Couverture fascicule

Anne Michel, Les églises d'époque byzantine et umayyade de la Jordanie (provinces d'Arabie et de Palestine), Ve-VIIIe siècle. Typologie architecturale et aménagements liturgiques, Turnhout, Brepols, 2001, 471 p.

[compte-rendu]

Année 2006 164-1 p. 131
Fait partie d'un numéro thématique : L'architecture en Terre Sainte au temps de Saint Louis
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Anne MICHEL, Les églises d'époque byzantine et umayyade de la Jordanie (provinces d'Arabie et de Palestine), V-VIIf siècle. Typologie architecturale et aménagements liturgiques, Turnhout, Brepols, 200 1 , 28 cm, 471 p., fig., cartes et plans en n. et bl. - ISBN : 2-503-51172-4, 86 €.

{Bibliothèque de l'Antiquité tardive, 2).

Il est certains ouvrages dont on hésite a faire la recension, tant la somme qu'ils constituent décourage le modeste lecteur d'effectuer le moindre compte-rendu critique. Le livre publié par A. Michel entre dans cette catégorie, d'autant que ses deux préfaces par le professeur N. Duval et le père M. Piccirillo constituent, de par l'expertise de ces deux auteurs, ce qui devrait être la présente recension. Mais la qualité de cet ouvrage, malgré le temps passé depuis sa publication, est un puissant encouragement à se livrer à l'exercice périlleux de la recension - sans pour autant se mesurer à la science de l'auteur et de ses patrons. Je dois dire, en premier lieu, à sa lecture, que parfois je me prends d'une jalousie féroce envers ceux qui étudient, comme A. Michel, l'architecture et l'archéologie des églises byzantines de la Jordanie, voire d'autres régions du Proche- Orient. La majorité d'entre elles conserve, en effet, des restes de mosaïque qui, tout simplement, fournissent, grâce à la présence d'une inscription, la datation de l'édifice - certes, approximative... Parfois, je me prends à pester contre ces hommes incultes du bas Moyen Âge qui n'avaient pas cette pensée pour leurs descendants lointains, celle de dater leurs édifices, laissant ouvert le champ d'interprétation aux historiens et archéologues qui se trouvent forcés de bâtir force théories, filiations et enquêtes.

L'ouvrage d'A. Michel frappe par la richesse du sujet - ou plutôt par le nombre des édifices qui constituent celui-ci. Le visiteur moyen de la Jordanie court de grand site en grand site, visitant quelques églises au fil de ses pérégrinations du nord au sud, entre les palais

du désert et les châteaux francs ou musulmans ; se doute-t-il des dizaines de sites, des villes importantes ou simples bourgades, qui conservent les ruines d'églises byzantines toutes décorées de mosaïques aux riches décors ? Se doute-t-il du fait que ces églises possèdent encore les témoins concrets, autels, ambons, sièges, estrades, enceintes ou reliquaires, qui permettent de décoder les rites et les liturgies dans leur évolution du V au VIIL siècle ? Sans doute pas ; c'est pourquoi ce livre est précieux. Il se compose de deux parties ; je commencerai par la seconde, qui est un inventaire de tous les sites reconnus à la date de 1998, date de fin de la thèse de l'auteur. Ce riche inventaire comprend des notices par sites, accompagnées de plans, photographies, ainsi que de l'épigraphie contenue dans les mosaïques, qui souvent permet de dater les édifices. Les notices sont regroupées par province d'administration byzantine, avec des subdivisions par évêchés ; chacune d'entre elles est accompagnée d'une bibliographie substantielle. La première partie constitue le corps de l'ouvrage, avec une remarquable synthèse qui aborde successivement l'organisation ecclésiastique, le mode de répartition des églises dans les cités et les campagnes. L'auteur aborde ensuite la question des typologies de plans et de couvrements des édifices, et examine la question de l'ornementation des sols en fonction de ces plans.

L'analyse comparée des éléments de mobilier liturgique constitue, d'une certaine façon, le cœur de l'ouvrage, puisqu'il conduit à la restitution de l'évolution de la liturgie dans ces édifices - perits ou grands. La mise en parallèle des éléments architecturaux et des éléments mobiliers permet à l'auteur de distinguer entre les grandes basiliques urbaines, où l'on assiste à une extension croissante de l'espace réservé au clergé, des chapelles et églises de campagne ; à partir de la seconde moitié du VL siècle s'impose dans le chœur une table d'autel fixe à quatre pieds, à laquelle succède au siècle suivant une table à piètement maçonné, alors que l'ambon apparaît au début du VIL siècle. La place des reliques est également importante, placée sous l'autel, puis dans l'autel ; le culte des reliques, en constante progression, entraîna l'apparition de chapelles annexes ou de petits martyria.

Cet ouvrage, nourri des recherches les plus récentes, à la date où il a été publié, constitue

une somme irremplaçable pour la connaissance des églises byzantines de Jordanie ; il est une puissante invitation à revisiter le pays à la recherche de tous ces sites mal connus du visiteur pressé.

Jean Mesqui