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Le licenciement des seniors : dans quels cas est-ce possible et comment procéder ?

Josée Pluchet

Les licenciements sont très encadrés par la loi, ceci afin d’éviter les abus et protéger les salariés. Il peut être parfois tentant pour un employeur de se séparer d’un salarié ancien dont le salaire est élevé, ou qui peut avoir du mal à s’adapter aux évolutions de l’entreprise, au profit d’un salarié plus jeune. Peut-on licencier un senior ? Sur quels motifs ?
Le licenciement des seniors : dans quels cas est-ce possible et comment procéder ?

Le licenciement des seniors en raison de l’âge est illégal

Le licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse. Sur le fondement de l’article L. 1132-1 du Code du travail, l’âge ne constitue pas un motif réel et sérieux de licenciement : « aucun salarié ne peut être (... ) licencié (...) en raison (...) de son âge (...) ». L’âge est donc un motif de discrimination interdit au même titre que le sexe, l’origine, les mœurs, la grossesse...

Le licenciement d’un « profil senior » fondé sur l’âge est considéré comme nul d’un point de vue juridique (article L. 1132-4 du Code du travail). Les conséquences peuvent être lourdes pour l’employeur :

Bon à savoir : devant le conseil de prud'hommes, il reviendra à l’employeur de prouver le bien-fondé du licenciement et donc l’absence de discrimination due à l’âge.

Comment licencier un salarié de plus de 50 ans ?

Un licenciement économique aménagé

La loi prévoit quelques particularités lorsqu’un licenciement économique concerne des salariés âgés. En effet, ceux-ci sont jugés plus fragiles en raison de leur plus grande difficulté à retrouver un emploi (n’hésitez pas à consulter notre article qui vous donnera tous les conseils nécessaires pour décrocher un CDI quand on est senior).

La procédure légale du licenciement économique prévoit que l’employeur commence par établir un ordre des licenciements, selon différents critères qui rendent la réinsertion professionnelle particulièrement difficile. Le Code du travail n’établit pas une liste exhaustive de ces caractéristiques mais en cite deux à titre d’exemple : le handicap et l’âge article L. 1233-5 du Code du travail). Cependant, il n’indique pas à partir de quel âge précis cela peut constituer un frein à la réinsertion professionnelle, et donc à partir duquel les salariés doivent être préservés dans la mesure du possible.

Par ailleurs, un licenciement économique d’au moins dix salariés en un mois dans une entreprise d’au moins 50 salariés implique l’obligation, pour l’employeur, de mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Ce plan vise à limiter les licenciements et à proposer des actions de reclassement aux salariés dont le licenciement ne peut être évité. La législation précise que les actions de reclassement doivent s’adresser notamment aux salariés âgés, mais elle ne précise pas l’âge à partir duquel les salariés seraient prioritaires (article L. 1233-61 du Code du travail).

Peut-on imposer une démission aux seniors ?

Une clause dans le contrat de travail, une convention collective ou un accord collectif qui imposerait une démission à un âge précis serait nulle. L’article L 1237-4 du Code du travail dispose en effet que « Sont nulles toutes stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail et d'un contrat de travail prévoyant une rupture de plein droit du contrat de travail d'un salarié en raison de son âge (...) ».

Comment avoir une rupture conventionnelle après 60 ans ?

La rupture conventionnelle est un mode de rupture du contrat de travail sur laquelle se sont mis d’accord l’employeur et le salarié. Une rupture conventionnelle peut être collective . C’est-à-dire qu’elle est mise en place par un accord collectif entre l’employeur et les syndicats majoritaires, qui en fixe les conditions. Elle peut aussi être individuelle : dans ce cas, la négociation et l’accord s’effectuent directement entre l’employeur et le salarié concerné.

Qu’elle soit collective ou individuelle, une rupture conventionnelle garantit une indemnité de rupture conventionnelle au moins égale à l’indemnité légale de licenciement. Elle est ouverte à tous les salariés en CDI, quel que soit leur âge. Les plus de 60 ans y ont donc droit de la même façon que les autres. Cette rupture à l’amiable peut tenter les salariés âgés, notamment en cas de rupture collective car souvent, l’accord prévoit des indemnités plus élevées en fonction de l’ancienneté, ce qui avantage les seniors s’ils sont présents depuis de nombreuses années.

