Les voies pour diminuer la pollution plastique

Entretien avec Gaby Gorsky,  Directeur scientifique de l’expédition Tara Méditerranée et de l’Observatoire Océanologique de Villefranche-sur- Mer/UPMC-CNRS.

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À l’heure actuelle, que sait-on de l’impact de la pollution plastique sur le plancton, et indirectement, sur l’homme ?

Le but de l’expédition Tara Méditerranée est de mieux comprendre les impacts du plastique sur l’écosystème méditerranéen. Des recherches ont démontré qu’il existe une accumulation des polluants le long de la chaîne alimentaire marine. Le plastique concentre facilement les polluants et certains organismes planctoniques avalent les fragments de plastique ou les filtrent, assimilent certains composés chimiques et les transmettent à la chaîne alimentaire. C’est prouvé par des analyses chimiques : les poissons en bout de chaîne, accumulent des polluants.
Quant à l’impact sur l’homme, il est avéré. Les agences de sécurité sanitaire conseillent notamment aux femmes enceintes de ne pas surconsommer du poisson car il peut contenir des polluants qui ont des effets néfastes sur la santé.

D’après vous, la pollution plastique dans les océans peut être enrayée. Que faut-il faire pour y mettre un terme ?

Il y a plusieurs voies possibles. La première est l’éducation car ce qui n’est pas jeté dans une poubelle va atterrir à un moment ou à un autre dans les océans.

La deuxième, et peut être la meilleure, c’est de changer notre mode de fonctionnement et abandonner l’usage du plastique à long cycle de vie et non dégradante pour adopter des produits naturels. Parallèlement, il est nécessaire de planifie  le nettoyage des côtes à long terme car la majeure partie du plastique flottant (notamment en Méditerranée) y termine son voyage. La dernière voie, c’est de décomposer le plastique. À l’heure actuelle, le plastique est dégradé, c’est-à-dire fractionné. Il devient plus petit, invisible certes mais non moins nocif. Or plus il est petit, et plus les petits organismes peuvent l’ingérer. Le plastique remonte ainsi facilement la chaîne alimentaire. Dans le monde, plusieurs laboratoires cherchent des techniques pour  trouver une alternative : décomposer le plastique en produits non toxiques.

Retrouvez tous les articles Science de l'expédition.

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Premiers constats pour l’expédition Tara Méditerranée

De mai à novembre 2014, l'expédition Tara Méditerranée avait un double objectif : la recherche scientifique sur la pollution de microplastiques flottant en surface et la sensibilisation aux enjeux environnementaux liés à la mer Méditerranée. La goélette d'exploration Tara aura ainsi parcouru 15 000 kilomètres en Méditerranée. Premiers constats.

@N.Pansiot/Tara Expéditions

@N.Pansiot/Tara Expéditions

La stratégie d’échantillonnage de l’expédition Tara Méditerranée était de prélever au large mais aussi près des côtes, près des embouchures de rivières et dans les ports afin d’étudier l’influence exercée par le milieu terrestre sur la pollution marine. À chaque station de prélèvements, des échantillons ont été collectés avec des filets spéciaux de surface. Les échantillons sont destinés à l’étude chimique du plastique, à l’analyse microscopique et l’étude de la colonisation du plastique ainsi qu’à l’étude de l’interaction entre le zooplancton (la base de la chaîne alimentaire marine) et le plastique.

Les analyses des échantillons débuteront en décembre 2014 et de premiers résultats sortiront à partir du printemps 2015. Mais les premiers constats de Tara Méditerranée sont édifiants ! Selon le directeur scientifique de Tara Méditerranée, Gaby Gorsky (CNRS/UPMC) et la coordinatrice scientifique de Tara Méditerranée Maria Luiza Pedrotti (OOV CNRS/UPMC), “Des fragments de plastique ont été trouvés à chaque relevé de filet et cela de l’ouest à l’est de la Méditerranée. Avec une concentration de plastique plus importante observée devant les grandes villes mais également avec des concentrations non négligeables en haute mer.”

