Il suffit de repérer les façades qui comptent plus de boîtes aux lettres que de fenêtres. Quatre fenêtres et cinq boîtes aux lettres, par exemple, sur cette petite maison blanche de l’avenue Salvador-Allende, à Audun-le-Tiche. Nous sommes aux confins de la Moselle, dans le nord-ouest du département, le Luxembourg est au bout de la rue. La maison serait idéale pour une famille, deux à la rigueur ; son propriétaire l’a découpée en cinq studios d’une trentaine de mètres carrés. Deux au rez-de-chaussée, deux au premier étage, un dernier dans ce qui était encore, il y a peu, un grenier.
Maria et Manuel Da Luz, 45 et 43 ans, vivent dans ce grenier. Une chambre, un couloir-cuisine, une douche et des toilettes, le tout sous la pente du toit. Ils seraient déjà à l’étroit s’ils n’étaient que deux. Le couple, arrivé du Cap-Vert en septembre 2023, vit là avec ses quatre enfants de 15 ans, 14 ans, 13 ans et 8 ans. Le jour, les matelas sont empilés dans un coin de la pièce. Le soir, on les dispose au sol et les enfants dorment au pied du lit double des parents.
La maison n’est pas un taudis, mais tout semble avoir été bricolé à la hâte. Portes sans chambranle, fissures et mousse expansive apparente çà et là, installation électrique précaire. Du gros scotch gris recouvre les poutres pour boucher les ouvertures dans le bois et « empêcher les rats de venir », explique Maria Da Luz, seule francophone de cette maison dont tous les occupants sont portugais ou cap-verdiens. « On en a parlé au propriétaire, il nous a dit qu’on avait déjà de la chance d’être ici, qu’on aurait trouvé pire ailleurs. » Loyer : 900 euros, comme les quatre autres studios. « C’est un peu cher. »
Comme leurs voisins, Maria et Manuel Da Luz travaillent au Luxembourg, elle comme femme de ménage, lui sur des chantiers, pour des salaires autour de 2 500 euros par mois. Combien le Pays-Haut compte-t-il de ces maisons découpées en petits morceaux où se serrent des travailleurs frontaliers dans des conditions déplorables, illégales, parfois ? « C’est un phénomène qu’on a beaucoup de mal à quantifier, mais on voit bien que ça s’est accéléré », constate Viviane Fattorelli, maire (divers gauche) d’Audun-le-Tiche.
Un phénomène apparu il y a moins de dix ans
Il fut un temps, celui de la sidérurgie, où les Luxembourgeois venaient travailler en Lorraine. C’est désormais l’inverse – six actifs sur dix d’Audun-le-Tiche sont des frontaliers –, et aux autochtones s’ajoutent des travailleurs de tous les pays attirés par l’économie florissante et les salaires du Grand-Duché. Pour les petites mains du bâtiment, du ménage ou de la restauration, impensable de se loger au Luxembourg, hors de prix, alors on s’entasse à ses portes, côté français, où les communes n’ont plus de foncier pour bâtir.
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