Couverture fascicule

La maison haute dans l’ancien diocèse de Genève

[compte-rendu]

Année 2013 171-3 p. 266
doc-ctrl/global/pdfdoc-ctrl/global/pdf
doc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/resetdoc-ctrl/global/reset
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
Page 266

italiens et français de l’époque (elles introduisent même dans les allégories des attributs inédits : le char de l’amour tiré par une colombe et un chien aux ailes d’or, un frein dans la bouche de la chasteté, la mort représentée par les Parques), les textes en français sont sans lien direct et connu avec les manuscrits et les premières éditions de l’oeuvre de Pétrarque et en particulier avec les premières traductions ; ils correspondent à des «moralisations » en vers, selon un genre très développé à la fin du xve

siècle bien au-delà des milieux auliques, et dont la fonction était souvent d’offrir des légendes à des mises en images. tant par le sujet qu’il illustre que par les textes qu’il met en jeu, le vitrail d’ervy apparaît, à sa date, comme une pièce exceptionnelle, un unicum.

La remarquable étude de Laurence Riviale, qui joint la plus exacte méthode documentaire à la prudence des conclusions, marque une étape décisive dans l’interprétation de ce monument de l’art français et des relations lettrées entre la France et l’italie ; elle éclaire la diversité des traditions mises à contribution dans cette représentation si riche de significations qu’elle décrypte minutieusement. Le vitrail d’ervy, en effet développe le thème du triomphe, mais il repose aussi sur la combinaison de différentes sources graphiques ; il est ainsi, selon une suggestion déjà ancienne, à mettre en relation avec l’illustration des livres d’heures, imprimés et manuscrits, dont troyes était alors un des principaux centres de production. ceux-ci offrent des correspondances précises avec la représentation d’atropos et de l’homme astrologique dans le squelette du triomphe de la mort, la mort du vitrail présentant même une réelle parenté stylistique avec l’écorché des Heures de simon vostre (1489). ces mêmes livres d’heures, de façon plus inattendue, intègrent aussi la représentation triomphale à l’antique, avec les

Triomphes de César. sur les vitraux, la représentation des différents triomphes, par sa manière frontale, se distingue de toute la tradition iconographique italienne et française, fondée sur un déploiement latéral destiné à donner l’impression du déroulement d’un cortège (même si, en fait, il convient de distinguer la dimension frontale de chaque allégorie de la position latérale du char sur lequel elle est placée, qui lui continue à s’inscrire dans un défilé). sur cette base, L. Riviale peut analyser les figures comme un «jeu de personnifications » , porteur d’une symbolique complexe, étrangère à l’oeuvre de Pétrarque, mais qu’il semble possible de rapprocher d’autres figures, telles que celles des jeux de cartes, et en particulier celles du tarot. ce rapprochement est d’autant plus suggestif que le tarot, qui s’est diffusé au cours du xve siècle en italie et en France, était alors appelé Ludus triomphorum ou carte da triomfi, en relation possible, du moins sous certaines formes, avec les Trionfi de Pétrarque. L. Riviale formule l’hypothèse aussi séduisante que vraisemblable que le vitrail d’ervy en combinant ces éléments figuratifs et culturels constituerait un véritable «Jeu des triomphes » , capable d’offrir non seulement des images statiques, mais un sens que des esprits cultivés, formés à la symbolique chrétienne et profane et aux arts de mémoire (et cela est d’autant plus intéressant que le commanditaire est une dame), savaient à chaque fois recréer pour un usage dévot, que les rigoureuses prescriptions de la Réforme catholique en matière d’images pieuses nous ont fait oublier. – Laurence Riviale, «Le vitrail et le Jeu des triomphes : Pétrarque à ervy-le-châtel, livres d’heures, dévotion mariale et cartes à jouer » ,

