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enjeu électoral

En Iran, l'économie et les sanctions internationales au cœur de la présidentielle

À neuf jours de la présidentielle en Iran, prévue le 28 juin, la campagne s'accélère entre les six candidats en lice. Et alors qu'un premier débat, sur cinq prévus, était organisé lundi, un thème majeur s'est imposé : la crise économique que subit le pays.

Le premier débat télévisé entre les six candidats en lice pour la présidentielle iranienne s'est déroulé lundi 17 juin.
Le premier débat télévisé entre les six candidats en lice pour la présidentielle iranienne s'est déroulé lundi 17 juin. © Mortez Fakhrinejad, AFP
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Les six candidats sont apparus sur le plateau, sous un grand lustre affichant le drapeau iranien, et ont échangé pendant quatre heures. Le premier débat télévisé organisé dans le cadre de l'élection présidentielle iranienne a eu lieu lundi 17 juin. Un coup d'accélérateur à la campagne démarrée à la hâte il y a quelques jours après la mort, le 20 mai dernier, du président Ebrahim Raïssi dans un accident d'hélicoptère.

Rapidement, un sujet s'est imposé comme thème central du débat : l'économie iranienne et ses difficultés. Alors que les quelque 85 millions d'Iraniens sont confrontés à une très forte inflation atteignant les 40 %, à un chômage élevé et à la dépréciation record du rial, la monnaie nationale, par rapport au dollar, les six candidats en lice ont voulu détailler leurs solutions pour sortir de la crise.

"Si ce premier débat s'est concentré sur la question économique, ce n'est pas un hasard. C'est parce qu'il s'agit aujourd'hui de la principale préoccupation des Iraniens", explique Thierry Coville, spécialiste de l'Iran à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). "De nombreux Iraniens vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté. Beaucoup témoignent avoir changé leur alimentation car ils ne peuvent plus acheter certains produits, ou disent vivre dans des logements délabrés à cause de loyers trop chers."

Symptôme de ce chômage galopant et de cette économie en berne, "de nombreux jeunes diplômés décident de quitter le pays", poursuit le spécialiste. "Alors que l'augmentation du niveau d'éducation dans le pays était justement l'une des victoires de la République islamique. Mais aujourd'hui, ces jeunes ne trouvent plus d'emploi."

Une "génération sacrifiée"

"Notre jeune génération est une génération sacrifiée : tous ceux qui sont instruits quittent l'Iran et nous, qui ne pouvons pas partir, nous devons subir la situation", témoignait ainsi un passant fin mai auprès de France 24. "C'est dur. L'un des problèmes, c'est la vie chère. J'espère que les choses vont s'améliorer", abondait une autre.

"Je promets aux travailleurs et aux retraités que nous renforcerons l'économie" afin de lutter "contre l'inflation" et de "préserver leur pouvoir d'achat", a ainsi déclaré lors du débat Mohammad Bagher Ghalibaf, le président du Parlement.

En l'absence de sondages, ce candidat conservateur est considéré par les experts comme l'un des trois favoris de l'élection, avec Saïd Jalili, l'ancien négociateur ultraconservateur du dossier nucléaire, et Massoud Pezeshkian, député de Tabriz (nord-ouest du pays) et ancien ministre de la Santé.

Parmi les six candidats – tous validés par le Conseil des gardiens de la Constitution, un organe constitutionnel non élu –, ce dernier est le seul à représenter le camp réformateur, largement marginalisé par le régime ces dernières années mais qui avait une grande influence politique après la révolution islamique de 1979.

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Divisions autour des sanctions internationales

"Mais, au-delà de la situation économique interne du pays, le débat a surtout tourné autour de la diplomatie et notamment des sanctions internationales [réimposées après la sortie unilatérale des États-Unis de l’accord sur le dossier nucléaire de Téhéran en 2018, NDLR]", note Thierry Coville. "Avec – et c'est un fait notable – certains candidats s'éloignant de la doctrine du guide suprême, l'ayatollah Khamenei, en critiquant les effets néfastes de ces sanctions sur l'économie."

