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People demonstrates on November 9, 2018 in the street of Moutier, northern Switzerland, after the result of an historical vote by citizen of the city of Moutier to leave canton Bern and join canton Jura was declared void. In June 2017, almost 52% of voters in Moutier decided (by 137 votes) to leave the German-speaking canton Bern canton Bern and to join primarily French-speaking canton Jura. However, suspicions were aroused that some people had registered as eligible voters in Moutier without actually living there. On Monday the result was declared void. (Photo by Fabrice COFFRINI / AFP)
FABRICE COFFRINI / AFP

Entre le canton de Berne et le Jura suisse, deux siècles de défiance et de conflit

Par  (Moutier (Suisse), envoyé spécial)
Publié le 30 mai 2023 à 06h15, modifié le 30 mai 2023 à 17h38

Temps de Lecture 7 min.

Le printemps vient d’arriver et mon Dieu que la montagne est belle au-dessus de Moutier, dans le Jura suisse. Toute la palette des verts se déploie, en ce début de mai : tendre côté prairie, plus sombre côté sapinière, à 1 100 mètres d’altitude. Une douzaine de vaches s’y régalent, dans l’herbage proche de la ferme de Marc et Bernadette Tobler, la plus haute exploitation de la commune. Au-delà, plus de route carrossable, « c’est la fin du monde », prévient l’éleveur en souriant. Là-bas, au nord, derrière la forêt de hêtres et de sapins qui ferme l’horizon, « c’est le Jura ». Pas le département français, mais le canton suisse auquel la commune de Moutier sera bientôt rattachée, en 2026. « Hélas », lâche Marc Tobler, 63 ans, qui ne sourit plus du tout.

De l’autre côté du mont commence un autre monde, francophone et de tradition catholique, quand le canton de Berne, celui auquel appartient encore Moutier (7 300 habitants), est officiellement bilingue, mais abrite une population plutôt germanophone et protestante. Deux mondes si proches et pourtant si éloignés, qui ne se comprennent pas toujours, ferraillent souvent, guerroient parfois. « La Suisse incarne une idée de paix et vous avez là deux régions qui ne se parlent pas », constate Valentin Zuber, jeune conseiller municipal (socialiste) de Moutier.

Au cœur de la dispute : la « question jurassienne », ce conflit opposant depuis des lustres les « deux sortes de Jurassiens » répertoriés par Marc Tobler. « Ceux qui se lèvent tôt le matin et paient leurs impôts » (les Jurassiens de Berne) et « les autres, des emmerdeurs ». Ou alors, vu du camp d’en face : les « Bernois bosseurs », sous-entendus rabat-joie, font face aux « Jurassiens noceurs », des « Bourguignons » qui « font le carnaval, fêtent la Saint-Martin et tuent le cochon ». « Désolés pour les clichés », s’excuse-t-on de part et d’autre, manière d’affirmer qu’ils comportent tout de même une part de vérité.

« Ça va tout changer »

Moutier, cité industrielle spécialisée dans le décolletage et la mécanique de précision est un point de contact historique entre les mondes romand et germanique, « l’épicentre de la question jurassienne », résume Patrick Cerf, 48 ans, chef de projet du transfert de la commune d’un canton à l’autre. Derrière son calme apparent, la bourgade cache un terrain d’affrontement entre « autonomistes », décidés à intégrer le Jura voisin, et « antiséparatistes », pas convaincus par l’idée de quitter l’environnement bernois, ni de toucher aux délicats équilibres de la mosaïque suisse – 26 cantons aux caractéristiques et aux fonctionnements disparates.

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