LETTRE DE GENÈVE
Isolée, la Suisse ? Comme chaque année à la mi-janvier, la presse helvétique dresse avec application et gourmandise la liste des prestigieuses « élites » attendues au rassemblement du World Economic Forum (WEF), qui brasse grands patrons et dirigeants politiques du monde entier dans un Palais des congrès à l’architecture brutaliste, sous haute protection policière et militaire.
Dès mardi 16 janvier, seront ainsi présents dans la station du canton alpin des Grisons (sud-est), dans le désordre : Sam Altman, de ChatGPT, Emmanuel Macron, Bill Gates, le premier ministre chinois, Li Qiang, ou encore le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, fera une apparition physique (et non en visioconférence, comme les deux années précédentes) remarquée, sauf s’il annule au dernier moment, pour « cause de guerre dans ce pays », comme l’ont précisé en conférence de presse les responsables du WEF, qui n’aiment rien tant que claironner le casting de leurs têtes d’affiche.
Preuve de l’importance que Berne attache à l’événement, six des sept conseillers fédéraux suisses seront présents. Davos est l’occasion pour la Confédération helvétique de se placer pour quelques jours au centre d’un jeu mondial de plus en plus tendu dans lequel sa neutralité lui complique la tâche. Les ministres suisses en profiteront aussi pour renouer le contact avec la Commission européenne, rompu depuis 2021. La présidente de l’exécutif européen, Ursula von der Leyen, est annoncée à Davos, tout comme le commissaire européen Maros Sefcovic, chargé du difficile dossier helvétique à Bruxelles.
« De plus en plus un rituel vide de sens »
Au total, 2 800 dirigeants et hommes d’affaires de cent-vingt pays vont faire le déplacement, dont plus de soixante chefs d’Etat. Ils côtoieront une pléthore de PDG des plus grandes multinationales de la planète, qui paient fort cher leur ticket d’entrée (jusqu’à 600 000 euros pour les « partenaires stratégiques ») pour faire partie de ce cercle de réseautage mondial, que d’aucuns, dans les milieux complotistes, imaginent depuis des années être l’un des postes de pilotage de la mondialisation libérale, comme le serait aussi le Groupe Bilderberg.
Alors que, selon le quotidien de Zurich Neue Zürcher Zeitung, d’obédience libérale lui-même, « Davos est au contraire de plus en plus un rituel vide de sens, une sorte d’émission de variétés », où des ministres des affaires étrangères frayent avec des people étrangers aux affaires du monde. Il y a quelques années, Bono, du groupe pop irlandais U2, s’était taillé un joli petit succès, tout comme, avant lui, l’actrice américaine Angelina Jolie. Moquées, les deux performances n’ont pas été reconduites.
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