L’expédition Tara Méditerranée, la dixième pour Tara depuis 2003, a fait escale dans 13 pays et réalisé 20 escales (France, Italie, Monaco, Albanie, Grèce, Liban, Chypre, Malte, Tunisie, Algérie, Espagne, Maroc et Portugal). Ainsi, près de 10 000 personnes et scolaires du pourtour méditerranéen ont pu visiter la goélette.

Cinq ateliers d’échanges ont été menés avec des acteurs locaux, experts et décideurs, dans le but de stimuler la coopération internationale et les projets sur place. Il est en effet urgent d’avancer vers des solutions comme l’assainissement des eaux, la gestion des déchets, l’innovation pour un plastique biodégradable, la promotion du tourisme durable, l’éducation ou la création d’Aires Marines Protégées. Un “Livre Bleu” qui sortira en mars tâchera de mettre en avant les initiatives et solutions locales et dressera un bilan des échanges menés lors de la mission Tara Méditerranée.

L’expéditions Tara Méditerranée en chiffres :

- 13 pays

- 20 escales

- 7 mois d’expédition

- 2300 échantillons afin d’évaluer la distribution des microplastiques, du zooplancton, l’identification chimique des microplastiques, l’étude des communautés microbiennes attachées au plastique, l’analyse des POPs (Polluants Organiques Persistants) liés au plastique, l’analyse d’image, la température, la salinité, la turbidité et les pigments

- 14 laboratoires impliqués

- 359 traits de filet (filet traîné à la surface de la mer pendant une meure soit 4,5 km)

- 15 000 kilomètres parcourus

3 forts coups de vent entre Force 7 et 9

10 000 personnes et scolaires accueillis à bord

11 artistes en résidence se sont succédés

9 nationalités représentées à bord (algérienne, américaine, brésilienne, française, israélienne, italienne, libanaise, marocaine, tunisienne)

- Température de l’air la plus élevée : 34°

- Température de l’eau la plus élevée : 31°

- Température la plus élevée dans la salle des machines : 60°

 

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Le bateau a terminé sa mission, mais la science se poursuit

Ce matin au réveil, le retour de la goélette à Lorient était déjà un beau souvenir. Les Taranautes se sont levés pour faire visiter le bateau aux Lorientais après une courte nuit. Les premiers croissants ont été livrés par les familles des équipiers. Autour du grand carré, Luana Oriot, 6 ans, fille de l’équipier Matthieu Oriot se souvient du retour du bateau : « J’ai aimé quand papa est revenu, j’étais heureuse. » En face d’elle, Ipanema et Marley, enfants de l’artiste en résidence à bord Malik Nejmi, reviennent sur la journée d’hier.

© P.LePochat:Lorient Agglomération

© P.LePochat:Lorient Agglomération

« Il y avait de la musique, il y avait de l’ambiance et la ministre Ségolène Royal était là. » Marley, 10 ans, précise : « Il y avait aussi le maire de Lorient et les citoyens de Lorient sont venus accueillir Tara. Le bateau est arrivé comme si c’était une légende. »

Après 7 mois d’expédition, la goélette est de retour à Lorient, son port d’attache, le 22 novembre, premier jour de la Semaine européenne de la réduction des déchets. Une jolie coïncidence ! Comme le contait Marley, son arrivée a été saluée par la présence de Mme Royal. La ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Energie a évoqué la mise en place de l’interdiction des sacs plastiques non réutilisables dès 2016. Une annonce qui ponctue la fin de cette expédition dédiée aux pollutions plastique. Près de 2 300 échantillons ont été collectés par les équipes scientifiques à bord, lors des différents legs et tous contenaient des micro plastiques.

Les derniers prélèvements stockés dans le fût d’azote liquide à bord s’apprêtent à être envoyés par transporteur dans les différents laboratoires. Le bateau a terminé sa mission, mais la science se poursuit et les chercheurs doivent à présent s’atteler à l’étude des échantillons : quantifier et qualifier les plastiques, mais aussi déterminer leurs effets sur les organismes vivants.

La baleine s’apprête quant à elle à faire peau neuve, lors d’un chantier maritime de 3 mois. Pour les équipiers, Nicolas de la Brosse, François Noël, Samuel Audrain et Mathieu Oriot l’aventure se prolonge à terre, à Lorient, sur le site de Keroman. Luana n‘aura pas à attendre plusieurs mois avant le retour de son papa à la maison.

