Couverture collection

L'architecture militaire en Ile-de-France

[compte-rendu]

Année 1982 140-3 p. 234
doc-ctrl/global/pdfdoc-ctrl/global/pdf
doc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/resetdoc-ctrl/global/reset
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
Page 234

L'architecture militaire en Ile-de-France. — L'Ile-

de-France et ses confins ont vu naître, au cours de la première moitié du xme siècle, un certain nombre de châteaux dont le type commence à être bien connu grâce à divers travaux, parmi lesquels ceux de Pierre Héliot ont fait date ; inspirés du Louvre de Philippe Auguste, avec des variantes plus ou moins libres, comme celles des Dreux dont les architectes imaginèrent des plans évolués, tous ces ouvrages sont d'une même veine architecturale. Mais, si les caractères de cette architecture sont, à mesure des publications, de mieux en mieux identifiées, il reste à connaître les conditions de leur genèse : André Châtelain propose, à ce sujet, des hypothèses tout à fait neuves pour ce qui concerne le domaine royal et ses confins champenois et briard.

Étudiant, d'une façon globale, les fortifications de l'Ile- de-France, dans le cadre d'un ouvrage à paraître, l'auteur a été, en effet, frappé par la grande homogénéité des statuts sociaux des constructeurs : on y relève, certes, quelques grands noms, tels les Dreux, les Montmorency, les Châtil- lon, mais, à côté d'eux, on trouve un nombre important d'officiers de Philippe Auguste qui, dans la première moitié du xine siècle, alors que les vieilles familles se

taient de leurs fortifications du xne siècle, mirent en chantier des ouvrages considérables, sans rapport avec leur origine sociale. Citons, parmi les plus marquants, le maréchal Henri Clément (Mez le Maréchal), le ehambrier Barthélémy de Roye (Retz), le sénéchal Guillaume des Barres (Diant), le bouteiller Gui IV le Bouteiller de Senlis (Montépilloy), le chevalier Pierre Tristan (Passy-en-Valois).

André Châtelain, au-delà de cette première constatation, a mis en rapport cette liste d'officiers et de grands seigneurs constructeurs de châteaux avec celle des chevaliers qui eurent un rôle particulièrement brillant dans la bataille de Bouvines ; or, la coïncidence ne manque pas d'être frappante, puisqu'on y retrouve, placés au premier plan par les historiens contemporains de Bouvines, la totalité des personnages mentionnés plus haut, hormis néanmoins Henri Clément. Comment ne pas faire la relation, dès lors que la tradition rapporte que Pierre Tristan fut, après avoir sauvé le roi dans la mêlée de Bouvines, richement doté par ce même roi ; de même, comment ne pas être frappé de cette coïncidence, lorsque l'on voit que ce chevalier, d'origine fort modeste, fut en mesure de construire un château d'une superficie considérable. Tous ces chevaliers, placés au premier plan de la bataille, s'enrichirent notablement à l'issue de celle-ci, grâce aux rançons de leurs prisonniers, comme l'atteste par exemple le cas de Gaucher de Châtillon ; par ailleurs, ils bénéficièrent de la faveur royale, ce qui seul peut expliquer qu'ils aient pu entreprendre des chantiers de cette taille.

Mais, au-delà de cette première hypothèse, l'auteur propose, en outre, de voir dans cette floraison de nouveaux ouvrages aux mains de chevaliers d'importance, en moyenne, modeste, mais bénéficiant de l'entière confiance royale, un plan stratégique de Philippe Auguste face à la dynastie champenoise dont il tentait alors de brider la puissance : le cas de Passy-en-Valois semble en être la preuve la plus manifeste, dans la mesure où la terre dont fut doté Pierre Tristan était située à l'extrême limite orientale du domaine royal, dans le comté de Valois que le roi venait de s'attribuer, face aux châtellenies champenoises de Neuilly-Saint- Front et d'Oulchy-le-Château. Cette série d'hypothèses, entièrement neuves, nous l'avons dit, est évidemment du plus haut intérêt pour la connaissance de la politique royale vis-à-vis de ses vassaux : elle montre, d'une part, une volonté royale de faire pièce aux anciennes, et turbulentes, familles de l'Ile-de-France, grâce à une génération d'hommes neufs qui, bénéficiant de la confiance royale, reçurent tout à la fois le droit, mais aussi les moyens, d'édifier des forteresses damant le pion aux plus puissantes de celles qui s'étaient édifiées au xne siècle. Par ailleurs, les cas de Passy en- Valois ou de Diant pourraient prouver une nette volonté du roi de marquer la frange orientale de ses domaines, face aux comtes de Champagne.

Si l'auteur présente cette série d'hypothèses comme fragiles, il n'en reste pas moins qu'elles sont bien tentantes à adopter : sans doute André Châtelain, dans son ouvrage en préparation sur la fortification dans l'Ile-de-France, nous donnera-t-il d'abondants compléments à sa riche argumentation. — - André Châtelain, La nouvelle architecture militaire du XIIIe siècle en Ile-de-France. Quelques hypothèses, dans Liber Castellorum, feestbund voor Prof. Dr. J. G. N. Renaud, Zutphen (Pays-Bas), 1981.