Malades psychiatriques : maltraitance aux urgences

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Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
France Télévisions
Des patients attachés plusieurs jours sur leurs lits, quand d'autres dorment sur de simples brancards : des scènes devenues quotidiennes aux urgences, où des malades psychiatriques attendent parfois plusieurs semaines qu’une place se libère dans un établissement adapté. De plus en plus de soignants dénoncent eux-mêmes des situations de maltraitance.

L’enquête commence au centre hospitalier du Mans. Nous entrons dans un secteur où vivent de jour comme de nuit plusieurs dizaines de malades souffrant de troubles mentaux sévères. Certains sont là depuis neuf jours, faute de place en hôpital psychiatrique, d’autres ont passé jusqu'à trois semaines au sein des urgences, mélangés aux autres patients dans la plus grande promiscuité. Des malades souvent agités, parfois dangereux pour eux-mêmes ou pour les soignants et qui doivent être attachés. Dans une des chambres, une patiente que nous rencontrons vient tout juste d'être libérée de sa contention.

"J'avais les jambes attachées et j'ai attrapé une escarre cette nuit."

une patiente anonyme

A "L'Œil du 20 heures"

 

Toujours aux urgences, plusieurs soignants attachent un homme en proie à des crises délirantes et violentes. Au moins cinq infirmiers et aides-soignantes sont autour de lui pour lui fixer les bras, les jambes et le bassin, à l’aide de contentions attachées au lit. Dans cet hôpital, il y a jusqu’à cinq mises en contention par jour. Parfois, certains patients restent attachés plusieurs jours.  

"Une maltraitance institutionnelle"

Les soignants que nous avons rencontrés reconnaissent que la contention est parfois maintenue de façon injustifiée. Ils y ont recours, disent-ils, faute de locaux adaptés et de personnel formé.

“Parfois, les malades font leurs besoins sur eux, c'est indigne, alors que s'ils étaient en psychiatrie, ils ne seraient pas attachés. C'est ça qui est difficile et ce n’est plus exceptionnel, ça devient notre quotidien."

Un soignant anonyme

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En 2022, en France, parmi les 76 000 personnes hospitalisées sans consentement, 37% ont été placées à l'isolement et plus de 11% ont été contentionnées. Le pays se situe dans la fourchette haute des pays qui utilisent le plus ces méthodes coercitives.

Des risques pour les patients

Depuis plus d’un mois, le personnel de l'hôpital du Mans, en grève, manifeste chaque semaine pour dénoncer cette situation. De l’aveu même du chef des urgences, attacher un patient n'est pas sans conséquences.

 

"Il y a des risques d'escarres, d'embolie pulmonaire, de phlébite et on se retrouve à leur donner des médicaments pour prévenir des complications liées à ces traitements qu'on ne devrait pas maintenir aussi longtemps. C‘est là où ça devient délirant."

Dr Lionel Imsaad, chef de service des urgences du Centre hospitalier du Mans (Sarthe)

A "L'Œil du 20 heures"

La direction de l'hôpital du Mans promet des dispositifs d’alerte pour la sécurité des soignants, des formations sur la prise en charge de la maladie mentale ainsi qu'une sécurisation des locaux. Des mesures pour faire face à la crise, en attendant l’ouverture de places dans le seul hôpital psychiatrique de la Sarthe. L'Etablissement public de santé mentale d'Allonnes a perdu 180 lits en huit ans et peine à recruter. Vingt-neuf postes de psychiatres sont toujours vacants.

Résultat, faute de place, des malades dangereux pour eux-mêmes ou pour autrui sont sans solution. Une mère que nous avons rencontrée affirme vivre dans la peur. Son fils violent n'a aucun suivi psychiatrique.

"A chaque fois, l'hôpital le laisse sortir. Pourtant, quand il est en crise, il s'en prend à nous. Coups de poing, menaces avec un couteau, tentative de strangulation... Qui dit qu’un jour il n’y arrivera pas, à ce geste ?"

Une mère anonyme

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A Toulouse, faute de soins adaptés, l'hôpital Purpan n’a pu éviter, il y a quelques semaines, le suicide d’un patient de 48 ans. Admis aux urgences pour des troubles mentaux, l'homme avait passé dix jours dans un bureau de consultation qui n'est pas censé accueillir un malade.

“Pendant dix jours, il était dans un box de consultation sur un brancard, sans sanitaires. Il n'a pas supporté. C'est quelqu’un qui aurait pu être aidé. Ce suicide était évitable."

Julien Terrié, secrétaire CGT du CHU de Toulouse

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La direction de l'hôpital assure aujourd'hui que ces box n'accueilleront plus de malades psychiatriques. Lors de sa venue à Toulouse, le ministre de la Santé, Frédéric Valletoux, a annoncé 15 lits supplémentaires en psychiatrie et le recours au privé pour désengorger les urgences.

Au niveau national, plus de 3 milliards d’euros pour la santé mentale ont été débloqués pour répondre aux besoins croissant des malades.


PARMI NOS SOURCES

https://www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2016/05/Rapport-isolement-et-contention_Dossier-de-presse.pdf

https://ansm.sante.fr/uploads/2020/12/30/20201110-rapport-contention.pdf

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