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« Priorité nationale » : quatre cadres du RN devant la justice pour incitation à la discrimination

Par Ingrid Gallois

Publié le , mis à jour le

Steeve Briois, maire RN d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), en meeting pour les européennes le 24 mai 2024.

Steeve Briois, maire RN d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), en meeting pour les européennes le 24 mai 2024. FRANCOIS GREUEZ/SIPA

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Récit  Quatre membres ou ex-membres du Rassemblement national doivent comparaître ce mardi devant le tribunal correctionnel de Nanterre. Ils sont renvoyés suite à la publication en 2014 d’un « Guide pratique de l’élu municipal » faisant la promotion de la préférence nationale.

C’est une audience qui, soudainement, a pris une autre dimension. Des faits vieux de dix ans mais devenus d’une brûlante actualité. Ce 18 juin, se tiendra devant le tribunal correctionnel de Nanterre le procès pour provocation à la discrimination et complicité de plusieurs membres ou ex-membres du Rassemblement national. « C’est la première fois à ma connaissance que le concept de préférence nationale est jugé. Ce procès est essentiel. Le RN se défend en affirmant que c’est une opinion. Or, si c’est une opinion, ça n’a pas sa place dans un programme avec une injonction aux élus à le mettre en application », explique au « Nouvel Obs » Me Jérôme Karsenti, avocat de la Maison des Potes, partie civile dans ce dossier.

« Guide pratique »

L’affaire remonte aux municipales de 2014. Une époque où le Rassemblement national s’appelait encore le Front national. A Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), à l’occasion des élections, un « Guide pratique de l’élu municipal Front national » est diffusé puis mis en ligne. Dans la section « Principes de bon sens », le document incite les élus à appliquer le principe de préférence nationale, notamment dans l’attribution des logements sociaux. « A votre niveau d’élu(e) local(e), vous aurez à cœur de réclamer l’application des nombreux points du programme FN : sur l’immigration (ex. : application de la priorité nationale dans l’accès aux logements sociaux) », peut-on lire dans ce guide.

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La Maison des Potes porte plainte en 2014 contre les membres du Front national impliqués dans la publication de ce guide pour « provocation à la discrimination nationale, raciale, religieuse par parole, écrit ou image ou moyen de communication au public par voie électronique » et complicité de ce délit.

Immunité parlementaire

L’enquête va prendre plusieurs années. Car dès juillet 2014, Steeve Briois, Sophie Montel et Jean-François Jalkh sont élus députés européens. Il faudra attendre 2017 et 2018 pour voir leur immunité parlementaire levée.

D’après les investigations, le texte incriminé avait été rédigé par Sophie Montel, alors conseillère régionale du FN en Franche-Comté, à la demande du secrétaire général du parti de l’époque, Steeve Briois. Lors de l’instruction, ce dernier, devenu le maire d’Hénin-Beaumont, avait expliqué que l’ancienne élue avait écrit et diffusé seule ce guide, dont il n’avait pas validé le contenu. Contrairement aux déclarations de Sophie Montel, qui a depuis quitté le parti.

Tous deux seront mis en examen, tout comme Jean-François Jalkh, alors député européen du FN et directeur de publication du site du parti sur lequel le guide a été diffusé, et Marie-Thérèse Costa-Fesenbeck, adjointe au maire de Perpignan, qui a diffusé ce guide sur le site de la fédération FN des Pyrénées-Orientales qu’elle dirigeait à l’époque.

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Vers un nouveau renvoi ?

Initialement prévu en décembre 2022, le procès a déjà été renvoyé à deux reprises. Tout d’abord, ce furent les avocats de Steeve Briois qui jugèrent trop tardif l’ajout de plusieurs associations en tant que parties civiles. Puis, ce fut Jean-François Jalkh, ancien vice-président du FN qui, placé sous tutelle, ne possédait pas de représentant défini, empêchant le déroulement du procès en janvier dernier.

L’audience du 18 juin pourrait être à nouveau renvoyée en raison du contexte électoral. « On est assaillis de demandes par les avocats des prévenus qui expliquent que le procès risque de se transformer en procès politique en raison du contexte. Ils trouveront tous les arguments du monde pour demander un nouveau renvoi et ainsi attendre que le Rassemblement national soit au pouvoir quand l’audience se tiendra », affirme Jérôme Karsenti.

Des membres du RN ont déjà été condamnés par le passé pour des propos racistes ou discriminatoires mais jamais un juge ne s’est prononcé sur la légalité de la priorité nationale. Dans le cas où l’argument d’un contexte de campagne politique est jugé valide, et l’audience renvoyée, et en cas de victoire du RN aux législatives, le procès se tiendra potentiellement sous un gouvernement d’extrême droite. La discrimination, considérée aujourd’hui comme contraire au principe d’égalité inscrit dans la Constitution, serait jugée alors même qu’elle est inhérente à l’idéologie du parti élu.

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