A bord, la journée se poursuit. Les visiteurs les plus courageux se sont munis de parapluies et de cirés pour visiter Tara sous la pluie. Dans le grand carré, les générations de Taranautes se mélangent pour refaire le monde. Les livres des différentes expéditions sont feuilletés et commentés par la joyeuse tribu. Pas de doute, la relève est assurée !

Noëlie Pansiot

 

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Retour de Tara Méditerranée à Lorient

Après 7 mois d'étude de la pollution des micro-plastiques en Méditerranée, Tara revient au port de plaisance de Lorient avec un week-end d'animations et de rencontres inédites le 22 et 23 novembre !

Vivez en direct le retour de l'expédition Tara Méditerranée pendant la Semaine Européenne de Réduction des Déchets : #RetourTaraMed

En présence de Ségolène Royal, Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie.

Découvrez ici le programme du week-end

De mai à novembre 2014, l’expédition Tara Méditerranée avait un double objectif : la recherche scientifique sur la pollution de microplastique flottant en surface et la sensibilisation aux enjeux environnementaux liés à la Mer Méditerranée. La goélette d’exploration Tara aura ainsi parcouru 15 000 kilomètres en Méditerranée.

© Y.Chavance/Tara Expéditions

 

 

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Deux prénoms pour une expédition.

La goélette avance à la voile, le rythme de l’équipage s’est un peu relâché et chacun vaque calmement à ses occupations. 

Martin Hertau, capitaine actuel de Tara Méditerranée. N.Pansiot/Tara Expéditions

Martin Hertau, capitaine actuel de Tara Méditerranée. N.Pansiot/Tara Expéditions

Michel Franco fouille dans la bibliothèque du bord, qu’il incrimine d’alourdir la goélette. L’ingénieur du bateau ne cesse de répéter qu’elle pèse 40 tonnes de trop. En explorant la collection Paulsen, Michel pioche un bouquin inattendu : « Le grand guide des prénoms. » Tous les noms de baptême des équipiers sont alors passés en revue. Parmi eux, les deux capitaines de Tara Méditerranée : Martin qui signifie « guerrier » et Samuel « son nom est Dieu ». Aux définitions, l’auteur du guide a ajouté quelques lignes sur les traits de caractère communs des porteurs de prénoms. Brain storming dans le grand carré : comment définir nos deux capitaines qui se sont relayés pendant toute l’expédition Tara Méditerranée ?

Après réflexion, l’équipage lâche les premiers mots : déterminé, prêt à rendre service, professionnel, secret, pas avare de blagues et très cultivé. Voilà comment les Taranautes perçoivent Martin Hertau, 37 ans. Mathieu Oriot, qui partage sa cabine depuis 3 mois, ajoute dans un sourire : il aime lire le Canard Enchaîné dans sa bannette et il ponctue souvent ses phrases par « voilà ».

Samuel Audrain, capitaine du début de Tara Méditerranée. N.Pansiot/Tara Expéditions

Samuel Audrain, capitaine du début de Tara Méditerranée. N.Pansiot/Tara Expéditions

Et pour Samuel Audrain ? Charisme et sérénité. Le Nantais de 36 ans cultive son sens de la logique et son goût du travail bien fait. Toujours souriant, il essaie de faire usage du mot juste. Réservé de prime abord, il possède le sens de la communication. Ses amis disent de lui qu’il ne connaît pas l’appréhension dans l’action. Et lorsqu’il dit « avoir peur », c’est toujours après coup et cela signifie que le degré de dangerosité de la situation était vraiment élevé.

L’un parle d’un ton posé et calme, l’autre débite les mots à grande vitesse, Samuel et Martin sont tous deux bons à la manœuvre du bateau et ils s’adressent aux gens en les regardant droit dans les yeux. A bord, ils se sont relayés au poste de Chef mécanicien et de Capitaine, au cours de ces 7 mois d’expédition en Méditerranée.

