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JCC Open (2013) 1, 1—3 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com CAS CLINIQUE Maladie de Biermer chez une adolescente de 15 ans révélée par une anémie hémolytique aiguë et massive et une ascite Pernicious anemia revealed by hemolytic anemia and acites in a young girl K. Serraj a, B. Housni b, H. Fothergill c, M. Mecili d, E. Andrès d,∗,e,f a Service de médecine interne-hématologie, centre hospitalier universitaire de Oujda, Oujda, Maroc b Service de réanimation, centre hospitalier universitaire de Oujda, Oujda, Maroc c Service pédiatrie, hôpital de Hautepierre, hôpitaux universitaires de Strasbourg, 67091 Strasbourg, France d Service de médecine interne, diabète et maladies métaboliques, clinique médicale B, hôpitaux universitaires de Strasbourg, 1, porte de l’Hôpital, 67091 Strasbourg cedex, France e Faculté de médecine de Strasbourg, université de Strasbourg, 67084 Strasbourg, France f Centre de compétence des cytopénies immunes de l’adulte, 67091 Strasbourg, France Reçu le 13 février 2012 ; reçu sous la forme révisée le 4 mai 2012; accepté le 30 mai 2012 Introduction La carence en vitamine B12 est un désordre fréquent et potentiellement grave du fait de ses complications possibles, notamment hématologiques et neurologiques [1]. Elle pose par ailleurs un certain nombre de difficultés diagnostiques liées aux atypies fréquentes de présentation cliniques, atypies qui sont parfois source de retard diagnostique souvent préjudiciable pour les patients [1,2]. Nous rapportons le cas d’une adolescente ayant présenté un tableau hématologique à la fois atypique et grave révélant une carence en vitamine B12 avec une anémie hémolytique aiguë et franche et une ascite. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (E. Andrès). 2212-0149 © 2013 Elsevier Masson SAS. Cet article est publié en Open Access sous licence CC BY-NC-ND http://dx.doi.org/10.1016/j.jcco.2012.05.002 2 Observation Il s’agit d’une jeune fille âgée de 15 ans, sans antécédent pathologique particulier, ayant été admise en décembre 2010 dans le service de réanimation pour un état de choc secondaire à une anémie profonde aiguë à 1 g/dL d’hémoglobine (Hb), ayant bien évolué après mesures de réanimation et transfusion globulaire massive. Cliniquement, il y avait un ictère franc, une fièvre à 38,5 ◦ C sans syndrome tumoral splénique ou ganglionnaire, ni syndrome hémorragique, ni point d’appel infectieux. Le bilan biologique révélait une anémie profonde, normochrome, normocytaire, régénérative avec un taux de réticulocytes à 250 000/mm3 , une thrombopénie modérée à 120 000/mm3 , un taux de leucocytes normal, une hyperbilirubinémie à prédominance libre, des LDH à cinq fois la normale et une haptoglobine effondrée permettant de retenir le diagnostic d’anémie hémolytique aiguë. Par ailleurs, la patiente présentait 48 heures après son admission une ascite de grande abondance avec une échographie abdomino-pelvienne normale et une ponction qui révélait la présence d’un liquide pauvre en protides. Au plan étiologique, il n’y avait pas de contexte infectieux, ni de prise toxique ou médicamenteuse. Le frottis sanguin ne montrait pas de schizocytose ni d’anomalie morphologique érythrocytaire, ni de cellule anormale notamment blastiques. Le test de coombs était négatif ; le complément hémolytique 50 était dans les limites de la normal. Le bilan complet d’anémie hémolytique fait à distance de la transfusion n’a pas montré de membranopathie, d’hémoglobinopathie ou d’enzymopathie et la cytometrie en flux n’a pas montré de signes orientant vers une hémoglobinurie paroxystique nocturne. L’activité ADAMTS 13 était normale. Le bilan étiologique de l’ascite transudative n’a pas montré de signes d’hépatopathie, de cardiopathie, de malabsorption ou de néphropathie hormis une insuffisance rénale aiguë initiale ayant bien évolué après la transfusion globulaire. L’échodoppler portal et sus hépatique ainsi que l’angioscanner