Ils mangent des crêpes dans le centre-ville de Saint-Brieuc. 17 novembre 2023, les deux frères sortent de l’hôpital où la compagne de l’aîné, enceinte, est allée consulter. « C’est là que j’ai proposé d’aller à La Serre », raconte le benjamin au tribunal correctionnel de Saint-Brieuc. Lorsqu’on lui demande pourquoi ce lieu alternatif, fief de plusieurs associations, le prévenu, 20 ans, répond : « Parce que ces gens sont partisans d’une idéologie mortifère ».
Il parle du combat à mener, s’estime « en dehors du cadre démocratique » et revendique le droit des « blancs à disposer de leur sol ». Le cadre est posé. Ce jour-là, en plus de son frère à peine plus âgé, il est accompagné d’un troisième homme. Un Malouin de 34 ans, condamné, en janvier 2024, pour avoir tiré à proximité d’habitations et pour détention d’armes. Ils vont, tous les trois, cagoulés et équipés d’une barre de fer, s’introduire dans le local où se trouvent trois personnes.
« Code d’honneur »
Ils cassent la porte, débarquent et frappent une personne ; une ITT de trois jours lui sera délivrée. Les agressés s’enfuient aussi sec. Selon un courrier du préfet des Côtes-d’Armor au procureur de la République, dont il est fait lecture à l’audience, ce jeudi 16 mai 2024, les prévenus « prévoyaient cette incursion violente depuis plusieurs jours ». C’est lui qui a saisi la juridiction : les services de renseignements pistaient l’action de ces trois militants d’ultradroite.
Ils comparaissent pour violences en réunion et violences aggravées. « Que reprochez-vous exactement aux antifas ? », interroge la présidente. « Ils font des actions violentes, répond l’aîné. Nous, nous voulions juste récupérer du matériel antifa. » Il s’excuse pour la frayeur mais nie les violences. Le benjamin est moins émotif. « Ce n’était pas si effrayant, estime-t-il. Nous avons respecté notre code d’honneur en ne frappant pas les personnes. »
Même cellule, pensée opposée
L’avocate des frères, Me Béatrice Hubert, résume l’affaire à « des jeunes de 20 ans qui ont fait peur à des gens ». « On alimente la peur dans une société anxiogène, défend-elle. Dans une autre période, ils auraient été jugés autrement. » Mais, si la période n’était pas celle de Callac, des tags néonazis ou encore de l’attaque du festival Bretagne libre, le trio aurait-il décidé d’agir ? Selon le courrier du préfet, « des Rennais étaient prêts à venir les soutenir dans cette action ».
Le troisième prévenu, incarcéré depuis quatre mois, raconte partager sa cellule avec un militant d’extrême gauche. « Il y a peut-être d’autres façons de faire les choses… Je n’ai plus envie de leur faire la guerre », dit-il. « Vous les trouvez sympas ? Allez, dites-le », taquine la présidente. Le masque du rustre, pendant une minute, tombe. « Il a évolué, assure son avocat, Me Jourdain-Demars. Et les deux autres sont des jeunes qui ne savent pas vraiment ce qu’ils pensent. »
Tous condamnés
Mais le tribunal ne juge pas, et la procureur le rappelle, les idées de ces jeunes. Plutôt « la manière de les véhiculer ». Le plus jeune frère, dont le tribunal a estimé l’implication majeure, a été condamné à 18 mois de prison, dont six mois ferme qui seront aménagés sous bracelet électronique. L’aîné, déjà condamné pour agression sexuelle, a écopé de douze mois de prison avec sursis probatoire de deux ans.
Le troisième prévenu a été condamné à 24 mois de prison dont seize mois avec un sursis probatoire de deux ans. Il pourra également effectuer sa peine ferme sous bracelet et ne devra plus fréquenter les deux frères. Tous ont interdiction de paraître à La Serre, de porter des armes et d’entrer en contact avec les victimes.