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Derrière le papier cadeau, peut-être une nouvelle physique

La collaboration CMS a exploré une physique encore inconnue par l’intermédiaire d’une désintégration rare d’une particule connue. C’est comme si l’on tentait de deviner le contenu d’un paquet-cadeau en l’inspectant sous toutes ses coutures

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Représentation d’une collision enregistrée par le détecteur CMS dont la signature pourrait indiquer la désintégration d’un méson Ben un méson K*et une paire de muons (représentées par les lignes rouges). Le méson K*0 se désintègre ensuite en un méson K+ (représenté par la ligne magenta) et un méson π- (représenté par la ligne verte). (Image : CMS/CERN)

Au moment de recevoir un cadeau d’anniversaire, certaines personnes s’empressent de le déballer pour voir ce qui s’y cache. D’autres préfèrent examiner le paquet pour tenter de deviner son contenu à partir de sa forme, sa taille, son poids ou encore le bruit qu’il fait lorsqu’il est secoué.

Les analyses menées par les scientifiques sur les ensembles de données obtenus auprès du Grand collisionneur de hadrons (LHC), destinées à découvrir de nouveaux phénomènes de physique, comme de nouvelles particules, reposent généralement sur l’une de ces deux approches. Rechercher directement un type spécifique de nouvelle particule revient à déballer sur-le-champ son cadeau d’anniversaire, tandis qu’adopter une stratégie indirecte reposant sur les subtilités de la mécanique quantique s’apparente plus à une étude minutieuse de son emballage afin d’en deviner le contenu.

À l’occasion de la conférence annuelle LHCP, qui s’est tenue la semaine dernière à Boston, la collaboration CMS a présenté la méthode qu’elle a utilisée pour rechercher une nouvelle physique via les désintégrations rares d’une particule appelée méson B0.

Le processus de physique qui conduit une particule à se désintégrer en particules plus légères pourrait être influencé par de nouvelles particules, qui n’ont pas encore été observées car trop lourdes pour être produites dans le LHC. Les changements induits par ces particules dans le processus de désintégration pourraient être mesurés et comparés aux prédictions du Modèle standard de la physique des particules. De la même façon qu’il est possible d’obtenir des informations sur le contenu d’un paquet-cadeau en l’inspectant sous toutes ses coutures, il est également possible de repérer un indice d’une nouvelle physique à partir d’un écart par rapport aux prédictions du Modèle standard.

Le processus de désintégration du méson B0, constitué d'un quark b et d'un quark d, en un méson K*0 (constitué d'un quark s et d'un quark d) et une paire de muons se prête particulièrement bien à cette approche. Cette désintégration passe en effet par une transition rare, dite « pingouin », hautement sensible à l’influence de nouvelles particules lourdes.

Pour mener cette nouvelle étude, l’équipe de CMS s’est appuyée sur l’ensemble des données récoltées par le détecteur entre 2016 et 2018, pendant la deuxième période d’exploitation du LHC, afin de d’inspecter le « paquet » de produits de désintégrations du B0. Ce « paquet » permet d’approcher une nouvelle physique de différentes manières. En pesant le paquet d’abord, c’est-à-dire en mesurant la fréquence à laquelle cette désintégration se produit. On peut également prendre deux paquets jumeaux, par exemple, l’un correspondant à une désintégration en une paire de muons et l’autre correspondant à une désintégration en une paire d’électrons, et vérifier s’ils ont la même masse.

Pour leur nouvelle étude, les scientifiques de CMS se sont penchés sur la forme du paquet en examinant la répartition de l’énergie du méson B0 parent entre les particules issues de la désintégration et en mesurant les angles des produits de désintégration. L’équipe a ensuite déterminé un ensemble de paramètres à partir de ces énergies et de ces angles, avant de comparer les résultats avec deux ensembles de prédictions du Modèle standard.

Pour la plupart des paramètres, les résultats concordent avec ces deux ensembles de prédictions. Cependant, pour les paramètres appelés P'5 et P2, comme pour certaines énergies des deux muons, les résultats montrent une tension avec les prédictions. De manière générale, les nouveaux résultats de CMS correspondent aux résultats précédents des expériences ATLAS, LHCb et Belle, et améliorent même leur précision.

Hélas, un vilain pingouin, charmant au demeurant, est venu gâcher la fête. La présence d’un quark c dans cette transition rare dite « pingouin » contredit les prédictions du Modèle standard et rend difficile toute conclusion. Pour progresser sur cette question, les scientifiques comptent désormais sur de meilleures prédictions, sur un plus grand nombre de données et sur l’amélioration des techniques d’analyse.

Plus d'informations sur le site de CMS.