Revue de l’Art, n° 179, 2013, 1, p. 23-33. Jean balsamo

Architecture castrale suisse et savoyarde

XIIe-XVIe siècle

La maison haute dans L’ancien diocèse de Genève. – notre confère matthieu de La corbière dont les domaines de recherche privilégiés concernent l’architecture et l’urbanisme à Genève au moyen Âge ainsi que la fortification médiévale dans les anciens états de la maison de savoie, a consacré récemment une intéressante étude au concept de «maison haute » (domusalta) du xiie au xive siècle dans le diocèse de Genève 1. ce terme désignait à l’origine un édifice turriforme en pierre, indissociablement associé à une maison basse résidentielle qui lui était adjacente ou au moins voisine, le plus souvent construite en bois ; il ne s’agissait pas d’une construction à vocation d’habitation, l’auteur en concluant que, peut-être, l’origine s’en trouve dans une fonction de grenier surélevé et légèrement fortifié en raison de son caractère maçonné. La construction de telles maisons hautes semble avoir été très étroitement encadrée par les princes et la grande aristocratie, qui veillaient jalousement à éviter que leurs vassaux ne se dotent de fortifications, même peu développées. en revanche, le conflit delphino-savoyard entraîna à partir de la fin du xiiie siècle une situation d’insécurité qui vit se multiplier ce type de résidences, ainsi que leurs composantes fortifiées : hauteur des édifices, tours et crénelages, fossés et enceintes. au point d’ailleurs qu’au bout du compte, la typologie originelle laissa place à des formes plus usuelles, le couple maison haute / maison basse marquant le pas par rapport à des maisons fortes classiques – maisons-tours ou au contraire enceintes fortifiées. voici donc une publication qui apporte d’utiles précisions à la clarification d’une typologie délicate à établir. – matthieu de La corbière, «La maison haute dans l’ancien diocèse de Genève (xiie-xvie siècles » , dans Bulletin de la SHAG, Revue annuelle de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Genève, 2010, n° 40, p. 3-18. Jean mesqui

1. cet article reprend en partie la communication effectuée lors de la table ronde sur La maison noble rurale au Moyen Âge : histoire et archéologie (Lyon, 2006), m. de La corbière, «La maison haute dans l’ancien diocèse de Genève : étude typologique d’après les sources (xiie-xve siècles) » .

Le chÂteau decLeRmont (haute-savoie). – en 1630, lors de l’attaque du duché de savoie contre charles-emmanuel ier, Louis xiii obtint sans coup férir la reddition de la forteresse de clermont où le duc avait assemblé une forte troupe ; le roi, soucieux de prévenir toute utilisation du château à son revers, donna l’ordre de l’abattre. neuf ans plus tard, le duc de savoie donnait le coup de grâce, en faisant don des matériaux du bâtiment ruiné. aussi n’est-ce pas du fait de cet ancien château que clermont est le mieux connu : c’est à cause du château épiscopal construit en 1577-78 par Gallois Regard, camérier du pape Paul iv et dataire de Pie iv, abbé et prieur commendataires de plusieurs abbayes et prieurés, évêque de bagnoreggio en italie. cet édifice de la Renaissance prit place dans l’ancien «plain-château » ou basse-cour noble, du château médiéval qui, dès cette époque, n’avait plus les faveurs ducales. matthieu de La corbière, grâce au dépouillement partiel d’un grand nombre de sources concernant ce château médiéval, nous entraîne dans une passionnante restitution de ce site considérable par son ampleur et son importance passée. il paraît être entré dans les possessions des comtes de Genève sous Guillaume ier, entre 1178 et 1205, et demeura comme l’une des plus importantes châtellenies du comté jusqu’en 1350 ; après le milieu du xive siècle, les comtes transportèrent leur résidence plutôt au château de La balme à sillingy. en 1394, le comté tomba en quenouille ; il fut contesté, et le château assiégé, mais dès 1402 l’ensemble passa aux mains d’amédée viii, et demeura dans le patrimoine ducal. mais il ne faisait plus partie des sites privilégiés par les princes, et son rôle se réduisit à celui d’un chef-lieu administratif, doublé d’un corset fortifié. Le château, dont il ne subsiste plus pierre sur pierre, était bâti sur un éperon aux flancs 266 Chronique