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ChroniqueThomas Bach, la marionnette de Poutine

Deux hommes rient.

Le président du Comité international olympique, Thomas Bach (à droite), en pleine discussion avec le président russe Vladimir Poutine en 2015 (photo d'archives)

Photo : Getty Images / Harry Engels

Si Thomas Bach n’existait pas, Vladimir Poutine déploierait sans doute des efforts colossaux pour l’inventer.

La présidence de Thomas Bach à la tête du Comité international olympique (CIO) prendra fin en 2025. Et quand il se retirera, son mandat sera très facile à résumer : on dira de lui qu’il a été constant. Dans le sens où, du début à la fin, il se sera avéré un remarquable pantin pour la Russie.

Après avoir passé ses messages en coulisses depuis plusieurs mois, le CIO a fini par éventer la mèche mercredi dernier. Le CIO a officiellement plaidé pour une participation des athlètes russes et bélarusses aux Jeux de Paris en 2024.

Rappelons qu’en février dernier, en pleine trêve olympique, la Russie a envahi l’Ukraine, un pays démocratique et pacifique, et que la guerre qui en résulte met en danger la sécurité et la stabilité de toute l’Europe, donc, par conséquent, du monde. La semaine dernière, le chef de l'armée norvégienne a dit estimer que 30 000 civils ont été tués et qu’un total de 280 000 combattants sont morts ou ont été blessés depuis cette invraisemblable agression.

Il y a un an, le CIO avait réagi en demandant aux grandes fédérations internationales d’interdire la participation des athlètes russes et bélarusses à leurs compétitions. Mais soudainement, aux yeux de Thomas Bach, il semble que la guerre soit devenue moins grave.

Depuis mercredi, le CIO invoque donc sa mission unificatrice pour faire valoir qu’aucun athlète ne devrait se faire interdire de participer aux Jeux en fonction de son passeport.

La solution du CIO pour marquer son désaccord avec l’invasion de l’Ukraine est une farce : on propose de permettre aux athlètes russes de participer aux Jeux sous un pavillon neutre, à la condition de ne pas avoir soutenu l’invasion de l’Ukraine.

***

Il fait bon ici d’ouvrir une petite parenthèse pour souligner que les athlètes russes ont participé aux trois derniers Jeux olympiques sous un pavillon prétendument neutre. Pourquoi? Parce qu’en prévision des Jeux de Sotchi (en 2014, le gouvernement russe avait mis au point un système de dopage à grande échelle afin de récolter le plus grand nombre possible de médailles.

Des hockeyeurs russes se tiennent par les épaules avec la médaille au cou.

Les athlètes olympiques de Russie avaient remporté l'or en hockey masculin à Pyeongchang. (Photo : Getty Images)

Photo : Getty Images

Ce système était raffiné au point où, durant les Jeux de Sotchi, des agents des services secrets russes s’immisçaient la nuit dans les laboratoires de l’agence antidopage. Ils remplaçaient alors les échantillons d’urine des athlètes russes par des éprouvettes qui contenaient des échantillons propres.

Plus de 1000 athlètes russes ont profité de ce qui est devenu le plus grand scandale de l’histoire du sport et sans contredit la plus grande démonstration de mépris des valeurs olympiques.

Or, la Russie n’a jamais reconnu ses torts. Elle a tardé à payer les amendes ridiculement basses qui lui ont été imposées. L’Agence russe antidopage a mis une éternité avant de remettre ses données à l’Agence mondiale antidopage. Et quand elle l’a fait, les données avaient été falsifiées.

Cette terrible affaire a traîné durant des années. Cependant, tel un boy-scout, Thomas Bach n’a jamais cessé de se battre pour que les athlètes russes continuent de participer aux Jeux… sous un pavillon neutre. Ainsi, au lieu de s’appeler la Russie, la délégation portait le nom d'athlètes olympiques de Russie aux Jeux de Pyeongchang, en 2018. On est ensuite passé à l’appellation Comité olympique russe à Tokyo en 2021, puis à l’acronyme ROC aux Jeux de Pékin l’hiver dernier.

