Le mystère Akihiko Okamura, le plus irlandais des photographes japonais

Propos recueillis par Julien Bordier

Publié le 8 juin 2024 à 11h00

Immeuble en flammes, à Derry, Irlande du Nord, vers 1969. ESTATE OF OKAMURA

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Entretien En 1969, le photoreporter Akihiko Okamura quitte le pays du Soleil Levant pour s’installer dans une Irlande en plein conflit. Pauline Vermare, historienne de la photographie qui a supervisé l’édition en couleurs de ses images, nous raconte cet observateur intime des « Troubles ».

Six bouteilles de lait posées sur le seuil d’une maison irlandaise dans les années 1970. L’image Kodachrome, paisible et parfaitement composée, a la beauté d’un haïku. Elle rappelle les tirages de l’Américain William Eggleston, pionnier de la photo couleur. Le cliché orne la couverture du beau livre « les Souvenirs des autres », consacré au travail du photographe japonais Akihiko Okamura (1929-1985) réalisé durant les premières années du conflit en Irlande du Nord (1969-1998). Banal au premier regard, le motif n’a pourtant rien d’anodin. L’innocence de cette blancheur lactée dissimule une violence latente. Quelques pages plus loin, un alignement de récipients vides attendent à côté d’un amoncellement de pierres. En cet été 1969, en Irlande du Nord, les bouteilles vont être transformées en cocktails Molotov par les jeunes nationalistes de Derry contre la police royale de l’Ulster qui assiège leur communauté du Bogside. Un même objet, deux contextes.

Akihiko Okamura privilégie la métaphore à la démonstration de force. Après avoir couvert la sanglante guerre du Vietnam, le photojournaliste se tient cette fois à distance des hostilités. Il en capte les incidences sur le quotidien : une demoiselle traverse un barrage de l’armée britannique à Belfast, deux habitantes marchent près de leurs maisons incendiées une tasse de thé à la main, des fillettes apprêtées se tiennent à côté d’un mémorial imp…