Couverture fascicule

Thomas Biller, Die mittelalterlichen Stadtbefestigungen. Ein Handbuch, Darmstadt, Philip von Zabern Verlag, 2016

[compte-rendu]

Année 2017 175-4 pp. 428-429
doc-ctrl/global/pdfdoc-ctrl/global/pdf
doc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/resetdoc-ctrl/global/reset
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
Page 428

428 Bibliographie ces châteaux troglodytiques – mais aussi les nombreuses caves-refuge qui leur ressemblent, perchées dans les falaises –, n’offrent plus aujourd’hui que des traces matérielles infimes de leur utilisation passée ; le plus souvent, ils peuvent être reconnus par les aménagements faits de main humaine dans les parois, placards, citernes, voire ouvertures en forme d’archères ; ils présentent parfois jusqu’à trois niveaux superposés, le passage de l’un à l’autre relevant de l’acrobatie. Les auteurs en ont repéré d’autres, dont les sources peuvent ne pas faire mention. Ils penchent pour une origine antique dans la majorité des cas – en tant que refuge ou en tant qu’ermitage ; quant à la fonction, elle pouvait aller du simple refuge pour les habitants de la contrée, jusqu’au véritable centre administratif pourvu d’une petite garnison propre. Lorsqu’on lit les chroniques relatant les sièges de ces habitats troglodytiques défensifs, on reste perplexe devant leur efficacité ; tous ceux qui furent assiégés finirent par être pris après enfumage des habitants réfugiés à l’intérieur ; on peut même lire dans Usāma ibn Munqiḏ le récit fameux d’un cas, en 1108, où un combattant franc fut descendu depuis le bord des falaises dans une sorte de caisse, et se mit à tirer avec son arc dès qu’il fut devant la gueule du refuge… Ce genre de refuges est évidemment connu de longue date au Proche-Orient, et beaucoup ont été identifiées du sud au nord de la région ; certaines d’entre elles ont été étudiées, en particulier par P. Deschamps. La prospection systématique vient renouveler cette vision, et l’équipe en a même identifié dans des zones jusque-là considérées comme vierges, telle la cave fortifiée de Ẓahr al-Jubaybāt, à deux kilomètres à vol d’oiseau de Ṣāfitā. Le seul regret du lecteur pourrait être dans le livre l’absence de plans et de coupes (à l’exception de Shaqīf Darkūš pour un de ses niveaux), qui aideraient à spatialiser les descriptions littéraires. La deuxième révélation de ce livre et de la prospection croisée sur laquelle il repose, est celle du nombre des tours médiévales, pour la très grande majorité franques, qu’ils ont pu identifier et repérer dans toute la région qu’ils ont étudiée. La carte publiée dans ce chapitre est tout à fait significative, puisque l’on n’y compte pas moins d’une quarantaine de ces tours repérées à l’aide des sources ou sur le terrain. Ce type de constructions avait été repéré par Rey, puis survolé par Deschamps ; on connaissait ainsi Burj Arab, Qal ʽ at Yaẖmūr (Castrum Rubrum) toutes deux proches de