thoraco-abdomino-pelvien étaient tout à fait normaux, éliminant une thrombose ou une compression vasculaire. L’évolution était marquée par l’amélioration spontanée de l’état clinique sans aucune intervention thérapeutique à part le traitement symptomatique, avec une normalisation complète du chiffre d’hémoglobine et du taux de plaquettes. Six mois plus tard, la patiente revenait en consultation dans un tableau d’anémie mal tolérée avec à l’hémogramme une Hb à 5,8 g/dL, normochrome, macrocytaire (VGM à 110 fl), une thrombopénie à 125 000/mm3 et une leuconeutropénie profonde sans syndrome infectieux ni hémorragique. Le taux de réticulocytes était cette fois à 15 000/mm3 signant le caractère très arégénératif de l’anémie. La TSH-us était normale. Il n’y avait pas de notion d’alcoolisme, d’hépatopathie ou de prise médicamenteuse ou toxique. Le dosage de la vitamine B12 révélait un taux sérique effondré à 32 pg/mL avec un taux d’acide folique érythrocytaire normal. Le myélogramme montrait une moelle mégaloblastique confortant le diagnostic de carence en vitamine B12 . L’étiologie retenue à cette carence était une anémie de Biermer devant l’absence de malabsorption, la présence d’anticorps antifacteur intrinsèque et anti-cellules pariétales à des taux élevés et la présence d’une gastrite fundique atrophique auto-immune sans signe K. Serraj et al. de dégénérescence maligne à la biopsie. Il est à noter que l’examen neurologique était constamment normal et qu’il n’y avait pas de manifestations cutanéo-muqueuses ou épithéliales. Au plan thérapeutique, la patiente bénéficiait d’une supplémentation par hydroxycobalamine à la dose de 1000 ␮g/jour pendant dix jours puis 1000 ␮g/semaine, puis 1000 ␮g/mois avec une normalisation spectaculaire de l’hémogramme et une normalisation de toutes les lignées en l’absence de tout support transfusionnel. Discussion Les anémies macrocytaires carentielles sont fréquentes, surtout en rapport avec une carence en folate plus rarement avec une carence en vitamine B12 [3]. De nature certes habituellement bénigne, la carence en vitamine B12 peut être grave par ses conséquences et surtout par ses atypies cliniques potentielles qui sont à l’origine, d’une part, d’une menace pour le pronostic vital et, d’autre part, d’un retard diagnostique considérable, source parfois de manifestations et/ou lésions neurologiques dramatiques et irréversibles [1]. Cette observation illustre bien ce constat et vient s’ajouter aux différents cas rapportés dans la littérature, notamment pédiatrique, de carence en cobalamine avec présentation atypique. Elle illustre par ailleurs le caractère potentiellement mortel de certaines présentations aiguës de la carence en vitamine B12 notamment celles simulant une pseudomicroangiopathie thrombotique (pseudo-MAT) ou une authentique anémie hémolytique comme ça a été le cas de notre jeune patiente. Dans la série de Federici et al., la carence en vitamine B12 a été révélée par une pseudo-MAT dans 2,5 % des cas et par une anémie hémolytique dans 1,5 % des cas [2]. C’est le cas de notre adolescente qui présentait un tel tableau avec une anémie hémolytique, une thrombopénie, de la fièvre et à un moment une insuffisance rénale donnant le change avec un MAT, même s’il est vrai qu’il n’y avait pas de trace de schizocyte initialement. La poussée d’ascite transudative avait fait évoquer, dans un premier temps, une thrombose portale ou sus-hépatique secondaire à une éventuelle hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) mais les bilans radiologique et hémolytique étaient catégoriquement à l’encontre de cette hypothèse, en particulier la recherche négative de déficits en CD55 et CD59 en cytométrie de flux. L’ascite demeure donc sans explication évidente chez cette patiente bien qu’elle puisse par élimination être mise sur le compte de l’insuffisance rénale aiguë passagère, voire de l’anémie aiguë et massive (hémoglobine < 1 g/dL) qui s’accompagne rarement de syndrome œdémateux (les œdèmes des