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Salon VivaTech Eric Carreel, fondateur de Withings : « Une nouvelle médecine, en lien avec l’IA, est en train de s’inventer »

Propos recueillis par Corinne Bouchouchi

Publié le , mis à jour le

Eric Carreel, président et fondateur de Withings.

Eric Carreel, président et fondateur de Withings. VICTOR HABOURDIN

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Interview  On connaît Withings pour ses montres, ses balances ou encore ses tensiomètres connectés. Mais derrière ces appareils de précision certifiés au service du plus grand nombre, il y a le projet de promouvoir un suivi quotidien de notre santé. A l’occasion du salon VivaTech, Eric Carreel, président et fondateur, nous explique sa vision de la médecine et nous parle d’avenir.

Pas de nouvelle balance intelligente (Body Scan), ni de système personnel d’analyse d’urine (U-Scan) ou même de prise de mesures multiples en un clic (BeamO)… Au salon VivaTech, qui ouvre ses portes ce mercredi 22 mai à Paris, Withings ne présentera pas de nouveautés pour enrichir un portefeuille riche de quelque 10 millions d’utilisateurs à travers le monde.

Mais la société d’Eric Carreel dévoilera un partenariat judicieux avec la Software République, écosystème collaboratif regroupant plusieurs entreprises, pour déployer son offre de santé dans de futurs véhicules hyperconnectés, baptisés U1st Vision (You First Vision) et destinés à sillonner le territoire pour combler les déserts médicaux. Une conception de la santé, au plus proche des usagers, qui sied à ce visionnaire et infatigable entrepreneur. Entretien.

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Withings est devenu en quinze années un leader mondial de la santé connectée et de la médecine préventive. Elle vous semble loin cette première balance connectée qui en 2009 séduisait un Larry Page (cofondateur de Google) ou un Jack Dorsey (cocréateur de Twitter) mais apparaissait encore comme un gadget aux yeux du corps médical ?

Eric Carreel Notre ligne a bien évidemment évolué depuis la création de Withings il y a quinze ans. Aujourd’hui, nous nous affirmons davantage dans la santé et, surtout, dans la santé en collaboration étroite avec le corps médical. Je pense que nous avons un système de santé merveilleux pour prendre soin des urgences mais qu’il est moins adapté à la gestion des maladies chroniques, pourtant en pleine explosion. Dans ces situations, il faut pouvoir accompagner le patient dans sa vie réelle. Il ne suffit pas de lui parler dix minutes tous les six mois. S’il se casse un bras, vous pouvez le réparer, s’il a un problème au cœur, vous pouvez l’opérer dans un hôpital et ça va le sauver, mais les maladies chroniques, ce n’est pas ça. Rien ne va le faire mourir demain matin. Par contre, il y a quelque chose qui le mange à petit feu et cela suppose un accompagnement. Il faut suivre de façon presque transparente l’évolution de ces maladies, et c’est là où Withings est assez unique.

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Qu’apporte concrètement une entreprise de tech, comme Withings, à ces patients qui souffrent de maladies chroniques ?

Nous sommes très fiers de notre capacité à générer de la mesure sans contrainte pendant des années dans la vie réelle du patient. Si vous demandez à quelqu’un, quand il est tout seul chez lui, de faire des efforts complémentaires, il va être motivé quelques semaines, mais après il va arrêter.

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Par contre, un pèse-personne sur lequel on monte avant d’entrer dans la douche, un appareil à mettre sous le matelas pour détecter l’apnée du sommeil, un capteur à laisser dans les toilettes pour faire une analyse d’urine, une montre… sont des objets naturels qui rentrent facilement dans notre vie quotidienne et qu’on oublie. Et ils représentent une source d’informations d’une richesse extraordinaire !

Withings apporte son savoir-faire au véhicule connecté U1st Vision, visible actuellement au salon VivaTech, qui est destiné à apporter des services médicaux au plus près des gens. Comment cette aventure s’inscrit-elle dans votre conception de la santé ?

Ces initiatives nous plaisent beaucoup car elles permettent, à travers la mobilité, d’avoir des systèmes de contrôle qui se rapprochent du patient, qui vont l’encourager à venir faire un test et permettre d’organiser son suivi. Cela correspond tout à fait à notre désir de rejoindre la vie quotidienne des personnes. Car avant d’équiper d’un tensiomètre un hypertendu, il faut déjà savoir s’il est hypertendu. Aujourd’hui, il y a des gens que le système médical ne voit jamais… jusqu’au moment où il arrive quelque chose de grave.

