C'est l'une des pires pénuries de son histoire récente. La Chine fait face, actuellement, à des coupures de courant importantes, qui concernent 18 de ses 31 provinces. Celles du sud-est, le coeur économique du pays, sont notamment touchées.

A Pékin, les services d'alimentation en électricité ont annoncé des suspensions de service dans les prochains jours dans certains quartiers, évoquant des "travaux d'entretien" qui seraient sans lien avec la pénurie. Ces coupures pourront durer 10 heures dans certains cas.

Mais c'est la "ceinture de la rouille", dans le nord-est du pays, avec ses milliers de cimenteries et d'usines sidérurgiques énergivores, qui semble parmi les régions les plus affectées. Dans une usine du Liaoning, 23 ouvriers ont été hospitalisés d'urgence pour une asphyxie au monoxyde de carbone, les ventilateurs ayant cessé de fonctionner à la suite d'une coupure de courant, a rapporté la télévision nationale. Dans la capitale provinciale, Shenyang, des vidéos montrent des automobiles avançant dans l'obscurité, sans éclairage public ni feux de circulation.

Le charbon se fait rare

Les coupures pénalisent des millions de foyers ainsi que de nombreuses usines, dont des fournisseurs de grandes entreprises mondiales. Et inquiètent les autorités, alors que la saison froide approche. Lors d'une réunion la semaine dernière, le gouvernement a appelé à "stabiliser les prix des matières premières afin de garantir l'approvisionnement en électricité et en gaz naturel pendant l'hiver".

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La Chine est confrontée, comme le reste du monde, à une augmentation des prix de l'énergie. Le charbon fournit encore près de 60% de l'électricité du pays. Mais l'approvisionnement est limité : Pékin a imposé un embargo l'an dernier aux importations australiennes, dans le cadre des tensions bilatérales entre les deux pays, et s'est tourné vers l'Indonésie et la Mongolie. Mais la pandémie de Covid-19 a perturbé le trafic avec sa voisine. Le charbon se fait plus rare, et les prix augmentent - ils ont atteint en septembre des niveaux record.

Surtout, tandis que l'offre baisse, la demande est, elle, en hausse. Avec la reprise économique mondiale, nombre d'usines chinoises tournent à plein régime. Résultat, la demande d'électricité a dépassé au premier semestre ses niveaux d'avant la pandémie, selon l'Administration nationale de l'énergie.

Provinces énergivores

Par ailleurs, le 12 août, la commission nationale de la réforme et du développement (NRDC), chargée de la planification centrale, a publié un tableau qui "fait grand bruit", raconte Le Monde. Les 31 provinces y sont classées selon deux critères : leur intensité énergétique, soit la consommation d'énergie par rapport à la production, au premier semestre, et leur consommation totale d'énergie. Vertes, orange ou jaune : ainsi sont indiqués les bons et les mauvais élèves. Le Guangdong et le Jiangsu, les deux provinces au PIB le plus important du pays, sont classés rouge sur les deux critères.

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Certains responsables régionaux des provinces trop énergivores ont donc pris des mesures radicales, imposant des coupures de courant aux industriels. Le taïwanais Unimicron Technology, fournisseur d'Apple, a ainsi révélé que ses sites dans deux régions de Chine continentale devaient stopper leur production de dimanche jusqu'à jeudi. Un sous-traitant du fabricant américain de voitures électriques Tesla a reçu un ordre similaire, selon un communiqué boursier.

Face à ce contexte, plusieurs banques internationales ont abaissé leur prévision de croissance économique : dans une note publiée mardi, l'américaine Goldman Sachs dit tabler désormais sur 7,8% pour la Chine cette année contre 8,2% auparavant, du fait des "importantes pressions" sur les industries lourdes.