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Claire Sécail, historienne des médias : « Face à la nature autoritaire de l’extrême droite, le cordon sanitaire se joue aussi dans les médias »

La disqualification de la gauche est le ciment d’une coproduction médiatique entre le pouvoir macroniste et le groupe du milliardaire ultraconservateur Vincent Bolloré, qui participe activement à la polarisation de la société, affirme l’historienne des médias Claire Sécail, dans une tribune au « Monde ».

Publié hier à 07h15, modifié hier à 07h27 Temps de Lecture 4 min.

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« L’appétit de l’argent et l’indifférence aux choses de la grandeur avaient opéré en même temps pour donner à la France une presse qui, à de rares exceptions près, n’avait d’autre but que de grandir la puissance de quelques-uns et d’autre effet que d’avilir la moralité de tous. Il n’a donc pas été difficile à cette presse de devenir ce qu’elle a été de 1940 à 1944, c’est-à-dire la honte de ce pays. »

L’éditorial du journaliste et résistant Albert Camus paru dans Combat le 31 août 1944, qui établit un continuum entre la presse de la fin de la IIIe République et la presse collaborationniste de la seconde guerre mondiale, résonne aujourd’hui avec acuité. Malgré les différences évidentes de contexte politique et médiatique, la société française des années 1930 et celle des années 2020, confrontées à la poussée de l’extrême droite, traversent une crise non seulement politique, mais également morale, dont certains médias, parce qu’ils ont activement contribué à la polarisation de la société, ne peuvent s’exonérer.

Dans les années 1930, la polarisation politique entre blocs de gauche et de droite avait favorisé l’extrême droitisation d’une presse déjà conservatrice et le renouveau d’un journalisme pamphlétaire de plus en plus fasciné par les modèles autoritaires de l’Italie fasciste ou de l’Allemagne nazie. Dans un paysage informationnel dominé par une presse écrite d’opinion de tradition littéraire, ces journaux avaient violemment porté la charge contre des « ennemis » identifiés : la gauche communiste, la République, les juifs…

Dans les années 2020, la polarisation médiatique, qui s’est accélérée depuis une décennie, est d’autant plus dangereuse qu’elle profite d’une redoutable combinaison de facteurs socioculturels. Il y a d’abord le noyau dur de la polarisation du débat public : l’écosystème informationnel érigé par Vincent Bolloré depuis sa prise de contrôle du groupe Canal+, en 2015. Mise au pas de la critique au sein des rédactions, suppression des émissions d’enquête et de satire, multiplication de programmes conversationnels en rupture avec le principe d’honnêteté de l’information, dévoiement du pluralisme interne des courants de pensée et d’opinion : on connaît les jalons du travail idéologique qui a réussi à imposer un agenda libéralo-conservateur, devenu surtout libéralo-réactionnaire depuis la « séquence Zemmour » (2019-2022).

Indifférenciation politique

Les études du cas Fox News le montrent bien : la polarisation médiatique est un levier d’action pour renforcer la polarisation de la société, condition nécessaire au basculement ou au maintien du rapport de force politique à l’occasion d’une échéance électorale. La disqualification de la gauche est le ciment de la coproduction médiatique entre le pouvoir macroniste et les artisans d’une « union des droites » autour de Vincent Bolloré. Les coulisses de ces jeux d’influence sont aujourd’hui révélées au grand jour : le responsable d’un parti gaulliste orchestrant son ralliement à l’extrême droite avec le milliardaire, un conseiller élyséen annonçant la dissolution à un présentateur de CNews avant le premier ministre, etc.

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