A Leverkusen, au bord du Rhin, entre Cologne et Düsseldorf, tout respire la chimie et son mentor Bayer. Jusqu’au nom même de la ville, baptisée en 1930 du nom du chimiste Carl Leverkus. Mais le parfum s’estompe. En 2015, pour se recentrer sur l’agrochimie et la pharmacie, la firme s’était séparée de son activité historique de chimie de spécialité, renommée Covestro, cotée à la Bourse de Francfort.
D’ici peu, elle devrait passer dans le giron de la compagnie nationale pétrolière des Emirats arabes unis, Adnoc. Ce serait alors la plus grosse acquisition de l’année en Allemagne, et le premier rachat d’une entreprise industrielle européenne majeure par une société d’Etat du golfe Persique.
Adnoc se propose de payer près de 12 milliards d’euros cash. C’est l’opération la plus spectaculaire entreprise depuis sa décision, entérinée par l’émir Mohammed Ben Zayed, d’investir 150 milliards de dollars (139,8 milliards d’euros) sur cinq ans dans la diversification de ses activités. Fini les participations financières minoritaires destinées à faire fructifier les pétrodollars.
Des activités plus sophistiquées
Le sultan Al-Jaber, le patron d’Adnoc qui avait dirigé la conférence sur le climat (la COP28) en novembre 2023 à Abou Dhabi, est bien placé pour savoir que le temps du pétrole passera dans quelques décennies. Et qu’il faut réorienter l’entreprise, qui produira en 2027 plus de pétrole que Shell et TotalEnergies réunis, vers des activités plus sophistiquées. D’autant que Covestro assure que les mousses, plastiques et autres vernis qu’il produit le seront tous, à une échéance non précisée, à partir de végétaux en lieu et place du pétrole.
Mais son patron, Markus Steilemann, a reconnu, dans une interview à l’hebdomadaire Wirtschaftswoche le 21 juin, que son entreprise perdait de l’argent avec ses usines allemandes et qu’il ne voyait aucune amélioration à moyen terme. Pour lui, comme pour son compatriote BASF, du fait de ses réglementations et de la disparition du gaz russe, l’Europe n’est plus la terre de la chimie moderne. Il se prépare au départ de nombre de ses clients industriels du Vieux Continent. Il produira de plus en plus ailleurs. En Chine, en Amérique, dans le golfe Persique… La pureté de l’air de Leverkusen, surtout célèbre pour son équipe de football, en sera améliorée, moins son économie.