Couverture fascicule

Christian Remy, Seigneuries et châteaux en Limousin. Limoges, Culture et patrimoine et Limousin. T. 1, Le temps du castrum, Xe-XIVe siècle, 2006, 160 p., t. 2, La naissance du château moderne, XIVe-XVIIe siècle, 2005.

[compte-rendu]

Année 2007 165-4 pp. 396-397
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Christian REMY, Seigneuries et châteaux- en Limousin, Limoges, Culture et Patrimoine en Limousin, 24 cm, fig. et ill. en coul., cartes, lexique, index. T. 1, Le temps du castrum, X-XIV siècle, 2006, 160 p., ISBN : 2-911 167-48-1, t. 2, La naissance du château moderne, XIV-XVIF siècle, 2005. - ISBN : 2-91 1167-43-0, 39 € le vol.

Le Limousin médiéval est encore, sous bien des aspects, une terra incognita. La remarque est particulièrement fondée en ce qui concerne l'architecture civile, même seigneuriale, comme en atteste une rapide consultation de la bibliographie disponible '. Voilà néanmoins quelques années qu'un petit groupe de chercheurs, dont P. Conte et Chr. Rem y, s'est attaché à l'étude des demeures chevaleresques et seigneuriales. Fous deux unissent notamment leurs efforts depuis une décennie sur le site de Chàlucet (c. de Saint- Jean-l.igoure, Haute-Vienne) et l'œuvre de Ciéraud de Maulmont (Chr. Rem}', « Chàlucet et les châteaux de maître Géraud ele Mauimont », Bull mon., 2001-2, p. 113-141).

Chr. Remy, l'un des meilleurs connaisseurs de cette architecture régionale, donne en deux volumes une somme d'un intérêt exceptionnel, tant pour la province que pour le Midi aquitain. Grâce à lui, le Limousin bénéficie dorénavant d'une synthèse historique qui propose les grandes lignes d'une évolution et de très nombreux axes pour d'ultérieures recherches. Le grand Sud-Ouest se voit ainsi pourvu sur son flanc nord-est d'une vue d'ensemble qui intègre les terres limousines dans la civilisation occitane, puis dans les développements consécutifs à l'emprise de la monarchie, tout en rendant justice à leurs spécificités.

Le premier volume est consacré au temps des castra, des racines encore obscures du X siècle jusqu'à leur dépérissement au cours du XIV siècle. Fauchant le cadre historique, la constitution de puissantes vicomtes et l'arrière- plan sociologique de ce maillage spatial, l'auteur propose une généalogie des castra, un tableau de leur épanouissement aux XIL et XIIL siècles, puis amorce une description de leur décadence, au temps de «la dissolution des milices castrales ». La présentation de très nombreux sites répartis sur les trois départements de la région actuelle, qui regroupe le Haut-Limousin et le Bas- Limousin avec la Marche, est accompagnée de croquis topographiques particulièrement évoca- reurs de la géographie de ces castra ; il donne à comprendre ce qu'est un castrum, sous ses différentes extensions, dont la plus expressive est un habitat, souvent perché, qui rassemble les demeures de plusieurs lijrnasîes de co-seieneurs.

dominant en général un habitat subordonné établi en contrebas (voir la lumineuse définition proposée p. 45, 47 et sq.). Chr. Remy restitue l'organisation de beaucoup de ces sites, très perturbés, et dont certains, notamment en plaine, ont perdu quasiment tout souvenir des logis chevaleresques : ainsi à Dournazac (Haute- Vienne), où le château de la fin du Moyen Âge a inclus dans ses murs une des tours des lignages, mais a absorbé la substance des autres en les effaçant du sol.

Attentif à toutes les particularités que peuvent dicter aux implantations le relief, les voies de communication ou les frontières des grandes vicomtes, l'auteur ne propose aucun schéma rigide, mais un système de concrétion des groupes chevaleresques, qui correspond au temps de l'établissement de nombreux lignages dans des enceintes réduites, autour d'un ou plusieurs lignages dominants.

