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Loi sur l’audiovisuel public : les grains de sable que Dati n’avait pas prévus

Par Véronique Groussard

Publié le , mis à jour le

Manifestation le 23 mai à Paris contre un projet de fusion de l’audiovisuel public porté par la ministre de la Vulture, Rachida Dati.

Manifestation le 23 mai à Paris contre un projet de fusion de l’audiovisuel public porté par la ministre de la Vulture, Rachida Dati. VALERIE DUBOIS / HANS LUCAS VIA AFP

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Décryptage  Construire un grand ensemble audiovisuel, c’est la priorité de la ministre de la Culture. Rachida Dati a commencé vite et fort, mais voilà que plusieurs embûches se dressent sur son chemin.

La route semblait toute tracée par le bulldozer Dati : la ministre de la Culture mène pied au plancher la réforme de l’audiovisuel public. Dans son schéma, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’Audiovisuel seront d’abord réunis sous une holding le 1er janvier 2025, puis fusionnés le 1er janvier 2026. Un patron ou une patronne dirigera l’ensemble. Le dispositif doit être prêt au 1er septembre 2026, au moment où débutera l’année présidentielle. Mais voilà que les embûches se multiplient.

Le calendrier

Première d’entre elles, le calendrier. La loi, qui s’appuie sur une proposition initiale venue du Sénat, devait être discutée les 23 et 24 mai en séance à l’Assemblée nationale. Las ! Le retard pris par la loi agricole repousse l’examen au 24 juin. A cause des Jeux olympiques qui ratiboisent la session parlementaire, le Sénat, lui, n’aura pas le temps d’examiner le texte en juillet. Repoussé en septembre ! Ce qui donne aux pourfendeurs de cette réforme le temps de s’organiser. Dans ces conditions, c’est à peu près acquis : le futur patron ne sera pas opérationnel le 1er janvier 2025 comme annoncé. Car il y a de menues formalités à régler : fin de la discussion parlementaire, passage du texte au Conseil constitutionnel, promulgation, création de la holding, appel à candidatures pour la présidence, auditions, élection. Bref…

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L’audiovisuel extérieur

Deuxième embûche : alors que Rachida Dati imaginait que le périmètre du nouvel audiovisuel public comprendrait France Médias Monde (France 24, RFI, Monte Carlo Doualiya), qui émet vers l’étranger en une vingtaine de langues, ça coince. Tant du côté de Matignon que des députés. Dans sa précipitation, la ministre a juste oublié un détail : France Médias Monde n’est pas seulement sous sa tutelle mais également sous celle du ministère des Affaires étrangères. Voyant Dati inflexible, Marie-Christine Saragosse, la présidente de France Médias Monde – que la ministre de la Culture avait sous-estimée – a discrètement et habilement enrôlé Jean-Louis Bourlanges, influent président de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée. Ils se sont fort opportunément croisés à l’Elysée lors de la visite du président chinois et ont accordé leurs violons.

Se découvrir court-circuité par Rachida Dati n’a pas plu à Bourlanges et le 15 mai, devant un Stéphane Séjourné, ministre des Affaires étrangères, magnifiquement impassible, il n’a pas mâché ses mots sur les manières de sa collègue de la Culture : il a parlé d’« une immense affaire », de « délais assez invraisemblables », a déploré de « [n’avoir] absolument pas eu voix au chapitre » et s’est inquiété du hiatus entre Matignon (qui veut laisser l’audiovisuel extérieur à l’extérieur) et Rachida Dati (qui veut l’intégrer). Jean-Louis Bourlanges, qui accompagnait Emmanuel Macron lors de sa visite officielle à Berlin cette semaine, lui en a-t-il touché un mot ? A l’Assemblée, le texte devrait donc laisser l’audiovisuel extérieur… à l’extérieur. Une nouvelle donne que Rachida Dati se refuse manifestement à intégrer : dans une tribune publiée par la « Tribune Dimanche » le 26 mai, elle continue de parler de 16 000 salariés pour le nouvel ensemble, ce qui inclut ceux de France Médias Monde.

Les sénateurs

Troisième embûche : les sénateurs ne sont pas décidés à se laisser marginaliser. Le texte initial vient de chez eux, porté par Laurent Lafon (Union centriste). Mais les députés l’ont généreusement raboté et assez substantiellement modifié. Les sénateurs imaginaient un président de l’audiovisuel public nommé par un conseil d’administration ? Il sera élu par l’Arcom (le régulateur de l’audiovisuel). Ils voulaient une holding ? Ce sera une fusion ! Et pas dans dix ans, demain : en 2026 ! Ils voulaient que l’audiovisuel extérieur soit intégré ? Il n’y sera pas, ont décidé les députés. Lors de la deuxième lecture au Sénat, en septembre prochain donc, « il est évident que l’intégration de France Médias Monde sera un point extrêmement important, souligne Laurent Lafon. Avoir de l’international dans le grand ensemble [dans les rédactions de France Télévisions et Radio France] et en dehors, pose un problème de cohérence. Non intégré, France Médias Monde deviendrait presque invisible dans l’audiovisuel public, ce serait condamner, à terme, l’audiovisuel extérieur à la disparition. »

Les sénateurs feront-ils de ce cas un casus belli qui, au pire, pourrait aboutir à une commission mixte paritaire – l’enceinte où députés et sénateurs doivent se mettre d’accord – non conclusive ? Dans cette hypothèse, tout le processus repartirait pour un tour et pour des mois. Ce scénario, l’entourage de Rachida Dati ne le minimise pas. Laurent Lafon a beau souligner le consensus politique autour de l’idée de réformer l’audiovisuel public, il prévient tout de même : « France Médias Monde est, pour nous, un point important mais… ce n’est pas le seul ! » Castagne en vue.

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