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Capes de mathématiques 2024 : une épreuve écrite de « niveau lycée » ?

L’examen, permettant de devenir professeurs dans le second degré, est-il devenu plus simple pour pallier la pénurie d’enseignants ?

Par Sophie Hienard

Temps de lecture : 5 min

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« Les premières questions, c'est du niveau collège », lâche Laura*. Ancienne professeure de mathématiques, elle a passé au crible la première épreuve écrite du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (capes) 2024. Et énumère, au téléphone : « Là, c'est niveau lycée », « cet énoncé, c'est faisable pour un bon terminale », « la proportionnalité, c'est une notion de 3e ». William* aussi, professeur au collège, a consulté ces exercices. Et affirme : « C'est d'une facilité déconcertante. J'ai halluciné quand j'ai vu le sujet. »

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Comme eux, beaucoup ont réagi sur X (ex-Twitter) à certains exercices du capes externe, dont les épreuves d'admissibilité se sont déroulées mi-mars. « Mes meilleurs élèves de terminale sont aptes à [les] réussir », estime une internaute. Quand un autre écrit : « Je pense que mon sujet de bac C était plus compliqué, et de loin. » Un autre encore l'a comparé avec un énoncé datant d'il y a trente ans, jugé plus difficile.

Des exercices plus simples, vraiment ?

Les critiques portant sur l'examen de mathématiques fleurissent depuis plusieurs années. Sont-elles pour autant justifiées ? Le capes est-il vraiment « bradé » ? « Il faut regarder les écrits dans leur entièreté, commente Claire Piolti-Lamorthe, présidente de l'Association des professeurs de mathématiques de l'enseignement public (APMEP). La seconde épreuve est déjà plus difficile, et tout dépendra de l'exigence des correcteurs sur ces écrits. Mais il est vrai que certains exercices ne sont pas du même niveau qu'il y a dix ou vingt ans, et c'est quelque chose qu'on peut déplorer. »

À LIRE AUSSI « Ma famille s'inquiète pour moi » : les futurs enseignants, entre doutes et déterminationXavier Sorbe, président du jury du capes externe de mathématiques, estime que « compte tenu de l'évolution des épreuves, cela n'a pas beaucoup de sens de comparer leur difficulté dans le temps ». Tout en admettant que « parmi les exercices proposés, certains sont assurément plus abordables qu'il y a une vingtaine d'années ».

Lors de la session 2023, la moyenne du dernier admissible était égale à 5,15/20, d'après le rapport du jury. C'est-à-dire que les candidats pouvaient passer les oraux dès lors que leur note aux écrits était supérieure à ce seuil. « C'est effrayant, lance William. Avoir une barre d'admissibilité si basse aux écrits est une dévastation. » Et, pour cet enseignant, une preuve de plus du « problème de recrutement au sein de l'Éducation nationale ».

Une « baisse de sélectivité » ?

Faut-il en effet y voir une manière de pallier la pénurie d'enseignants ? Si la place des mathématiques a été renforcée dans le « choc des savoirs » promis par Gabriel Attal, notamment à travers la mise en place de groupes de niveau au collège, il s'agit aussi d'une des disciplines qui peinent le plus à embaucher des professeurs. En 2023, seules 790 personnes ont été recrutées sur les 1 040 places disponibles – un quart d'entre elles sont donc restées vacantes. Cette année, malgré un « léger rebond des inscriptions », nul ne sait donc si les 1 040 postes trouveront preneurs.

Pour la présidente de l'APMEP, « la baisse de la sélectivité vient du faible nombre de candidats qui se présentent au concours, car il faut bien avoir des enseignants en face des élèves. » L'enseignante souligne que « cette chute des effectifs n'est pas nouvelle, ce qui n'en est pas moins inquiétant ».