Et c’est justement cette polyvalence qui anime Samuel. « Contrairement à un gros bateau, on peut tout faire sur Tara », explique-t-il. « A bord, je suis passé à tous les postes, je n’aime pas être cantonné à une seule tâche. Lorsque je suis capitaine et qu’il y a un problème en machine, j’aime donner un coup de main au Chef mécanicien ». Martin a, pour sa part, été séduit « par la dimension utile et le programme de Tara. »

Lorsqu’il est question de leurs parcours professionnels, ils évoquent le monde de la voile. Après une année en fac de philosophie, Martin part en bateau-stop comme équipier sur des transats au Brésil puis aux Antilles. Il s’établit par la suite à Montréal où il enchaîne les petits boulots, avant de décider de faire de sa passion un métier. A son retour en France, Martin prépare un bateau de course à St Malo, pour la route du Rhum, puis il travaille dans les convoyages et le charter. Il croise le chemin de Tara en 2011, alors qu’il fait escale en Patagonie, à Puerto Williams. C’est là qu’il entame une discussion avec le capitaine de l’époque, Hervé Bourmaud. Martin possède une réelle expérience du Grand Nord et Tara s’apprête à partir en Arctique, le CV du Malouin intéresse donc Hervé. Deux mois plus tard, Martin reçoit un email lapidaire dans lequel Hervé lui propose d’embarquer comme Second. Son expérience à bord débute en 2011, pendant l’expédition Tara Oceans, entre la Polynésie et San Diego. Il endosse la casquette de capitaine pour la première fois pendant Tara Oceans Polar Circle, en 2013.

Samuel se rend compte tardivement que la voile peut s’inscrire dans un parcours professionnel. Il étudie à l’UCPA, puis aux Glénans où il a envie de transmettre ce qu’il a appris. Concours de circonstances, hasard et culot le conduisent sur l’île de Clipperton, pour travailler aux côtés de l’explorateur Jean-Louis Etienne. A l’époque, lorsqu’il navigue en direction de l’île, il entend beaucoup parler d’Antarctica (premier nom de Tara), alors qu’il partage ses quarts avec un dénommé Jeannot, membre d’équipage d’Antarctica et Seamaster. C’est finalement Jean-Louis Etienne qui met Samuel en relation avec le nouveau propriétaire du bateau, Etienne Bourgois. Sa première mission débute en 2005, en Géorgie du Sud, puis il y aura 11 mois de dérive Arctique, « sur une autre planète. »

Tara Méditerranée prend fin. En tant que Capitaine, Martin et Samuel étaient chargés de veiller à la sécurité de l’équipage, au bon déroulement de la science et des escales. Une fois revêtu le bleu de travail, ils disparaissaient tour à tour dans l’antre de Tara pour veiller au bon fonctionnement du bateau, sans qui rien n’aurait été possible. Deux capitaines, deux manières de gérer l’expédition. Samuel et Martin ont insufflé une énergie différente à bord, en fonction de leur expérience et leurs traits de caractère.

Noëlie Pansiot

 

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D’Antarctica aux mammouths

Il a vu naître la goélette il y a 25 ans, alors qu’il faisait partie de l’expédition Transantarctica, menée par Jean-Louis Etienne. À l’époque, Bernard Buigues était « le sacrifié » : il gérait l’administration et réglait les problèmes du quotidien à Paris. Plus tard, Bernard a organisé ses propres expéditions au pôle, avant de devenir chasseur de mammouth en Sibérie. Il a aussi initié avec Etienne Bourgois en 2006, la fameuse dérive arctique de Tara.

Invité à bord de Tara pour l’ultime traversée jusqu’à Lorient, le papa de Jarkov, mammouth de 47 ans mort il y a 20 380 ans, nous conte ses aventures et nous sommes tout ouïe.

Portrait de Bernard Buigues. © N.Pansiot/Tara Expéditions

Portrait de Bernard Buigues. © N.Pansiot/Tara Expéditions

Comment a débuté la chasse au mammouth ?