Washington impose notamment un embargo sur les produits pétroliers, l'aéronautique et le secteur minier. Il interdit l'utilisation du dollar dans les transactions commerciales avec l'Iran.

Au cours du débat télévisé, trois des six candidats ont en effet ouvertement estimé que la priorité devait être donnée à la levée de ces sanctions. "Si nous pouvions lever les sanctions, les Iraniens pourraient vivre confortablement", a insisté Massoud Pezeshkian, les qualifiant de "catastrophes" et laissant entendre que s'il était élu, il tenterait de parvenir à un compromis avec les États-Unis.

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"Il est impossible d'atteindre l'objectif d'une croissance de 8 %" sans rétablir des relations économiques normales "avec les autres pays", dont les Occidentaux, a-t-il insisté. "Contourner les sanctions est possible, mais certains s’enrichissent en faisant cela", a par ailleurs dénoncé cet ancien ministre de la Santé, dans une allusion à certains proches du régime, accusés de s'enrichir en continuant de commercer avec l’étranger.

L'un de ses soutiens, l'ex-ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a de son côté rappelé que l'Iran avait bénéficié "d'une inflation à un chiffre et d'une croissance économique à deux chiffres" à la suite de l'accord sur le nucléaire conclu en 2015 avec les grandes puissances.

Le seul membre du clergé en lice, le conservateur Mostafa Pourmohammadi, a créé la surprise en affichant la même position. À cause des sanctions, "les transferts financiers sont devenus impossibles et notre économie est bloquée", a-t-il ainsi regretté.

Des déclarations très parlantes, selon Thierry Coville. "Ces candidats sont tout à fait conscients qu'à la fin, c'est l'ayatollah Khamenei qui dictera la position du pays sur la question. Or, ce dernier ne cesse de rappeler sa volonté de s'affranchir des États-Unis", rappelle-t-il. "En critiquant les sanctions publiquement, même de façon très prudente, c'est comme s'ils voulaient faire le constat d'une réalité."

Ouverture "à l'est"

Durant les trois ans de sa présidence, Ebrahim Raïssi a mené une politique d'ouverture "à l'est", notamment en renforçant les liens économiques avec la Chine et la Russie, tout en se rabibochant avec les pays arabes, son rival saoudien en tête.

Dans le même temps, les relations ont continué à se détériorer avec les pays occidentaux, en particulier depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza en octobre, Téhéran se présentant comme le premier soutien du mouvement palestinien Hamas contre Israël.

L'actuel maire de Téhéran, l'ultraconservateur Alireza Zakani, est ainsi resté fidèle à la ligne du guide suprême, en minimisant les effets des sanctions. "Les problèmes de l'économie iranienne ne sont pas liés aux cruelles sanctions américaines", a-t-il assuré. "Nous devons promouvoir l'indépendance du pays", notamment en "dédollarisant l'économie", a-t-il proposé.

Entre les deux tendances, l'ancien maire de Téhéran Mohammad Bagher Ghalibaf a de son côté adopté une approche plus nuancée. S'il a reconnu l'impact néfaste des sanctions sur l'économie iranienne, il a salué la naissance de nouvelles alliances. "Pour attirer les investissements étrangers, il faudrait garder un œil sur les potentiels que nous offrent le groupe des Brics et l’Organisation de coopération de Shanghai [qui réunit les principales puissances asiatiques, NDLR], a-t-il noté.

La participation en ligne de mire

Alors que ce scrutin intervient dans un contexte régional et international très tendu en raison de la guerre entre Israël et le Hamas, "le climat ne semble cependant pas être à un changement de doctrine", note Thierry Coville.

"Dans la tête des candidats, il s'agit certainement avant tout de tenter d'intéresser les électeurs à ce scrutin pour les inciter à voter le 28 juin", poursuit-il. Depuis la répression sanglante de la vague de contestation liée à la mort de Mahsa Amini en 2022, les Iraniens sont nombreux à bouder les urnes. Aux élections législatives de mars dernier, le pays a ainsi battu son record de la plus faible participation à une élection avec 41 % de votants. "Mais derrière la légitimité du scrutin, il y a le taux de participation", termine le spécialiste.

Avec AFP

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