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Forêts françaises : limiter l’usage du bois est une fausse bonne idée

TRIBUNE. Meriem Fournier, de l’Inrae, estime que seule une filière performante peut relever les défis du changement climatique qui touche nos massifs.

Par Meriem Fournier*

Temps de lecture : 4 min

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L'effondrement du puits de carbone forestier, confirmé par de récents articles de presse et les chiffres de l'IGN et du Citepa, rend impérative une réaction éclairée et proactive. Ce déclin – qui est la résultante d'une pompe à carbone forestière moins efficace – n'est malheureusement pas une surprise. Cette chute découle de plusieurs phénomènes, en tête desquels le réchauffement climatique.

Le concept de pompe à carbone désigne le processus par lequel les forêts absorbent le dioxyde de carbone (CO2) de l'atmosphère (par la photosynthèse) et le stockent. Pour faire d'une forêt une pompe à carbone avec un bilan net très positif de séquestration du CO2, plusieurs conditions doivent être réunies.

Les arbres doivent pousser de manière significative – une caractéristique observable surtout dans des jeunes forêts, notamment en expansion sur la déprise agricole –, le réservoir du sol ne doit pas diminuer et le stockage ne doit pas être compromis par des mortalités massives des arbres.

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Contribution à la biodiversité

Force est de constater que les forêts françaises ne bénéficient plus de telles conditions. En effet, le couvert forestier est plus important que jamais, puisque l'on compte 17,3 millions d'hectares en France métropolitaine, soit 31 % du territoire, et toujours en expansion. Mais les dispositifs de suivi notent une nette augmentation de la mortalité des arbres : + 80 % en dix ans, exacerbée par le changement climatique. Une situation dessinée de longue date, qui impose un constat sans surprise : le puits de carbone baisse.À LIRE AUSSI Ces arbres malades du climat qui résistent mal aux épidémiesDepuis le milieu du XXᵉ siècle, le stock de carbone de la forêt augmentait de manière constante, d'environ une tonne par hectare chaque année. Nos forêts françaises contiennent aujourd'hui 176 tonnes de carbone par hectare (sol et biomasse). Des hectares de forêts qui disparaissent, c'est, d'un coup, plus d'une centaine d'années d'accumulation lente qui est perdue. Préserver l'intégrité de nos forêts devient ainsi une nécessité pour maintenir non seulement leur rôle en tant que puits de carbone, mais également leur contribution à la biodiversité et à la santé globale de nos écosystèmes.

La capacité de stockage des forêts est donc directement influencée par les contraintes climatiques, en particulier les périodes de sécheresse car, sans eau, pas de végétaux. On voit, par exemple, que le stock en carbone dans les forêts est actuellement deux fois inférieur en zone méditerranéenne que dans le Grand Est.

À LIRE AUSSI Changement climatique, incendies : pourquoi la forêt souffre plus qu'avantFace à l'augmentation des périodes de sécheresse et de canicule, il est alors évident que les forêts telles qu'on les connaît actuellement changeront de visage avec des stocks de carbone qui devraient encore diminuer d'ici à la fin du siècle. Pour gérer au mieux la transition vers cette baisse, il nous faudra limiter les incendies et les épidémies, éviter absolument de dégrader les sols et explorer diverses sylvicultures d'adaptation sans avoir toutes les connaissances pour décider avec certitude. Un défi complexe, qui va au-delà du simple bilan comptable du nombre d'arbres plantés.

Ressources imprévues, diversifiées et changeantes

Avec la mortalité des arbres qui accompagne la transition vers de nouvelles forêts adaptées aux climats du futur, le bois disponible pour la récolte augmente et continuera d'augmenter. Une opportunité pour développer les usages d'un matériau qui a fait l'unanimité, dans un contexte actuel de transition énergétique et de décarbonation. Rappelons-le, le bois présente de nombreux avantages : son usage évite des émissions de gaz à effet de serre et garantit un long stockage de carbone dans certains produits.

À LIRE AUSSI La grande mue des forêts françaisesIl reste qu'issus de forêts victimes du dérèglement climatique, ces bois peuvent se trouver décolorés ou dégradés par rapport aux bois habituellement récoltés. De la même manière, ni leur volume ni leur essence ne peuvent être contrôlés. Autant de caractéristiques qui rendent non conformes ces bois aux exigences de l'industrie actuelle.

Un défi de transition s'annonce donc pour l'industrie, qui devra, en même temps que nous envisageons les forêts de demain, s'adapter agilement à des ressources imprévues, diversifiées et changeantes. Je fais le pari qu'il est possible de négocier, avec la société et les investisseurs de l'économie verte, les coûts de la transformation de notre filière bois, devenue une pièce maîtresse de l'adaptation au changement climatique et de la biodiversité de nos forêts. Chercheurs et ingénieurs en écologie, en économie, en sylviculture, en technologie des bois et en sciences de l'environnement, unissez-vous !

* Meriem Fournier est présidente du centre Inrae Grand-Est à Nancy, et de l'association Des hommes et des arbres.

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Commentaires (26)

  • ABr

    Bon mais alors que faire ? Utiliser le bois en vil industriel, ou attendre qu'il meut sur place en vil écolo ? L'article manque de perspective.

  • Feuillant

    D'un point de vue écologique, il est evident que le transport du bois de France en Chine pour le transformer puis le transport retour des meubles a un impact non négligeable, mais cela fait partie d'un système économique plus large. Les clients français font des économies sur leurs meubles, qu'ils peuvent ensuite utiliser pour faire autre chose. Cet autre chose peut avoir un effet écologique plus important, ou pas, évidemment. Mais c'est bien d'un point de vue global qu'il faut regarder tous ces échanges. Par ailleurs, dire que le transport depuis er vers la Chine pollue et que l'on pourrait produire ici, revient à pointer le fait la pollution liée à la consommation énergétique des transports n'est pas suffisamment prise en compte par les acteurs économiques. C'est évidemment vrai, mais cela a néanmoins conduit aux gilets jaunes. On peut le regretter, mais les Français ne sont pas prêts à assumer le coût de leur propre pollution et de la réindustrialisation du pays. Les meubles vont donc continuer à venir massivement de Chine...

  • Feuillant

    J'ai du mal à comprendre votre message. Cette dame vous fait part d'un constat : la densité d'arbres dans nos forêts baisse. Il y a donc moins d'arbres qui poussent, et donc moins de stockage de CO2. Si vous avez des chiffres pour contester ce qu'elle dit, n'hésitez pas à les publier. En attendant son argumentaire me semble parfaitement valable et ne relève en rien d'une pleurnicherie effondriste comme vous dites.