Pendant Transantarctica, on travaillait avec les Russes de l’Institut Arctique et Antarctique. C’était juste après la Pérestroïka, le pays était fermé, mais finalement tout était ouvert parce que le désordre régnait. Pendant une dizaine d’années, j’ai développé des stations dérivantes dans la région du Pôle Nord avec les équipes du village de Khatanga en Sibérie qui travaillaient pour l’armée jusqu’en 1985. Un jour, le Directeur de l’administration de Khatanga vient me voir et me dit : « Tu ne t’intéresses qu’à l’Arctique, mais nous avons des choses plus intéressantes, nous avons des mammouths ». J’étais un peu dubitatif, je n’avais pas de contacts avec les musées. Très honnêtement je ne me rendais pas compte, je n’avais aucune passion précise pour le sujet, et ce jusqu’au moment où j’ai pu toucher un morceau de mammouth. À mon retour en France, j’ai ramené quelques échantillons aux scientifiques. Ils ne pouvaient pas encore me dire si c’était bien du mammouth, mais ça leur semblait intéressant parce que les échantillons contenaient des cellules bien conservées. Ils m’en ont demandé plus. Comme ça, de fil en aiguille, en essayant de sortir le premier mammouth qu’on m’avait indiqué, j’ai commencé à me renseigner sur l’état des recherches sur les mammouths. J’ai découvert un paradoxe : c’était un animal célèbre, mais très mal connu. Dans les années 90-95, beaucoup d’idioties sur les causes de leur disparition circulaient, on parlait encore de disparition subite, comme si une météorite était tombée du ciel et avait exterminé l’espèce.

En montant l’expédition pour sortir le mammouth Jarkov, entre 97 et 99, je me suis rendu compte que les paléontologues travaillaient à partir de très peu d’exemplaires d’animaux. J’ai compris qu’il fallait plus d’échantillons pour arriver à un scénario valable sur cette période. Je me suis donc mis comme challenge de récupérer et de protéger un maximum de fossiles de mammouths. En fait, en m’intéressant à eux, je me suis intéressé à l’évolution des espèces, à l’évolution des climats, à l’histoire de cette dernière période du Pléistocène qui a duré 50 000 ans. Cette quête m’a conduit à la rencontre des gens. C’est grâce aux relations amicales tissées avec les locaux que nous avons trouvé des fossiles. Ce sont eux qui, en partant chasser, en partant déplacer leurs troupeaux de rennes trouvaient, de temps à autre, un morceau d’os ou de défense dépassant de la neige.

L’aventure était aussi humaine…

Oui, tout à coup ça faisait sens pour moi, c’était intéressant parce qu’il y avait de l’aventure, de la science et des relations humaines. J’ai découvert plusieurs peuples de l’Arctique : les Nenets avec qui j’ai de bonnes relations, les Dolgans, puis les Youkaguire et les Thoutches. En fait ces expéditions m’amenaient à faire de la science au sens large, la paléontologie débordait sur des sciences plus dures avec des études sur les isotopes, des études sur la génétique, mais aussi dans l’ethnographie. La recette de mon activité et des quelques succès que j’ai eu reposent sur le fait que j’ai su tisser des relations avec des gens qui me faisaient confiance et qui me délivraient des informations au bon moment.

Je pense que les ethnographes ont ressenti cette émotion, il existe une forte attirance quand on rencontre des peuples ou des civilisations très éloignés de la nôtre ; j’étais fasciné. Encore plus lorsque j’ai aperçu la même curiosité dans le regard des gens, lorsqu’ils faisaient part de la même curiosité à mon égard. C’est la clé de l’échange ! Je n’étais pas qu’un simple observateur, ces gens me posaient autant de questions que je leur en posais.

Quelle est la taille du troupeau de mammouths que tu conserves sous le permafrost en Russie ?

Notre équipe a trouvé 13 mammouths en 15 ans. La réalité a finalement dépassé mon imagination. À présent, nous aimerions bien trouver le chasseur écrasé par le mammouth ! Il y a 3 ans, nous  avons découvert un jeune mammouth de 4 ans, mort il y a 32 900 ans, dépecé et éviscéré par des hommes. Nous avons retrouvé sa dépouille qui avait une grosse coupe sur le dos, réalisée à l’aide d’une pierre taillée, un peu à la façon d’un napperon, sur son flanc gauche. Nous ne savions pas qu’il y avait des hommes dans cette région à cette époque. Nous savions finalement peu de choses sur cette époque. En fait, nous parvenons petit à petit à récupérer des informations par ricochet. Avec les protocoles de recherche actuels, nous n’avons plus besoin d’avoir le fossile comme preuve de la présence de telle ou telle espèce. Lorsque nous procédons à des carottages en terre, il suffit de séquencer l’ADN qui y est présent et de le comparer à une base de référence, et quasi instantanément on sait qui était là.

