MÉLANGES

Notes à propos du donjon de Montépilloy

par Jean MESQUI

Jacques Harmand a consacré, dans le deuxième fascicule du Bulletin monumental, une importante étude au château de Montépilloy, étude dont la précision et le détail sont un exemple pour celui qui cherche à retrouver l'histoire des vestiges monumentaux du Moyen Age. Les conclusions auxquelles l'auteur aboutit sont fort intéressantes par leur nouveauté, et elles suscitent quelques réflexions que nous voudrions livrer ici.

Pour résumer les thèses de Jacques Harmand, le donjon de Montépilloy aurait été le fruit de quatre campagnes de construction : celle de Guy III le Bouteiller, entre 1188 et 1221 (construction des cinq premiers niveaux) ; celle d'Enguerrand VII de Coucy, entre 1383 et 1389 (surélévation par construction d'un sixième niveau) ; celle d'Olivier de Clisson, entre 1389 et 1407 (adjonction d'une vis, reparementage) ; celle de Guillaume II le Bouteiller, entre 1407 et 1411 (percement de baies, transformations mineures).

La nouveauté essentielle de l'argumentation proposée est la suivante : pour expliquer les archaïsmes intérieurs au donjon, dans les niveaux bas, archaïsmes peu compatibles avec l'aspect du parement extérieur, Jacques Harmand avance que le donjon aurait fait l'objet d'un reparementage complet au xive siècle. Cette théorie est assez audacieuse, car l'on connaît bien peu de tels exemples de reparementage complet, si ce n'est dans le cas de renforcements conséquents (exemple d'une des tours du Coudray- Salbart, dont le mur a été doublé, mais non simplement reparementé). D'un point de vue strictement rationnel, il est difficile d'imaginer qu'un seigneur se soit livré, d'une manière assez gratuite, à, cette coûteuse et inutile opération (1) ; au surplus, le manque de preuves est regrettable, car il ne semble pas possible de mettre en évidence l'ancien parement. Enfin, il est caractéristique de remarquer que la fenêtre du niveau 5, qui est incontestablement d'origine, est extérieurement surmontée par un arc de décharge plein cintre qui a la même facture que celui de la porte intérieure du niveau 3 desservant l'escalier (voir les figures 6 et 9 de l'article de Jacques Harmand). En somme, il nous paraît difficile de souscrire sans réserves à la thèse de l'auteur ; il est en fait assez probable que les cinq premiers niveaux du donjon ont leur parement d'origine.

Dans un article consacré à l'architecture militaire dans le Valois (2), nous avions proposé d'attribuer cette construction aux années 1358-1380 ; en effet, si les archaïsmes de l'architecture interne sont indéniables, le parement externe, comme la forme rectangulaire de la fenêtre à grille au niveau 5, nous semblaient plus conformes au xive siècle qu'au xme. Jacques Harmand oppose, avec raison, l'escalier rampant, qui est sans doute l'archaïsme le plus frappant s'il s'agit d'une œuvre du xive siècle ; de plus, pour lui, l'adjonction de la herse et de l'assommoir dans la poterne d'accès serait postérieure à la construction de cette poterne, ce qui fait tomber l'argument selon lequel ces dispositifs n'apparaissent que tardivement en architecture militaire.

Sans doute pourrait-on argumenter longuement sur ces critères, et en faire, comme au siècle passé,