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Mohamed Bouabdallah, diplomate : « Je vis comme une grande souffrance le fait que la loyauté des binationaux puisse être ainsi questionnée »

Diplomate de carrière et binational, Mohamed Bouabdallah déroge, dans une tribune au « Monde », au devoir de réserve des hauts fonctionnaires pour dénoncer les risques d’une arrivée au pouvoir du Rassemblement national.

Publié le 25 juin 2024 à 18h00, modifié le 25 juin 2024 à 18h08 Temps de Lecture 3 min. Read in English

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Le devoir de neutralité et de loyauté est au cœur de l’éthique du fonctionnaire. Il sert l’Etat, il ne sert pas tel ou tel parti politique. Dans l’exercice de ses fonctions, il propose librement et il applique loyalement. Le corollaire en est le devoir de réserve : un fonctionnaire, a fortiori lorsqu’il appartient aux cadres dirigeants de l’Etat, n’a pas à s’impliquer de manière publique dans le débat politique. Pour autant, il reste un citoyen. Il ne peut pas s’abstraire de la politique lorsque le destin de la nation est en jeu, faire « comme si » et appliquer les ordres, quels qu’ils soient, sans sourciller. Il sert la République, et pas seulement l’Etat.

Beaucoup d’entre nous s’interrogent donc sur la conduite à tenir en cas d’arrivée du Rassemblement national (RN) au gouvernement. Ne faudrait-il pas résister de l’intérieur ? Faire le dos rond pendant trois ans et voir venir ? Et, après tout, ce serait une cohabitation : le président de la République ne ferait-il pas « bouclier » ? En somme, comme l’écrit Pierre Bayard dans cet essai si utile en nos temps troublés, publié aux Editions de Minuit, « aurais-je été résistant ou bourreau ? »

Pour ceux qui en doutaient encore, les déclarations de Jordan Bardella, pour qui les « postes sensibles » seraient interdits aux binationaux, confirment ce que l’on savait déjà : le RN s’inscrit dans la droite ligne du régime raciste de Vichy, cet « Etat dit “français” » que le général de Gaulle, l’honneur de la France, déclara nul et non avenu.

Freiner des carrières

En 2024, ce ne sont plus les juifs (leur tour viendra), mais les Arabes et les musulmans. Car il va de soi que tous les binationaux ne se valent pas. Pour faire bonne mesure – l’extrême droite au XXIe siècle montre patte blanche comme le loup à l’entrée de la bergerie –, il suffira de rattacher cette interdiction à un vague risque terroriste, et le tour sera joué : les lois d’exception votées au cours des quinze dernières années nous y ont préparés.

Ce sera sans doute une version très XXIe siècle : pas par une loi ou un décret, qui pourraient être censurés, mais par le biais, hors contrôle du juge, des habilitations au secret et des nominations à la discrétion du gouvernement. Il est tellement simple pour un pouvoir organisé et méthodique de freiner des carrières, d’écarter des gêneurs et de cultiver le soupçon : « Votre cousin est imam ? C’est embêtant. »

Nous sommes des milliers de binationaux – voire beaucoup plus, car, contrairement à ce que pense le RN, nous ne sommes pas organisés dans une « communauté » façon cinquième colonne qui passerait son temps à se compter – à occuper des postes de premier plan dans l’appareil d’Etat, y compris sur des postes dits « sensibles », que ce soit au Quai d’Orsay, aux armées, dans la police et la gendarmerie ou dans les services de renseignement.

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