LE CHÂTEAU DE VITRÉ
ET L'ARCHITECTURE DES CHÂTEAUX BRETONS DU XIVe AU XVIe SIÈCLE
par André MUSSAT
A l'extrémité occidentale de la ville fortifiée de Vitré, aux marches de la Bretagne et du Maine, se dresse un grand château qui, fort restauré au xixe et au xxe siècle, présente cependant une silhouette évocatrice assez exceptionnelle. Vaste triangle sur un promontoire de schistes entre la vallée de la Vilaine au nord et une zone autrefois marécageuse au sud, la forteresse commande le chemin naturel que suivent encore vers Rennes la route et la voie ferrée (fîg. 1 et 19).
Au cours du xie siècle s'était constitué le noyau de la future ville : vers l'an mille le duc Geoffroy, comte de Rennes, y inféode un de ses fidèles. Vers 1050-1060, Robert Ier de Vitré abandonne aux moines de Marmoutier de Tours l'emplacement de la forteresse primitive, là où se trouve aujourd'hui, au sud du château, l'église Sainte-Croix. Il s'installe alors sur l'éperon occidental et, à l'est, fonde une collégiale dédiée à Notre-Dame, qui, au xne siècle, deviendra un prieuré de Saint-Melaine de Rennes. Ainsi se définissent les éléments de l'agglomération : le château, les prieurés autour desquels s'installent des « bourgs » privilégiés (1). Ceci ressemble à ce qui se passait aussi bien dans le Maine voisin, en particulier à Laval, qu'en Bretagne, par exemple à Dinan, Moncontour ou Lamballe. Mais un mariage de type féodal changea le destin de la ville-frontière.
Une puissante famille
— En 1239, l'unique héritière de la baronnie, Philippa de Vitré, se marie avec Gui VII, baron de Laval, fils d'Emma de Laval et de Matthieu de Montmorency, devenu, selon la constante coutume de la dynastie du Bas-Maine, Gui VI de Laval (2). Sa baronnie, qui sera comté en 1429, s'étend des limites bretonnes, près desquelles se trouvent les places de La Gravelle et de Mont- jean, jusqu'aux approches d'Evron et de Sainte-Suzanne vers l'est. Au sud, elle joint l'Anjou par Cossé-le- Vivien et Meslay ; au nord, elle était contiguë à la vaste baronnie de Mayenne. Avec ses onze châtel- lenies, la baronnie de Laval formait une solide base que l'union avec la terre de Vitré agrandissait de façon décisive. Allant aux approches de Rennes jusqu'à Acigné, cette dernière s'étendait surtout du nord — vers le Fougerais et Saint-Aubin-du-Cormier, au sud — jusqu'à Marcillé- Robert et Retiers, près de La Guerche. Elle ouvrait donc largement les frontières du duché vers l'est. Que vînt un conflit et la position du sire de Laval devenait aussitôt ambiguë : la guerre de Succession au xive siècle, les difficultés puis le conflit franco-breton au xve siècle allaient le prouver.
Rappelons que le duc Jean III décéda en 1341 sans héritier direct. Il avait eu deux frères, Gui de Penthièvre, décédé et représenté par sa fille Jeanne, mariée à Charles de Blois, et d'autre part Jean de Montfort. Ces deux princes avaient une sœur : elle était mariée à Gui X, baron de Laval et de Vitré ; mais celui-ci était aussi vassal, pour Laval, de Louis d'Anjou, comte du Maine, prince des fleurs de lis, marié à Jeanne de Blois. Gui X choisit d'appuyer Charles de Blois (3) : avec de nombreux nobles bretons, il est tué en 1347 à la bataille de La Roche-Derrien. Son fils aîné, Gui XI, mourut l'année suivante. Ainsi devint baron de Laval, de Vitré et de Châteaubriant (par son mariage avec Louise de Châteaubriant)