L'habitat prit dans les castra et dans leurs abords diverses formes, décrites à partir d'exemples choisis. Le programme le mieux connu et bien conservé sur de nombreux sites est bien sûr la tour, dont abondent les exemples, ele Chàteau-Chervix à Merle ; mais l'auteur prend également soin de décrire des salles (Ségur), et des résidences plus importantes à salle et tour (Châlus). Il insiste également sur les repaires, logis plus isolés, qui se multiplient dès le milieu du XIIL siècle, tel celui peu connu de Tranchelion, à Pierre-Buffière. Sont également évoquées les relations entretenues entre ces logis et les formes prises par l'habitat groupé, tant bourg subordonné, que bourg castrai ou paroissial.

L'ouvrage est très attentif aux structures bâties et aux formes, et propose plusieurs analyses de demeures, accompagnées d écorchés ; il tente aussi les premières esquisses d'une chronologie des baies et reproduit de nombreux documents anciens et clichés de sculptures. C'est que, historien médiéviste particulièrement sensible aux informations fournies par la topographie et les constructions, l'auteur se fait historien de l'architecture et archéologue du bâti, donnant une parfaite illustration de l'archéologue honnête homme, protagoniste trop rare de l'archéologie monumentale. Faisant appel aux sources, chartes et chroniques, il donne une peinture vivante d'un habitat, d'une structure sociale et d'une organisation du pouvoir qui s'apparentent beaucoup à ce qui a été bien mis en évidence dans le proche Périgord, comme en Quercv ou en Languedoc (voir, en particulier G. Séraphin et Chr. Remy, « Le château d'F'xcideuil », Cougr. arch. de France. Périgord, 1998, p. 195-228) !

Dans le second volume, Chr. Rem}' évoque d'abord le contexte difficile de ces époques troublées, qu'il s'agisse de la guerre de C'eut Ans, ou des guerres de Religion. La guerre dite

« franco-anglaise », d'abord, qui fut en fait une guerre de bandes mettant en coupe réglée la région sous couvert d'une affiliation « politique » douteuse, rappelant à nos esprits des guerres bien proches de nous qui ont marqué - et marquent encore toutes les régions troublées du globe ; les guerres de Religion au siècle suivant, où l'affiliation « politique » se para par surcroît d'une affiliation religieuse, l'effet étant exactement le même.

Dès le début du XV siècle, le paysage seigneurial et castrai s'était radicalement modifié, sous l'impulsion de plusieurs facteurs : extinction des lignages originels, du fait de la mort à la guerre, de l'appauvrissement, ou encore du bannissement de certains seigneurs et de la confiscation de leurs châteaux ; de leur ruine ; désertion des grands castra par leur population noble, les milites castri, les chevaliers du château, qui allaient s'installer sur les terres qu'ils avaient acquises, préférant avoir leur propre demeure fortifiée que d'habiter au sein de grandes enceintes mal entretenues, voire croulanntes.

À partir du milieu du XV siècle, la paix revenue, non sans alertes ou troubles spora- diques, s'ouvrit une période d'activité intense de reconstruction, de 1450 à 1540 environ ; les constructeurs étaient, bien sûr, les chefs d'anciennes familles qui avaient pu surmonter la période noire, mais aussi toute une aristocratie montante, venant des milieux de robe ou du commerce. Fauteur s'interroge sur les problèmes que posa cette « massive vague de construction » en termes d'approvisionnement, voire de ressources financières ; il montre qu'on utilisa, dans de nombreux cas, les pièces d'anciens édifices ruinés, tout simplement dépecés pour offrir des matériaux moins chers. Ees guerres de Religion, à partir des années 1540, allaient entraîner un phénomène de « remilitarisation » des édifices, afin de s'adapter à des techniques de défense légères utilisant les armes à feu ; pour autant, les maîtres d'ouvrage n'étaient pas prêts à sacrifier leurs exigences résidentielles, et, comme partout en France, cette phase allait conduire surtout au percement systématique de canonnières dans les édifices.

Après l'évocation historique du contexte limousin, l'auteur consacre plus de la moitié de son livre à l'architecture, dont il dresse une analyse pertinente et fort pédagogique. 11 distingue plusieurs grands partis : le « château sur cour », les « hauts logis à refend et tour d'escalier », les « grosses tours résidentielles autonomes ». Le premier type de châteaux n'est pas propre au Limousin, le second, en revanche, est très spécifique à cette région et aux régions limitrophes. Chr. Remy consacre de belles pages à ces logis massés, très souvent flanqués de tourelles d'angles, pourvus d'une tour d'escalier sur la grande face, qui accueillaient la résidence

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