Des produits Withings pour le suivi de patients dans le van U1st Vision présenté au salon VivaTech.

Des produits Withings pour le suivi de patients dans le van U1st Vision présenté au salon VivaTech. SOFTWARE RÉPUBLIQUE

Au-delà de la performance de vos appareils de mesure, n’est-ce pas le traitement des milliards de données ainsi recueillies qui font la force de Withings ?

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Une nouvelle médecine est en train de s’inventer, en lien avec l’évolution de l’intelligence artificielle (IA). C’est ce qu’on appelle la médecine des données longitudinales. Jusqu’ici, on a construit une médecine sur le mode « flash », soit un check-up de temps en temps. C’est très bien, mais tout ce qui se passe entre les deux, et qui parfois dure des années, passe sous les radars. Parfois, il y a des gens qui ne vont pas voir de médecin pendant des années et qui se retrouvent à l’hôpital du jour au lendemain. Jusque-là, on n’avait pas de données sur eux. Aujourd’hui, on arrive à recueillir des données qui semblent dans un premier temps moins profondes que celles récupérées en passant un scanner, mais leur quantité fournit finalement beaucoup plus d’informations : vous pouvez suivre l’évolution de la personne sur un temps long et voir que là il y a quelque chose qui se dégrade et tirer la sonnette d’alarme en l’invitant à consulter. C’est cela la médecine que l’on imagine pour demain.

Dans cette conception du soin, le patient devient un peu son propre médecin. N’est-ce pas se substituer dangereusement au corps médical ?

Aux Etats-Unis, il existe une sorte de système de télésurveillance médicale. Certains utilisateurs vont se débrouiller tout seul, et d’autres vont être suivis par un médecin. Pour ceux qui sont suivis par le médecin, nous avons développé une plateforme qui permet d’embarquer le patient, de savoir quel objet connecté il souhaite utiliser, de créer des alertes. Par exemple, nous allons inviter un hypertendu à mettre en place avec son médecin une alerte orange s’il n’a pas fait trois mesures dans la semaine ou une alerte rouge si sa tension systolique est par exemple supérieure à tel chiffre. Le médecin, lui, ne voit que les alertes. Pour l’instant, ce système n’est déployé qu’aux Etats-Unis.

Est-ce que cela veut dire que le système médical français est réfractaire à ce type de prise en main de la santé à travers le high-tech ?

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Les Français utilisent ce système essentiellement lors des études cliniques. Mais la France a fait passer l’an dernier une loi sur la généralisation de la télésurveillance qui va permettre cette mise en place. C’est juste le démarrage et c’est encore compliqué. Par contre, aux Etats-Unis, ceux qui utilisent la plateforme sont aujourd’hui environ 10 000. Et ce chiffre est en croissance car nous venons de signer avec une grosse chaîne d’hôpitaux américaine. Mais là aussi, c’est long. Ce qui prend du temps, c’est d’embarquer chaque médecin. Le frein, ce n’est pas la technologie, ni le patient, c’est le médecin.

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Ils sont encore nombreux à refuser cette aide technologique ?

Oui, mais cela est en train de bouger. Je vous donne un exemple. Lorsqu’on a sorti l’appareil d’électrocardiogramme et de détection de la fibrillation auriculaire, un médecin avec lequel nous travaillons m’a expliqué qu’il n’y croyait qu’à moitié. Mais, peu après, on a reçu des lettres de cardiologues qui nous disaient : « Je ne vous connaissais pas, mais vous avez sauvé la vie de mon patient. » A partir de ce moment-là, il a changé son regard.

L’intelligence artificielle générative, de type ChatGPT, est sur toutes les lèvres. Withings l’intègre-t-elle déjà dans ses objets connectés ?

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Il s’agit bien sûr d’outils sur lesquels nous travaillons, mais je ne peux pas vous en dire plus. Aujourd’hui, les LLM [Large Language Models] évoluent à la vitesse grand V et nous avons la chance de disposer de différents modèles, entre OpenAI, Google, etc. Cette concurrence nous permet de ne pas être coincé dans un système. Aujourd’hui, on les teste tous. Certains commencent d’ailleurs à se spécialiser, même à l’intérieur du domaine de la santé. Mais chez Withings, nous avons un atout, ce sont nos milliards de données qui nous aident à construire nos propres algorithmes.

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