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MAÎTRE DES AIRS ?

Vadym Sukharevsky, le "héros de l'Ukraine" devenu "monsieur drone" de l'armée

Vadym Sukharevskyi a pris la tête mardi de la toute nouvelle branche de l’armée ukrainienne spécifiquement consacrée aux drones. Ce colonel est considéré comme l’un des militaires les plus respectés en Ukraine. Mais le défi qui l’attend est de taille, car la Russie a pris l’initiative dans la guerre des drones en Ukraine.

Vadym Sukharevsky, le commandant de la nouvelle branche de l'armée dédiée aux drones, qui est symbolisée par un passereau mécanique.
Vadym Sukharevsky, le commandant de la nouvelle branche de l'armée dédiée aux drones, qui est symbolisée par un passereau mécanique. © Efrem Lukatsky, AP
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Le conflit en Ukraine devient de plus en plus une drone de guerre. Kiev a enfoncé le clou, mardi 11 juin, en dotant son armée d'une branche distincte - aux côtés, par exemple, de l'armée de l'air et de l'armée de terre - dédiée aux drones.

"L'Ukraine devient ainsi le premier et seul pays au monde à disposer d'une force militaire distincte pour les 'véhicules aériens sans pilote'", s'est vanté Ivan Havryliuk, vice-ministre ukrainien de la Défense, lors de la présentation de cette initiative devant la presse.

Un spécialiste des drones

Cette nouvelle force armée n'a, en outre, pas été mise entre les mains de n'importe qui. Les autorités ont opté pour un militaire de renom, le colonel Vadym Sukharevsky, qui est régulièrement présenté par les médias ukrainiens comme une "légende vivante".

Vadym Sukharevsky est arrivé dans les valises d'Oleksandr Syrsky en février, lorsque ce commandant expérimenté a été nommé par le président ukrainien Volodymyr Zelensky au poste de commandant en chef des armées. Oleksandr Syrsky avait alors remplacé Valery Zaloujny, le très populaire militaire qui était en froid avec Volodymyr Zelensky.

Le nouveau patron des forces armées ukrainiennes avait fait de Vadym Sukharevsky son vice-commandant en chef. Dès son arrivée, Oleksandr Syrsky avait placé la question des drones tout en haut de son agenda pour améliorer les capacités de l'armée à faire face aux forces russes. "Le principe d'une force spécifique aux drones au sein de l'armée avait, en fait, été accepté par le président ukrainien dès février", souligne Gustav Gressel, spécialiste des questions militaires russes et de la guerre en Ukraine au Conseil européen pour les relations internationales, basé à Berlin.

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Faire de Vadymr Sukharevsky le premier "monsieur drone" de l'armée ukrainienne, semblait ensuite couler de source. En effet, la feuille de route qui lui avait été confiée en arrivant au ministère de la Défense le chargeait déjà "de tout ce qui avait trait aux drones de combat", souligne Huseyn Aliyev, spécialiste de la guerre en Ukraine à l'université de Glasgow.

Ce militaire dispose aussi d'une bonne connaissance pratique de l'utilisation de ces "véhicules aériens autonomes". "L'unité qu'il commandait – la 59e brigade motorisée – a été l'une des premières et des plus efficaces à utiliser les drones aussi bien pour des missions de reconnaissances que de bombardement", précise Huseyn Aliyev. C'est au sein de cette brigade qu'a été fondée l'unité des "Magyar Birds" ("Oiseaux Magyars"), souvent présentée comme le modèle à suivre en matière de recours aux drones pour détruire des cibles russes.

"D'un point de vue de l'expérience, Vadymr Sukharevsky apparaît comme le meilleur choix pour diriger une branche spécifique de l'armée pour les drones", ajoute l'expert de l'université de Glasgow.

Le premier à ouvrir le feu contre des forces prorusses

Mais, il doit aussi son poste à sa réputation. Ce commandant de 40 ans bénéficie d'une aura particulière au sein de l'armée depuis le 13 avril 2014. Ce jour-là, à la tête d'une unité de parachutistes à Sloviansk (région de Donetsk, dans le Donbass), il défie les ordres de sa hiérarchie et ordonne d'ouvrir le feu sur des troupes prorusses qui avancent vers ses positions. La bataille ainsi déclenchée devient la première de la guerre qui oppose depuis 2014 l'Ukraine à la Russie, note le ministère ukrainien des Vétérans dans le très élogieux portrait dressé de Vadymr Sukharevsky.