Ṣāfitā, ou encore Burj al-Ṣabī construite après 1204 sur un mamelon dominé par al-Marqab (Margat). B. Major montre que cette floraison de tours est représentative d’un peuplement et d’une occupation du terrain bien plus dense qu’on ne l’estimait jusqu’à présent. Il tente de restituer leur fonctionnalité, mais à vrai-dire la tâche n’est pas simple, car toutes ces tours n’avaient certainement pas une vocation unique. Burj al-Ṣabī était ainsi une tour défensive contrôlant le passage de la route côtière sous al-Marqab, ainsi que la perception du péage sur cette route. Au contraire, Qal ʽ at Yaẖmūr, Burj Arab et d’autres semblent plus liées à une implantation de type «féodal » , la tour n’étant que le noyau d’une enceinte quadrangulaire non flanquée ; dans le premier cas, la fonction résidentielle est évidente au premier étage. D’autres semblent avoir été isolées, et pouvaient constituer un point fort, servant de refuge, de grenier à provision, ou encore de tour de guet et de communication. Ces tours n’ont en général que deux niveaux, voûtés, surmontés par une terrasse crénelée. Le plus souvent, les voûtes sont en arête au profil en berceau brisé, parfois construits d’équerre pour éviter une poussée trop importante sur les murs recevant les voûtes ; il est bien plus rare qu’elles tombent sur un pilier central – l’équipe n’en a recensé que deux. On note dans de rares cas l’existence passée de mezzanines en bois, évidemment disparues ; l’auteur est frappé par la fréquence des accès en rez-dechaussée, ou à peine dénivelés, contrastant avec les traditions régissant la construction des grandes tours maîtresses castrales, mais on remarquera que des tours telles que celle de Saône ou celle de Beaufort, pour ne citer que celles-là, possédaient leur accès au rezde-chaussée. Pour l’auteur, cette tradition régionale révèle le rôle de greniers joué par le rez-de-chaussée de beaucoup de ces tours, lorsqu’elles se trouvaient au centre de lieu de peuplement. L’auteur propose ensuite une synthèse sur les anciens villages, les casaux ou casalia. Mais, à vrai-dire, dans ce domaine la prospection sur le terrain se révèle extrêmement décevante, alors que l’investigation dans les sources conduit, elle, à une frustration relative car il est souvent impossible de faire coïncider une mention littérale avec des restes sur le terrain. C’est donc par la recherche des vestiges d’églises que B. Major aborde ce chapitre, avant de dresser un panorama très complet des voies de circulation, de la gestion de l’eau – l’équipe a ainsi localisé en 2002 un moulin à roue horizontale d’origine franque dans un état de conservation remarquable près de Bānyās, enfin de l’industrie agro-alimentaire médiévale. Puis il dresse un état des divers types de population, chrétiens orientaux, musulmans et nomades. Cet ouvrage est accompagné d’une nombreuse illustration hors-texte, avec de très belles planches de relevés des structures les plus importantes repérées. La maquette très dense n’est pas idéale pour la compréhension de l’articulation entre le corps du texte et les études de cas ; pour autant, il s’agit certainement de la somme la plus importante consacrée à cette région de la Syrie médiévale depuis les travaux de Deschamps, et l’on s’en réjouit. Jean Mesqui

1. Citons en particulier : Ronnie Ellenblum, Frankish Rural Settlements int the Kingddom of Jerusalem, Cambridge, 1998. Denys Pringle, Secular buildings in the Crusader Kingdom of Jerusalem : An Archaaeological Gazetteer, Cambridge 1997 ; non sans rappeler l’ouvrage fondateur, celui de Meron Benvenisti, The Crusaders in the Holy Land, Jerusalem, 1970.

Thomas Biller, Die mittelalterlichen Stadtbefestigungen. Ein Handbuch, Darmstadt, Philip von Zabern Verlag, 2016, 2 vol., 24,5 cm, t. I : 359 p., t. II : 360 p., fig. en n. et bl., glossaire, index. -ISBN : 978-3-8053-4975-8, 129 €, e-pdf : 39,99 €.

Le «manuel » (Handbuch) consacré par notre confrère Thomas Biller aux fortifications urbaines du Moyen Âge de l’aire germanophone se révèle une somme tout à fait remarquable, d’autant que l’auteur affirme dans son introduction qu’il a visité toutes les enceintes et fortifications urbaines des pays de langue germanique, l’Alsace incluse, qu’il évoque dans son ouvrage ; je ne les ai pas comptées, mais le nombre en est appréciable. Cette enquête systématique à laquelle il a consacré une partie de sa vie et de ses voyages débouche sur deux épais volumes, où une illustration de photographies et de plans en n. et bl. abondante vient seule alléger un peu la maquette assez compacte. Le premier volume est consacré à la partie analytique : l’auteur y étudie de façon systématique les éléments techniques (implantation, matériaux) puis les éléments de défense (courtines, tours, tours-portes, portes flanquées, barbacanes, boulevards et ouvrages annexes), puis il propose une synthèse diachronique relative à l’évolution de la conception de ces enceintes. Cette synthèse n’est, après tout, pas si différente de celle qu’on pourrait dresser en France, révélant une variété de situations en fonction de la taille des agglomérations, de leur situation géographique, de leur proximité avec les princes souverains, et du contexte régional d’une façon plus générale.

doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw