“Les Israéliens, qui entrent dans le neuvième mois d’une guerre semblant s’être transformée en bourbier militaire, en impasse diplomatique et en objet de condamnation mondiale, ont finalement eu des raisons de se réjouir samedi. Et ils n’ont pas manqué de le faire”, constate le Washington Post.
“Des milliers de personnes se sont rassemblées en début d’après-midi sur la place de Tel-Aviv rebaptisée Place des Otages et des Disparus”, raconte El País. “Le sauvetage [des quatre otages] a transformé la manifestation hebdomadaire du principal forum réclamant la libération des prisonniers en un mélange de célébration et d’appel à Nétanyahou pour qu’il n’oublie pas les autres otages et ne mise pas tout sur l’armée” pour obtenir leur libération.
Tandis que les Israéliens célébraient le retour des otages, “les Palestiniens de Gaza pleuraient des dizaines de morts ou veillaient sur leurs proches dans l’hôpital surpeuplé d’Al-Aqsa, le seul de la région encore en partie opérationnel”, relève pour sa part The Guardian. Selon Le service de presse du gouvernement du Hamas, l’opération de l’armée israélienne aurait fait au moins 210 morts et plus de 400 blessés côté palestinien.
Samedi midi, Tsahal a annoncé le sauvetage, lors d’une opération militaire “complexe” à Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, de Noa Argamani (26 ans), Almog Meir Jan (22 ans), Andrey Kozlov (27 ans), et Shlomi Ziv (41 ans). Ils avaient été enlevés par le Hamas le 7 octobre dernier, sur le site du festival de musique electro Nova.
“La politique prime”
“L’opération est une bouffée d’oxygène pour Nétanyahou”, qui négocie indirectement “un nouvel échange” d’otages et de prisonniers avec le Hamas, poursuit El País. Le Premier ministre israélien a toujours affirmé “qu’exercer une ‘pression militaire’ [sur le Hamas] favoriserait le retour des otages, en fragilisant les capacités de négociation des islamistes. Il est contredit par les faits, mais le sauvetage lui fait gagner des points”.
“Cette opération héroïque fait souffler un vent d’air frais sur Tsahal et la population israélienne”, renchérit le Jerusalem Post, “mais elle conduira probablement le Hamas à améliorer sa surveillance des autres otages”, nuance-t-il, alors que près de 120 personnes sont toujours retenues prisonnières par le groupe armé – un “énorme moyen de pression”.
De fait, si Ha’Aretz se réjouit de la libération des quatre Israéliens, il souligne que “le nombre d’otages libérés jusqu’à présent, sept dans le cadre d’opérations spéciales et 109 dans le cadre d’accords avec le Hamas”, prouve que “si certains otages peuvent être sauvés lors d’opérations spéciales, ils ne peuvent être libérés dans leur intégralité que dans le cadre d’un accord avec le Hamas”.
Mais le quotidien ne se fait guère d’illusions car “les faits n’ont pas d’importance lorsque la politique prime”. Et de noter que “la rapidité avec laquelle les porte-parole de Nétanyahou ont tenté d’utiliser le sauvetage des otages pour affaiblir les rivaux de leur leader ne peut être comparée qu’à la rapidité avec laquelle Nétanyahou – qui en tant que Premier ministre n’est pas censé, par convention, s’engager dans une activité publique le jour du Shabbat – s’est précipité à l’hôpital pour se faire prendre en photo avec les otages libérés”.
“Guerre interminable”
Un avis partagé par Kenneth Roth, ancien directeur exécutif de l’organisation américaine Human Rights Watch et professeur invité à l’Université de Princeton. Dans un entretien à Al-Jazeera, il estime que “Nétanyahou constitue un obstacle majeur à la conclusion des négociations avec le Hamas car il ne veut pas accepter un cessez-le-feu permanent à long terme comme le réclame le Hamas”.
Pour M. Roth, “Netanyahu a besoin d’une guerre interminable” car quand le conflit s’arrêtera, il devra “rendre des comptes politiques sur l’échec des services de renseignement le 7 octobre”, jour de l’attaque du Hamas qui a déclenché la guerre.
Seul bénéfice immédiat pour le Premier ministre israélien, selon le New York Times : Benny Gantz, membre du cabinet de guerre et grand adversaire de M. Nétanyahou, “qui avait menacé de quitter le gouvernement en raison du refus du Premier ministre de parler d’un plan d’après-guerre pour Gaza, a reporté sine die une conférence de presse prévue samedi soir, citant ‘les événements récents’”.