Évidemment, ces sanctions risibles n’ont pas embarrassé Vladimir Poutine une seule seconde. Elles ont toutefois confirmé Thomas Bach dans un humiliant rôle de marionnette. Fin de la parenthèse.

***

La Russie ne devrait donc pas participer aux Jeux de Paris en 2024 pour plusieurs raisons.

D’abord parce qu'à la suite de l’invasion de l’Ukraine, une soixantaine de pays ont décidé qu’au lieu d’envoyer des soldats sur place et de risquer de déclencher un conflit mondial, il valait mieux imposer des sanctions économiques et politiques à la Russie.

Le but de ces sanctions consiste à rendre la guerre la plus insupportable possible pour les élites russes et pour le plus grand nombre de citoyens de ce pays. On accroît ainsi la pression interne sur celui qui a déclenché le conflit.

Il n’y a donc pas de raison qui justifie que les athlètes russes doivent moins subir les contrecoups de la guerre que leurs concitoyens qui travaillent dans les domaines des mines ou du commerce.

En permettant aux athlètes russes de participer aux Jeux, on ira exactement dans le sens contraire des sanctions. On redonnera un vernis de respectabilité à un envahisseur qui tue des civils et qui commet des crimes de guerre, selon des organismes comme Amnistie internationale et Human Rights Watch. On permettra à Poutine de s’exhiber avec des médaillés et de faire comme si les affaires suivaient leur cours normal.

***

Surtout, il faut que la Russie et le Bélarus soient exclus des Jeux de Paris parce que le monde du sport est arrivé à la croisée des chemins et que le droit de participer à de grands événements internationaux n’est pas divin.

De plus en plus de pays autoritaires se servent du sport et de leurs athlètes comme des outils de propagande. Des pays comme la Chine, la Russie, l’Arabie saoudite et le Qatar dépensent des milliards pour présenter de grandes rencontres sportives internationales. Cela leur permet d’embellir leur image et d’accroître leur influence.

Un homme chauve parle derrière une grande table lors d'une rencontre de presse.

Le président de la FIFA, Gianni Infantino, lors de la Coupe du monde au Qatar, l'automne dernier

Photo : Getty Images / Alex Pantling

En flirtant avec des dictateurs qui briment les droits de la personne, qui oppriment leur population, qui attaquent leurs voisins ou qui commettent des génocides, les grandes organisations sportives comme le CIO ne font plus la promotion du respect et de la solidarité humaine. Elles deviennent exactement le contraire de ce qu’elles prétendent incarner. Elles renforcent ceux qui nuisent à l’humanité.

Les boy-scouts comme Thomas Bach croient que les dictateurs du monde finiront par voir la lumière si on fait copain-copain avec eux, en feignant d’ignorer les atrocités qu’ils commettent. C’est pourtant le contraire qui doit se produire.

Le CIO doit adopter une posture morale qui dit ceci : Si vous n’êtes pas fréquentable, vous ne jouerez pas avec nous. Point final.

***

Une telle position ne relève pas de la science-fiction puisque des prédécesseurs de Thomas Bach, visiblement dotés d’une meilleure colonne vertébrale, l’ont adoptée par le passé.

Par exemple, en 1948, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne et le Japon n’ont tout simplement pas été invités aux Jeux de Londres.

Les athlètes d’Afrique du Sud ont par ailleurs été exclus des Jeux olympiques pendant presque 30 ans, de 1964 à 1992, parce que leur gouvernement pratiquait l’apartheid.

Oui, les athlètes sud-africains ont été exclus des Jeux durant une aussi longue période spécifiquement en raison de leur passeport. Et cette incroyable pression, qui s’est ajoutée à d’autres sanctions internationales, a fini par mettre fin aux politiques de ségrégation raciale dans ce pays.

Mené par un type comme Thomas Bach, qui préfère se fermer les yeux, se boucher les oreilles et défendre la place des oppresseurs, le CIO ne pourra jamais contribuer à un tel progrès humain.

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