Le clonage du mammouth, fiction ou réalité ?

Quelques scientifiques japonais, mais surtout coréens envisagent sérieusement le clonage. Techniquement certaines choses sont à présent réglées. On sait par exemple remplacer les chainons manquants dans l’ADN, grâce à un processus de copier-coller. Les généticiens peuvent donc récupérer l’intégralité du code génétique du mammouth et mettre cette info dans un ovule fécondé d’un animal vivant comme l’éléphant. Il y a 15 ans, lorsqu’on commençait à me poser la question du clonage, je n’y connaissais pas grand-chose et je ne voyais pas de limite à la science. 10 ans après ce n’est plus vraiment de la science-fiction.

Tout dépend des objectifs de ce clonage. S’il s’agit de réaliser une expérimentation, pourquoi pas. Mais si le projet est de réintroduire l’espèce au détriment de l’attention qu’il faudrait porter aux éléphants, je dis non.

Propos recueillis par Noëlie Pansiot

 

Articles associés : 

- Mammouths, météorite et mal de mer.  

- Bernard Buigues. 

- Retour à Lorient de l'expédition Tara Méditerranée le 22 novembre. 

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Mammouth, Météorite et Mal de Mer.

La boucle est presque bouclée ! Il y a 2 mois Tara publiait un article intitulé « Une journée pour s’amariner ». Le papier était rédigé à la première personne et il confiait les difficultés rencontrées à bord à cause de la houle. Le bateau venait de quitter Alger et j’embarquais juste. Depuis l’équipage a changé plusieurs fois, la goélette remonte à présent  vers le nord et les marins se réjouissent de tirer des bords en Atlantique. Finalement, seul le mal de mer persiste.

Tara en station. © S.d'Orgeval/Tara Expéditions

Tara en station. © S.d'Orgeval/Tara Expéditions

Le processus d’amarinage se révèle impermanent : il va, il vient en fonction des mouvements des vagues et de la résistance des estomacs. Hier, des creux de 3 mètres ont secoué le bateau, alors même que son ingénieur, Michel Franco était à bord. Michel annonçait fièrement « un bon rouleur est un bon marcheur ». En bon rouleur qu’il est, Tara a mis K.O. la moitié de l’équipage, dont son créateur.

En embarquant à Portimao, Michel Franco a retrouvé son vieil ami Bernard Buigues, pour effectuer l’étape finale jusqu’à Lorient. Les deux hommes ont vu naître la goélette, appelée alors Antarctica, sous la houlette de Jean-Louis Etienne. Chasseur de mammouth en Sibérie pour l’un et chasseur de météorites au Sahara pour l’autre, « les anciens » ont bon nombre d’histoires à raconter aux matelots. Mais au cours des dernières 24h, le carré s’est vidé et l’auditoire a déserté pour réchauffer les bannettes. Franco sommeillait en attendant des jours meilleurs et Buigues, insensible au mouvement du bateau, n’avait plus personne pour écouter ses récits.

Lors d’une de mes rares sorties de cabine, j’ai pu échanger quelques mots avec Dominique, Mathieu et Nils, affalés sur les banquettes du carré. En petite forme, la fée cuisinière demandait : « Sur une échelle du mal de mer, allant de 1 à 5, où en êtes-vous ? » Mathieu, plus côtier qu’hauturier répondait : « Entre 2 et 3 », Noëlie :« Je suis à 3 », Nils : « Seulement à 1 ».

François Noël, chef mécanicien qui travaille régulièrement dans les entrailles de Tara depuis 2010, ne semblait pour sa part nullement importuné par les roulis. Le cœur bien accroché, il a même réussi à regarder un film sur son ordinateur. Il semble que François n’ait souffert du mal de mer qu’à ses débuts, alors qu’il avait 15 ans et travaillait sur des bateaux de pêche au départ de Boulogne-sur-Mer. Pendant 6 mois, à chaque embarquement, le jeune François était systématiquement malade. Mais tout ça est de l’histoire ancienne, depuis François a roulé sa bosse.