De plus, ces indemnités obéissent à un traitement fiscal et social avantageux. Pour la rupture collective, elles sont exonérées de cotisations et contributions sociales dans la limite de 2 fois le plafond annuel de la Sécurité sociale (soit 92 736 euros) et entièrement exonérées d’impôt. Pour les ruptures individuelles, l’indemnité doit, en plus, respecter un seuil (le plus élevé parmi le montant légal ou conventionnel de l’indemnité de licenciement, la moitié du montant total de l’indemnité versée et le double du montant de rémunération brute perçue l'année précédant la rupture du contrat de travail) pour bénéficier d’une exonération de cotisations. Elle est exonérée de CSG-CRDS sur le même montant ou sur le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement s’il est plus faible. Depuis septembre 2023, l’employeur est tenu de verser une contribution patronale spécifique de 30% sur la part exonérée de cotisations sociales. C’est le même taux que celui versé lors d’une mise à la retraite d’un salarié. La rupture conventionnelle n’est donc désormais pas plus intéressante qu’un placement à la retraite pour un employeur.

Dans tous les cas, les salariés seniors doivent garder à l’esprit qu’après une rupture conventionnelle collective, leur réinsertion professionnelle risque d’être difficile. De plus, une indemnité de départ « supra légale » entraînera un différé d’indemnisation, qui peut retarder le versement de l’allocation chômage (allocation de retour à l’emploi, ARE) jusqu’à 150 jours. Un calcul est indispensable !

La préretraite : un licenciement des seniors déguisé

Le mécanisme de la préretraite permet à un salarié de partir en retraite avant l’âge légal. Le législateur veut aujourd’hui en limiter l’application, afin de favoriser le maintien dans l’emploi des seniors. Ce type de licenciement « déguisé » tend donc à disparaître. La préretraite concerne trois situations principales.

La préretraite amiante

Elle concerne les salariés du privé qui ont été exposés à l'amiante au cours de leur vie professionnelle. Ce dispositif ouvre droit, jusqu'à l’âge de la retraite, au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata). Il est ouvert aux salariés qui atteignent un âge compris entre 50 et 60 ans selon leur situation : 50 ans pour les personnes atteintes de maladie professionnelle. Pour les autres, le calcul de l’âge seuil est le suivant : 60 ans - 1/3 de la durée de travail effectuée dans l'établissement, avec, comme âge minimum, 50 ans.

La préretraite CATS

Elle permet aux salariés âgés de 55 ans ou plus ayant du mal à s’adapter aux technologies nouvelles ou qui ont mené des travaux pénibles durant leur carrière, de cesser leur activité avant 60 ans. Ces salariés ont alors droit à une allocation de Cessation d’Activité des Travailleurs Salariés (CATS) et à une protection sociale jusqu’à la retraite. Cette préretraite est financée par l’employeur, l’Etat peut participer au financement à partir de 57 ans.

La préretraite d’entreprise

Cette préretraite « maison » est proposée notamment dans le cadre d’un licenciement économique, en cas de réduction d’effectifs ou de restructuration. Les entreprises ont à leur disposition un certain nombre de mécanismes permettant de proposer des préretraites, de façon unilatérale ou après discussion avec les partenaires sociaux. Ce dispositif est alors intégralement financé par l'employeur, qui est libre d'établir les conditions d'accès et les prestations proposées aux bénéficiaires.

À noter : : Quel droit au chômage à partir de 57 ans ? Et à partir de 63 ans ? découvrez les règles particulières et le régime de chômage applicable aux seniors.

Est-ce que mon employeur peut m’obliger à prendre ma retraite ?

Un employeur ne peut obliger un salarié à prendre sa retraite avant l’âge de 70 ans. Quelques cas de figure listées par la législation permettent une mise en retraite d’un salarié avant 67 ans à condition qu’il ait atteint l’âge légal de départ à la retraite et bénéficie d’une retraite à taux plein.

Pour le cas général, un employeur peut mettre un salarié à la retraite à partir de 67 ans à condition de recueillir son accord. Il doit interroger le salarié par écrit trois mois avant ses 67 ans sur sa volonté de partir à la retraite, puis tous les ans si le salarié refuse la mise à la retraite souhaitée par l’employeur.

A partir de 70 ans, l’employeur peut prendre la décision unilatérale de mettre son salarié à la retraite, sans que celui-ci puisse s’y opposer. Il est conseillé de le notifier par recommandé avec avis de réception mais il n’y a pas de procédure particulière à respecter.

Josée Pluchet
Josée Pluchet

Diplômée notaire, Josée Pluchet est passionnée de droit privé, du droit civil au droit du travail en passant par le droit de la construction ! Chargée de veille juridique pour plusieurs sociétés, elle suit avec intérêt et attention les évolutions législatives et jurisprudentielles. Rédactrice juridique, elle a à cœur de rendre le droit accessible aux non-juristes. Elle rédige pour Cadremploi des articles relatifs au droit du travail.

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