Au pays des décisions consensuelles et de la lenteur qui en découle, on sait parfois se montrer brutal et rapide, mais il faut vraiment que l’heure soit grave.
Elle l’a été pendant tout le week-end à Berne, où d’intenses tractations se sont déroulées au Bernerhof, le ministère suisse des finances, en présence d’un aréopage inédit de banquiers et de responsables politiques. Leur unique mission visait à éviter la catastrophe annoncée pour lundi matin 20 mars sur les marchés financiers internationaux en cas d’échec des négociations. Dès vendredi soir, les participants à cette séance de crise quasi ininterrompue ont multiplié entrées et sorties du ministère sans un mot pour les journalistes, les traits de plus en plus tendus.
Le casting ? Les sept conseillers fédéraux (ministres), soit l’intégralité du gouvernement ; le président de la Banque nationale suisse (BNS), Thomas Jordan, ceux des deux banques, Colm Kelleher (UBS) et Axel Lehmann (Credit Suisse), en présence des experts de la Finma, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers, et de plusieurs hauts fonctionnaires des finances fédérales. En jeu, rien moins que l’avenir de la place financière helvétique, menacée par l’implosion de Credit Suisse, une des deux grandes banques historiques de la Confédération.
Encore impensable il y a quelques semaines, la disparition de l’un des fleurons de l’histoire économique du pays alpin a été actée dimanche 19 mars à 19 h 30 quand, l’air grave, le président suisse en exercice, Alain Berset, a annoncé le rachat de Credit Suisse par UBS pour 3 milliards de francs (3 milliards d’euros), payables en actions UBS, pour une banque qui en valait près du triple vendredi à la clôture des marchés.
Habituellement non interventionniste en raison de son credo libéral, l’Etat fédéral helvétique soutient l’opération en octroyant à UBS des garanties jusqu’à 9 milliards de francs – elles permettront par exemple à l’acquéreur de couvrir ses pertes prévisibles quand il « nettoiera » la division banque d’investissement héritée de Credit Suisse. De son côté, la BNS a promis jusqu’à 200 milliards de francs en cas de nécessité pour garantir la fluidité des liquidités dans l’intense phase de rapprochement entre les deux établissements, qui devrait courir jusqu’à fin 2023. En clair, il y a probablement encore des cadavres dans les placards de Credit Suisse, et c’est sans avoir eu le temps de le vérifier qu’UBS a malgré tout avalisé l’opération.
Intenses pressions externes subies par Berne
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