La goélette vient d’arriver à Peniche, fief du surf au Portugal et dernière escale avant Lorient. Les visages des Taranautes ont repris des couleurs et les rires fusent à nouveau du carré jusque dans le PC com que j’ai pu regagner. Le récit des histoires d’antan a repris de plus belle. Les mots Antarctica, hélicoptère, mammouth et météorite me parviennent par bribes. Des histoires que je vous retranscrirai au cours des 5 jours de traversée qui nous séparent de notre port d’attache, si le mal de mer me laisse en paix.

Noëlie Pansiot

 

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Montage sonore : visite de la médina de Tanger

Accueillis par des associations locales lors de l'escale tangéroise, les Taranautes ont suivi une visite guidée de la médina. Du port jusqu'au coeur de la vieille ville, ils ont découvert son histoire et ses caractéristiques. En circulant dans ce dédale de ruelles étroites, les 15 équipiers n'ont pas réussi à rester groupés très longtemps. Perdus à l'entrée de la casbah, Amanda, Mathieu et Noëlie ont prolongé leur promenade au gré des rencontres. Visite en images...

© N.Pansiot/Tara Expéditions

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« Plastique ? Non merci ! »

A Tanger pour quelques jours, agnès b. a passé une soirée en compagnie des Taranautes. La co-fondatrice et premier mécène de Tara Expéditions connaît bien le Maroc, qu'elle découvrait il y a 40 ans, alors qu'elle ne vivait pas encore de sa première boutique, située rue du jour à Paris. Avant de partager un excellent tajine et le traditionnel thé à la menthe, nous avons pu échanger avec elle sur ce pays, mais aussi sur ce qui la rattache à Tara : l'art. 

G.Suaria/Tara Expéditions

G.Suaria/Tara Expéditions

Vous connaissez bien le Maroc et vous y êtes attachés…

Je viens régulièrement au Maroc depuis 40 ans. La première fois, c’était pour un travail, je faisais teindre des robes pour Pierre Dalbi. Voilà comment j’ai découvert le Maroc, je travaillais à Casablanca dans une teinturerie auprès d’un monsieur qui s’appelait Youssef. Il faisait ses teintures avec des produits naturels et cela produisait des couleurs merveilleuses, puis on faisait sécher les robes sur la terrasse. C’était mon premier voyage, je venais de me marier, on avait loué une 4L et on était parti se balader jusque dans le sud du pays. Nous avons vécu de belles expériences, nous prenions des voyageurs en voiture, puis ils nous emmenaient chez eux, dans leur maison où il n’y avait rien, mais où on trouvait l’essentiel : la chaleur humaine. J’ai toujours aimé ce pays et j’ai découvert ses différentes régions. Ici, à Tanger, nous sommes dans le Détroit de Gibraltar, nous sommes aux portes de l’Europe et nous avons un pied en Afrique.

Ce continent est-il une source d’inspiration pour vous ?

Bien sûr. J’ai toujours créé des costumes de ville en boubou, comme pour Philippe Starck. D’ailleurs, ma prochaine collection estivale intègre des tissus et des robes réalisées dans des boubous africains.

Et puis le Maroc est connu pour son magnifique artisanat. Lorsqu’on se promène à Marrakech ou dans la médina de Tanger, on réalise ce que les artisans parviennent à faire avec rien, ou presque. C’est un pays qui m’inspire : la musique et puis la façon dont ils font les choses. Lorsqu’on les regarde faire, on s’aperçoit qu’ils font les choses avec respect, avec talent et délicatesse et le résultat est toujours impressionnant. C’est très beau et il existe un savoir-faire incroyable, qui ne doit pas se perdre.

La Cinémathèque de Tanger a généreusement accueilli la conférence de Tara. Votre nom figure sur l’un des sièges de la grande salle. Quelle est votre relation avec ce lieu ?

J’aide la cinémathèque depuis maintenant 10 ans, à l’époque où l’artiste Yto Barrada la dirigeait. J’aime beaucoup son travail. Cette cinémathèque a besoin d’être soutenue, c’est un lieu qui reçoit beaucoup de jeunes. Le cinéma rif, situé en haut du grand soko, est un endroit mythique parce qu’il s’agit du premier cinéma de Tanger. A présent, il abrite aussi un café où les gens se retrouvent. Pour moi cette cinémathèque est en quelque sorte le poumon de la ville.

