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Galeries intérieures et extérieures dans châteaux et manoirs bretons

[compte-rendu]

Année 1998 156-3 p. 309
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Galeries intérieures et extérieures dans châteaux ET MANOIRS BRETONS. - Le terme de « galerie » est assez

ET MANOIRS BRETONS. - Le terme de « galerie » est assez vague pour recouvrir des réalités fort différentes dans l'architecture des siècles passés. Notre confrère Jean Guillaume a livré, voici quelques temps, une contribution essentielle pour la connaissance de la « galerie » au sens pratiqué durant le Moyen Âge, à la Renaissance (voire bien plus tard, comme le prouve l'appellation de « Galerie des glaces » à Versailles) (1) : un espace de circulation, de délassement, voire même d'exercice physique en marge des salles d'apparat et des chambres de la résidence seigneurale ou princière.

Christophe Amiot, architecte des Bâtiments de France d'Ille-et-Vilaine, et par ailleurs délégué régional de la SFA pour la Bretagne, a livré en 1996 un excellent article sur le château du Rocher-Portail à Saint-Brice-de-Coglès, avec un développement consacré en particulier aux galeries de ce château, et aux galeries bretonnes. Ce château méconnu fut bâti au début du XVIIe siècle par Gilles Ruellan, financier breton qui joua un rôle considérable dans les relations entre la Couronne et les Etats de Bretagne, et s'enrichit de façon tout aussi considérable - d'une façon qui lui aurait valu aujourd'hui des foudres de la justice... Il s'agit de l'un des exemples les plus aboutis du château quadrangulaire sur cour, formé par un corps de logis principal flanqué par deux ailes, le tout étant fermé par un mur de clôture. Christophe Amiot montre combien ce schéma, tout classique qu'il soit, fut l'apanage d'une minorité d'édifices fort prestigieux, parmi lesquels figure le fameux Kerjean.

Au-delà du caractère exemplaire de ce château pour son programme d'ensemble, la place occupée par les galeries se révèle très importante. L'aile Nord présente une aile entière consacrée à une galerie de rez-de-chaussée à arcades ouverte sur cour, surnomtée d'une « salle-galerie » de premier étage conforme à la typologie établie par Jean Guillaume. Christophe Amiot montre que les constructions du XVIe siècle en Bretagne usèrent fréquemment du procédé architectural, dans des constructions de type manorial. Le Cambout à Plumieux (malheureusement détruit), Lezhildry à Plouguiel, Beauregard à Baguer-Morvan, mais aussi Chateaubriand, La Moussaye à Plénée-Jugon, Kernabat à Plouisy, sont autant d'exemples de cet usage courant de l'aile formant galerie à double niveau - rez-de-chaussée à arcades et premier étage fermé servant d'espace de circulation et de délassement. Le Rocher-Portail fournit un magnifique exemple de cet usage, dans la continuité de la tradition architecturale de ces édifices plus anciens.

Christophe Amiot, après une analyse des édifices contemporains, propose d'attribuer la paternité du château et de sa galerie à l'architecte Thomas Poussin, architecte du Roi qui exerça à Saint-Malo et Rennes. - Chr. Amiot , « Observation sur le plan quadrangulaire et la galerie dans les châteaux bretons (1575-1640). L'exemple du Rocher-Portail à Saint-Brice de Coglès », dans Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne, t. 74, 1996, p. 519-561.

Tout différent est l'article écrit par notre confrère Gwyn Meirionjones, l'un des meilleurs spécialistes de l'architecture manoriale bretonne, avec Michel Nassiet, de l'Université de Nantes, à propos des galeries intérieures du manoir de Pontcallec, disparu aujourd'hui. Le point de départ de l'article est constituée par des lettres de rémission accordées par François Ier à Lancelot de la Villeneuve en février 1520, à la suite d'une rixe et d'un meurtre commis dans la salle de Pontcallec. Les auteurs se livrent ici à une minutieuse restitution du crime, et surtout du théâtre de ce crime, dans le but de démontrer que ce manoir offrait à l'époque une grande salle de rez-de-chaussée couverte d'une charpente lambrissée, encadrée de blocs de chambres à deux niveaux. Un escalier de bois conduisait depuis le sol de la grande salle au premier étage ; il donnait sur une galerie intérieure en surplomb sur la grande salle, mentionnée dans les lettres de rémission.

C'est l'occasion pour les auteurs d'insister sur la fonction jouée par un autre type de galerie que celui analysé par Jean Guillaume dans son article précité. Il s'agit des galeries formées de coursières en bois en encorbellement, à l'extérieur du monument comme à la Rochejagut, voire à l'intérieur comme à Pontcallec. S'il ne s'agissait pas, comme dans les grandes et vastes galeries des châteaux princiers depuis le XVe siècle, d'espaces de circulation ou de délassement à part entière, ces galeries-coursières pouvaient être dotées de cheminées, voire de lits. Bien que les auteurs n'y fassent pas référence, on en connaît, hors de la Bretagne, de multiples exemples ; l'un d'entre eux se voit encore à Plieux en Gascogne, et la lecture des comptes nombreux de la fin du XIVe et du XVe siècle montre que ce type de galeries fut extrêmement fréquent.

Cet article fort amusant montre tout le parti qui peut être tiré d'un texte historique, lorsque l'on connaît suffisament le contexte architectural contemporain : on sait que Gwyn Meirionjones possède parfaitement le contexte breton - G. Meirionjones, M. Nassiet, « La salle manoriale à Pontcallec en 1520 et le problème des galeries intérieures », dans Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne, t. 75, 1997, p. 187-204.

Jean Mesqui.

(1) J. Guillaume, « La galerie dans le château français : place et fonction », dans Revue de l'Art, 1993, p. 32-42.