membres inférieurs sont fréquents dans ce contexte). Dans la littérature, le rôle d’une insuffisance cardiaque aiguë est avancé par certains auteurs, sans argument d’ailleurs très convaincant en dehors de la présence concomitante fréquente d’œdèmes des membres inférieurs, pour expliquer l’ascite décrite exceptionnellement dans certain cas d’anémie très sévère (souvent Hb < 6 g/dL). Pour notre patiente, nous n’avons pu documenter un tel mécanisme, l’exploration cardiaque ayant été réalisée à distance et après correction du taux d’Hb. Classiquement, la carence en vitamine B12 est évoquée et recherchée devant une anémie macrocytaire arégénérative a fortiori quand elle est associée à un syndrome Maladie de Biermer chez une adolescente de 15 ans neurologique et/ou à un syndrome épithélial (glossite de Hunter). Cependant, cette présentation bien qu’elle soit la plus classique et la plus fréquente, peut manquer en faveur de certains tableaux fort atypiques et souvent aigus. Dans notre expérience, les principales présentations atypiques de la carence en vitamine B12 sont la pseudo-MAT, l’anémie hémolytique, le syndrome cérébelleux, l’atteinte des paires crâniennes et les troubles sphinctériens [4,5]. Ces derniers doivent être parfaitement connus par le clinicien et faire rechercher une carence en vitamine B12 dont le diagnostic et le traitement précoce permettent alors de sauver le pronostic vital et fonctionnel des patients. En ce qui concerne la physiopathologie de ces atteintes hématologiques, le rôle d’un « avortement intramédullaire » massif, lié à une asynchronisme de maturation nucléo-cytoplasmique, est évoqué par certains auteurs [2]. Dans les formes les plus sévères d’anémie, avec une Hb inférieure à 6 g/dL, on observe des hématies fragmentées ressemblant à des schizocytes, expliquant les tableaux de pseudo-MAT. Enfin, sur le plan étiologique, il est à noter que cette observation est originale par l’âge de révélation de la maladie de Biermer (jeune fille de 15 ans) qui est ici auto-immune, documentée par la présence d’anticorps antifacteur intrinsèque et l’aspect auto-immun de la gastrite atrophique, et non liée à un défaut de synthèse quantitatif ou fonctionnel du facteur intrinsèque comme habituellement rapporté en pédiatrie dans le cadre des maladies de Biermer génétiques. Déclaration d’intérêts Le Pr E. Andrès est membre de la Commission nationale de pharmacovigilance. Les données développées ici n’engagent 3 que son avis personnel. Il est responsable du Centre de compétences des cytopénies auto-immunes de l’adulte au CHRU de Strasbourg. Il anime un groupe de travail sur les carences en vitamine B12 au CHRU de Strasbourg (CARE B12) et est membre du Grami : Groupe de recherche sur les anémies en médecine interne. Il est expert consultant auprès de plusieurs laboratoires impliqués en hématologie (Amgen, Roche, Chugai, GSK, Vifor, Ferring, Sherring, Genzyme, Actelion) et a participé à de nombreuses études internationales ou nationales sponsorisées par ces laboratoires ou travaux académiques. Références [1] Serraj K, Mecili M, Andrès E. Signes et symptômes de la carence en vitamine B12 : revue critique de la littérature. Med Ther 2010;16:13—20. [2] Federici L, Henoun Loukili N, Zimmer J, Affenberger S, Maloisel F, Andrès E. Manifestations hématologiques de la carence en vitamine B12 : données personnelles et revue de la littérature. Rev Med Interne 2007;28:225—31. [3] Andrès E, Vidal-Alaball J, Federici L, Loukili NH, Zimmer J, Kaltenbach G. Clinical aspects of cobalamin deficiency in elderly patients. Epidemiology, causes, clinical manifestations, and treatment with special focus on oral cobalamin therapy. Eur J Intern Med 2007;18:456—62. [4] Andrès E, Affenberger S, Vinzio S, Noel E, Kaltenbach G, Schlienger JL. Carences en vitamine B12 chez l’adulte : étiologies, manifestations cliniques et traitement. Rev Med Interne 2005;26:938—46. [5] Dali-Youcef N, Andrès E. An update on cobalamin deficiency in adults. QJM 2009;102:17—28.