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L'appareil à bossages dans l'architecture militaire

[compte-rendu]

Année 1982 140-4 p. 349
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Architecture civile et militaire

L'appareil à bossages dans l'architecture militaire. — L'utilisation du bossage dans l'architecture militaire médiévale est une des nombreuses questions encore sans réponse posées par ce type de constructions : car les études qui y ont été consacrées d'une façon détaillée n'existent pas en France, et, si certaines existent en Allemagne, elles ne sont quasiment pas connues des spécialistes français. Dans notre ouvrage consacré à Provins, nous avions réservé quelques pages à ce type d'appareil, afin de cerner les zones privilégiées de diffusion, et les influences possibles ; notre confrère allemand Cord Meck- seper vient, par un brillant travail de synthèse, de préciser l'ampleur du phénomène en France, en le replaçant par ailleurs au sein des courants architecturaux de l'Europe et du Moyen Orient.

Rappelons les résultats qui peuvent être aujourd'hui considérés comme certains : au vu d'une carte des ouvrages possédant des bossages en France, il est possible de mettre en évidence un secteur privilégié incontestable, celui du Sud-est, basé sur la Côte est de la Provence et l'ancien comté de Nice, et sur l'axe rhodanien au sud de Lyon d'autre part. Les ouvrages de cette zone sont datés, d'une façon approximative pour la plupart ,dans une plage allant du xie au xive siècle. Un deuxième groupe, moins localisé dans l'espace encore qu'une zone privilégiée apparaisse dans la région de Carcassonne et le bas Languedoc, peut être caractérisé par sa plage de datation et son contexte socio-politique : il s'agit des ouvrages bâtis dans la seconde moitié du xme et dans les premières années du xive siècle par les rois de France et leur entourage direct. Lorsque nous avions tenté d'apprécier ce phénomène, nous avions pu recenser 50 sites se répartissant dans les deux groupes ; Cord Meckseper a notablement agrandi l'échantillon, puisque 30 ouvrages supplémentaires sont apportés par son propre recensement, permettant de mieux cerner géo- graphiquement et chronologiquement la diffusion dans le sud-est de la France.

Ayant fait cet inventaire, l'auteur, avec raison, rappelle ce qui peut être considéré assez légitimement comme l'une des causes de la localisation du phénomène aux xne et xme siècles, à savoir l'influence des constructions romaines à bossages de la Provence et du Languedoc. Puis il tente de brosser un tableau des pays touchés par le phénomène : l'Allemagne et l'Alsace, bien sûr, où le bossage apparaît dès 1150 au Haut Königsbourg, le Moyen-Orient et la Cilicie,

avec des exemples dès la seconde moitié du xne siècle, le Royaume des Deux Siciles, où des recherches récentes ont prouvé que le château normand de Bari possédait des bossages dès la même époque, enfin l'Italie du nord, par exemple à Milan en 1171. La Grèce franque semble n'avoir pas été marquée par le phénomène, d'une façon d'ailleurs curieuse car les exemples antiques ne manquaient pas.

Quelles conclusions tirer de cet ensemble de données, malheureusement très simplifié et schématisé au sein de ce compte rendu ? Cord Meckseper commence par souligner la nécessaire prise en compte de l'environnement : ainsi, de région à région, de pays à pays, l'emploi du bossage peut être spécifiquement lié à l'architecture militaire, ou au contraire s'étendre à tous les édifices, militaires, civils et religieux ; il peut être lié à un groupe très homogène de constructeurs, comme en France aux xme-xive siècles, ou au contraire se retrouver d'une façon prodigieusement développée chez tous les constructeurs, comme en Allemagne au xme siècle.

Aussi le phénomène ne saurait-il être cerné, au stade encore balbutiant où en est son étude, en termes de familles ou d'écoles liées à des contextes socio-politiques ou à des transferts de pouvoirs. D'une façon bien plus raisonnable, l'auteur propose de considérer chaque groupe localisé comme le résultat d'une mode, ayant sa chronologie propre et ses raisons, dérivant d'exemples communs à toutes, par exemple l'architecture antique. Enfin, Cord Meckseper en arrive à proposer une notion qui nous est chère : dans la mesure où les groupes de bossages peuvent être identifiés à des « modes locales », doit-on vraiment les considérer comme des éléments militaires, ou bien plutôt comme un procédé décoratif et symbolique ? Ce second aspect ne doit en tout cas pas être négligé, comme le prouve le fait que les portes d'enceinte furent souvent les seuls éléments appareillés en bossages dans toute une enceinte.

Cord Meckseper apporte donc, pour le domaine des bossages, une fort belle synthèse, et l'on ne peut qu'admirer le brio avec lequel l'auteur traite de la fortification ainsi que des ouvrages castraux et urbains français. Il reste à espérer qu'une telle étude pourra servir de base à des travaux approfondis en France, montrant tout à la fois l'intérêt de recensements aussi exhaustifs que possible, mais aussi celui de travaux en profondeur sur chacun des sites concernés. Car, en se restreignant au cadre unique de la France, nombre de données sont encore bien mal connues : pensons en particulier à celles qui concernent l'intégration des bossages, militaires au sein des appareils du même type employés dans l'architecture religieuse et civile. Seules des études détaillées permettraient maintenant de sortir du champ des hypothèses de travail, pour en venir à des éléments statistiques et historiques. — Cord Meckseper, Über die Verbreitung und Zeitstellung des Buckelquaders in Frankreich, dans Burgen und Schlösser, Cahier 19882/1, p. 7-16.

Jean Mesqui