Sixième arrondissement de Zurich, en plein centre de la capitale financière helvétique. Au 10 de la Narzissenstrasse (« rue des narcisses »), un bâtiment ordinaire abrite une petite congrégation russe orthodoxe discrète, l’Eglise de la résurrection. Les fidèles qui la fréquentent y reçoivent désormais la bénédiction d’un homme à la barbe blanche aussi fournie que ses comptes offshore. Le protodiacre s’appelle Vadim Novinski, 59 ans, matricule #2114 des milliardaires recensés dans le monde en temps réel par le magazine Forbes. Sa fortune actuelle se monte à près de 1,5 milliard de dollars (1,3 milliard d’euros).
Selon le journal zurichois SonntagsZeitung, qui a repéré l’homme, « en rouge et or parmi ses ouailles » lors de la récente célébration de la Pâque orthodoxe, celui-ci fréquente cette paroisse depuis le 29 mars au moins, alors qu’il est recherché par les autorités ukrainiennes pour collaboration avec l’occupant russe.
Depuis, Vadim Novinski a été aperçu à presque tous les offices sur les enregistrements vidéo publiés sur la page Facebook de la communauté. Peu avant Pâques, questionné par des journalistes devant l’église, l’intéressé a furtivement concédé « arriver d’Allemagne, être de passage en Suisse et vouloir retourner en Ukraine dès que les conditions seront réunies », avant de s’esquiver. Il n’a pas donné suite à de nouvelles tentatives de le contacter.
Dans la galaxie de Ianoukovitch
Dans les semaines qui ont suivi, on l’a remarqué plusieurs fois aux messes, dans des tenues liturgiques variées : en noir et blanc brodé d’ornements floraux, ou encore en violet et or. Un représentant de l’Eglise de la résurrection a confirmé que Vadim Novinski a « occasionnellement célébré avec [eux] » : « Il n’est pas formellement affecté à la communauté, mais il peut célébrer les fêtes religieuses avec nous en tant que clerc s’il le souhaite, il n’est d’ailleurs soumis à aucune forme de punition ou de restriction ecclésiastique. »
L’oligarque n’apparaît pour le moment sur aucune liste de sanctions internationales, mais il se trouve, en revanche, sur celle dressée par le gouvernement ukrainien pour son « soutien aux actions et politiques de la Fédération de Russie qui compromettent et menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ainsi que sa stabilité et sa sécurité ». Le 10 avril, les services ukrainiens de sécurité (SBU) ont perquisitionné le siège de sa société, Smart-Holding, à Kiev, et annoncé que des documents sur des sociétés offshore et de la littérature religieuse prorusse y avaient été trouvés. Trois jours plus tard, un tribunal a gelé 95 millions de dollars d’actifs.
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