Il n’est ni un magnat de l’immobilier ni un roi du saumon ou du pétrole. Mais, comme ces milliardaires norvégiens, Alf-Inge « Alfie » Haaland, ancien international de football et père du jeune prodige Erling Braut Haaland – qui vient de remporter la Ligue des champions avec son club de Manchester City –, a décidé de s’exiler en Suisse. Révélée début juin, l’information a relancé, en Norvège, la polémique sur la fuite des super-riches, qui s’est accélérée à l’automne 2022, après l’annonce de nouvelles hausses d’impôts par le gouvernement de centre-gauche.
Une des critiques les plus acerbes a été publiée dans le journal Aftenposten, sous la plume de l’élue travailliste Agnes Nærland Viljugrein. Elle y rappelle que l’ex-footballeur et son fils ont pu profiter « des terrains pour jouer, des équipes sportives pour se développer et des coéquipiers » et, par conséquent, qu’Alfie Haaland « doit au mouvement sportif norvégien de payer des taxes ».
Numéro deux du parti Rouge (extrême gauche), la députée Marie Sneve Martinussen approuve : « Il est provocant qu’un millionnaire du football échappe à l’impôt en même temps que de nombreux enfants sont contraints d’arrêter le sport parce qu’ils ne peuvent pas se le permettre », a-t-elle réagi.
« Une situation centrale en Europe »
Dans un éditorial publié dans le journal Finansavisen, dont il est un des fondateurs et le rédacteur en chef, l’homme d’affaires et milliardaire Trygve Hegnar apporte au contraire son soutien au père d’Erling Haaland, victime selon lui d’une « haine fiscale ». Que l’ancien footballeur n’ait pas quitté la Norvège plus tôt est un « miracle », affirme M. Hegnar, qui concède que son départ « a bien sûr un aspect fiscal », mais peut s’expliquer par d’autres raisons : « La Suisse n’est pas un Etat pirate sur une île des Caraïbes », écrit-il, évoquant ses nombreux atouts, comme « les montres, le chocolat, le fromage, les banques et le tourisme ».
Si le départ d’Alfie Haaland, dont la richesse est estimée à 36 millions de couronnes (3,1 millions d’euros), fait autant de bruit, c’est parce qu’il n’est pas le premier à abandonner les fjords norvégiens pour les sommets alpins. Rien qu’en 2022, au moins trente-trois de ses concitoyens, parmi les plus fortunés de Norvège, ont émigré en Suisse pour profiter des avantages fiscaux que le pays offre à ses résidents. Selon le journal Dagens Næringsliv, ils avaient payé ensemble au moins 546 millions de couronnes d’impôts en 2021.
Parmi eux, Kjell Inge Rokke, 64 ans, actionnaire majoritaire d’Aker ASA, à la tête d’une des plus grosses fortunes de Norvège, estimée à 5,4 milliards de dollars (4,9 milliards d’euros) par le magazine américain Forbes en 2022. Depuis septembre 2022, il vit à Lugano. « Ce n’est ni [l’endroit] le moins cher ni celui dont les taxes sont les moins basses, mais c’est par contre un endroit super avec une situation centrale en Europe », s’est-il justifié dans une lettre adressée à ses coactionnaires et employés.
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