La légende qui s'est peu à peu construite autour de ce militaire – jusqu'à en faire l'incarnation de l'esprit d'initiative des officiers ukrainiens face à la menace russe – a été renforcée par Volodymyr Zelensky. En 2022, le président ukrainien l'a élevé au rang de "Héros de l'Ukraine".

Le président ukrainien pouvait ainsi difficilement faire mieux en termes "d'opération de com'" que de nommer Vadymr Sukharevsky à la tête de la toute nouvelle armée de drones, affirme Ryhor Nizhnikau, spécialiste de la politique ukrainienne à l'Institut finlandais des affaires internationales.

Reste à savoir s'il pourra faire une différence. "La création d'une branche distincte pour les drones était nécessaire mais elle intervient un peu tardivement", résume Huseyn Aliyev.

Nécessaire parce que ces engins volants sans pilote sont devenus de plus en plus indispensables dans la guerre en Ukraine. "On estime qu'une brigade de l'armée ukrainienne utilise actuellement au moins 1 000 drones par mois, c'est beaucoup plus qu'il y a un an", souligne Huseyn Aliyev.

Mais en même temps, c'est beaucoup moins que les Russes, qui en "utilisent environ deux fois plus". Il y a eu un renversement majeur dans le rapport de force en matière de drones. "Au début de la guerre, les Ukrainiens y faisaient davantage recours que les Russes. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, et l'armée ukrainienne n'a pas de bonne solution pour faire face au déluge de drones russes", analyse Ryhor Nizhnikau.

Une pluie de drones russes

Le problème est donc avant tout quantitatif, reconnaissent les experts interrogés par France 24. La Russie "a mis son industrie en ordre de marche pour fabriquer des drones à la chaîne et n'hésite pas à acheter tout ce qu'elle peut à la Chine et d'autres fournisseurs de drones, notamment au Moyen-Orient", détaille Ryhor Nizhnikau.

L'appétit d'ogre des Russes pour les drones de tous horizons, notamment chinois, est d'ailleurs un problème pour les Ukrainiens. "Ils sont en compétition pour les mêmes sources d'approvisionnement, mais la Russie a plus de moyens", note Ryhor Nizhnikau.

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Que peut faire un homme, aussi légendaire soit-il, face à cette situation ? Son grand défi va être de "rendre la livraison de drones aux troupes plus efficaces", estime Ryhor Nizhnikau. Pour l'instant, "chaque brigade gère indépendamment son approvisionnement en drones et ces unités dépendant largement des donations privées pour pouvoir payer les constructeurs de drones", explique Gustav Gressel.

Résultat : "il y a une répartition très inégale des drones entre les différentes unités", note ce spécialiste. Kiev ne peut ainsi jamais être sûr que ce sont les troupes les plus exposées au feu ennemi qui sont les mieux équipées en drones pour se défendre.

Cette situation doit beaucoup aux "lenteurs et lourdeurs bureaucratiques", affirme Ryhor Nizhnikau. Pour lui, les procédures de validation, très complexes, pour acheter et livrer des armes et la corruption ont poussé l'armée à contourner l'État pour mettre les drones entre les mains des soldats. "L'une des grandes questions est de savoir si les politiques – qui ont souvent des intérêts privés dans le système en place – vont laisser Vadymr Sukharevsky réorganiser le système", ajoute Ryhor Nizhnikau.

Si le nouveau "monsieur drone" ukrainien s'impose, il pourra centraliser la commande et "mieux répartir les livraisons", estime Gustav Gressel. En attendant le résultat de cette bataille en coulisse, la création d'une force armée spécifique aux drones va aussi aider les pilotes de drones. Pour l'instant, ils n'ont pas de statut particulier "ce qui veut dire que les brigades qu'ils rejoignent peuvent très bien les utiliser comme des simples fantassins", explique Huseyn Aliyev. Pour cet expert, c'est du gâchis car la formation de pilote de drones est longue et difficile. Avec un statut officiel, assure-t-il, ces spécialistes ne risqueraient plus d'être envoyés au combat comme simples soldats.

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