Cette année, Tara a accueilli 11 artistes en résidence, que vous avez sélectionnés sur dossiers. Est-ce important pour vous que des univers très différents comme celui de la science et de l’art se rencontrent ?

Je pense que ces gens ont beaucoup de choses à se dire, à découvrir les uns des autres, donc oui, pour moi c’est très important. J’ai tenu à avoir des artistes à bord depuis longtemps, parce que je ne peux pas vivre sans art. Il m’a toujours nourri, aussi bien la musique que les arts plastiques et les artistes mettent souvent le doigt sur ce que les autres ne voient pas.

Je viens de croiser Malik Nejmi, qui a débarqué à Tanger. Nous allons l’exposer à Paris Photo ; j’admire le travail qu’il a réalisé sur les passeurs et les maisons de passeurs. L’accrochage est prévu lundi et nous ouvrons mardi. Cette année, les thèmes seront l’intimité et la Méditerranée. Nous allons aussi exposer les photos de Nan Goldin de 1976 ou 1983-86, parce que j’étais la première à représenter cette grande photographe de l’intime, et puis il y aura les photos d’Hervé Guibert.

Cette 10ème expédition Tara s’est concentrée sur l’étude de la pollution plastique et certains artistes se sont appuyés sur cette thématique pour travailler. Qu’est ce que ce sujet vous inspire ? 

En ce qui me concerne, je refuse les sacs plastiques. Je pense que ça serait un moyen formidable que les gens disent : « non merci, je ne veux pas de plastique » lorsqu’on leur en propose dans les épiceries , les pharmacies ou sur le marché. Si tout le monde disait « plastique, non merci », ça serait un bon début. Ici, à Tanger, lorsqu’on vous tend un plastique, on vous fait un cadeau…, mais ces sacs s’envolent facilement, tels de petits cerfs-volants, il y en a jusque dans le désert.

Quels sont vos souhaits pour le futur de Tara ?

Ce sont les générations futures qui se serviront de Tara, Tara c’est le long terme, jusqu’en 2050 ou plus longtemps j’espère et il y aura peut-être un autre Tara, un petit-fils…

Propos recueillis par Noëlie Pansiot

 

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Tara fait le pont entre mer et montagne

Du 1 au 6 novembre, plus de 1 500 Marocains ont foulé Tara au port de Tanger. Visite du bateau, projection de films et jeux interactifs ont dévoilé les efforts artistiques et scientifiques de l’expédition, en plus faire prendre conscience aux jeunes de la pollution des microplastiques en Méditerranée.

Tara Expéditions

Le 7 novembre, les Taranautes ont largué les amarres, à terre, pour une visite en ruralité marocaine. Située en pleine montagne l'école Zrarae jouit d'une vue imprenable sur le détroit de Gibraltar, lieu symbolique de la rencontre entre mer et océan. Cette vision des hauteurs infuse les responsables d'une sensibilité particulière : Zrarae n'utilise aucun plastique en classe, lui conférant la prestigieuse certification Éco-École.

Élèves et dirigeants nous ont accueillis dans la joie et la bonne humeur avec musique et habits traditionnels. Très touchés de ce chaleureux accueil, Noan, Nils et Sharif ont livré une présentation complète : historique du bateau, vie à bord, problématique des microplastiques en mer et importance cardinale des organismes planctoniques.

Les jeunes semblaient ébahis par la beauté du plancton et la dégradation très lente du plastique dans la nature (entre 100 et 400 ans). Ils ont ressenti leur rôle important depuis les montagnes où sacs, bouteilles et autres polluants sont charriés par les pluies et les rivières jusqu'en mer.

C'est un honneur pour les Taranautes de sensibiliser les jeunes Marocains aux enjeux environnementaux. Le respect de la nature, le recyclage et la meilleure gestion des ressources débutent par un changement de mentalité.

Sharif Mirshak

NB: Nous tenons à remercier Mariam, Houda et Raffia - doctorantes et traductrices tout au long de notre séjour. Merci Habibis !

 

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