Une logique que Xavier Sorbe récuse : « On ne peut pas dire qu'on a cédé sur le niveau puisque c'est la raison pour laquelle on ne pourvoit pas les postes depuis plus de dix ans dans notre discipline. » Pour l'inspecteur général de mathématiques, si les énoncés peuvent « paraître simples », c'est aussi « par souci de ménager à l'épreuve une certaine progressivité ».À LIRE AUSSI Formation des enseignants : ce qu'a annoncé Emmanuel Macron « Certaines questions plus élémentaires sont très précieuses, en ce qu'elles permettent d'écarter des candidats qui n'ont pas le niveau scientifique requis », explique-t-il. Et les épreuves d'aujourd'hui n'auraient rien à envier à celles d'hier, car elles sont désormais « doublées d'une exigence d'une autre nature – il y a des dimensions plus relationnelles et pédagogiques, lors des oraux par exemple. Cela permet d'avoir de nouveaux profils de candidats, de diversifier le recrutement. » À l'oral, en effet, outre l'épreuve classique de démonstration mathématique, un entretien de parcours et de mise en situation est aussi requis.

Une profession peu attractive

Pour autant, c'est bien le faible nombre d'inscrits au concours qui inquiète Claire Piolti-Lamorthe. La professeure de collège y voit, entre autres, l'effet de la « mastérisation du capes » et questionne ainsi la place du concours dans la scolarité. « Passer le capes en M2, soit la réforme pensée par Jean-Michel Blanquer, aggravait une situation qui était déjà difficile, considère-t-elle. En fin de parcours, si les candidats ratent l'épreuve, alors ils n'ont rien. Donc certains préfèrent ne pas prendre le risque de la passer. » Lors de la session 2022, soit juste après la mise en place de la mesure, il y avait, par exemple, moins de candidats présents aux écrits que de postes ouverts.

Ainsi, un concours en 3e année de licence, comme l'envisage Emmanuel Macron dans ses écoles normales du XXIe siècle, semble être une « bonne stratégie » pour Xavier Sorbe. « C'est une mesure prometteuse, dont on peut penser qu'elle attirera des candidats, estime-t-il. La perspective d'être rémunéré pendant leur formation doit aussi permettre de convaincre certains étudiants en prenant en compte les difficultés financières qu'ils rencontrent. »

À LIRE AUSSI Formations post-bac : la ruée vers les licences et masters de droitPour la présidente de l'APMEP, le débat de l'attractivité se place aussi du côté de la revalorisation. « À tout niveau », précise la professeure de collège. « D'un point de vue social, les professeurs sont souvent perçus négativement : c'est une profession difficile à exercer, qui souffre aussi d'une mauvaise image dans les médias et la société en général, abonde-t-elle. Et d'un point de vue salarial, même si les rémunérations ont été améliorées pour les premières années, il y a une stagnation des salaires pour les milieux de carrière. Certains étudiants peuvent ainsi être tentés par l'ingénierie financière ou l'informatique, beaucoup plus rémunératrices que l'Éducation nationale. »

* Les personnes interrogées ont souhaité rester anonymes.

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Commentaires (37)

  • vtt78

    C’est une erreur classique de croire qu’un bon prof de collège/ lycée doit forcément avoir un niveau exceptionnel dans la matière qu’il enseigne. Le plus important est son talent en pédagogie. Les concepts abordés ne sont pas si compliqués que cela, mais arriver à transmettre le savoir à une classe requiert un art pédagogique qui fait la différence. C’est pour cela que les épreuves du Capes ont évolué d’un test purement académique vers des tests d’aptitude pédagogique et ce n’est pas plus mal selon moi.

  • dutch1

    @ultracrepidarien : Moi non plus ! Pas tant pour le salaire, pas si mauvais, que l'ambiance.
    ... Mais heureusement qu'il y en a encore !

    Ceci dit, il faut distinguer entre le niveau et la sélectivité de l'examen.
    Ma fille est en Math spé, j'ai vu le programme du bac "math expert" (plus ou moins équivalent de l'ancien bac C : il était assez vaste.
    Par contre, le degré de sélectivité est moindre, on le voit avec le nombre de mentions très bien...

    Il n'est pas mauvais de vérifier que le candidat a, à minima, maitrisé ce qu'il va enseigner. Ca fixe la "barre" ! Il est bien entendu souhaitable qu'il en ait "sous le pied" par rapport à ses meilleurs élèves.

  • ultracrépidarien

    Jamais compris pourquoi un très bon en maths capable de faire sup et spé puis une grande école choisirait prof de maths payé une misère et en plus pour finir devant 25 boutonneux qui ne comprennent rien et que ça n’intéresse pas.