations locales (1).