"Ils ont fait irruption dans la salle et ont tiré sur les gens avec des fusils d'assaut"

La BBC raconte comment s'est déroulée l'attaque de la salle de concert qui a fait plus de 130 morts à Moscou. Le groupe de rock Picnic était sur le point de jouer. L'auditorium du Crocus City Hall, situé au nord de Moscou, accueillait le public, quelques minutes avant 20 heures, vendredi 22 mars.

Dave Primov, un photographe, était perché sur un balcon à l'étage de la salle de concert. De là, il a assisté à l'attaque d'un groupe qui a fait 133 morts et 140 blessés. Une tragédie qui a secoué les Russes.

"Des gens habillés en brun, dont j'ignore l'identité, ont fait irruption dans la salle et ont commencé à tirer sur la foule avec des fusils d'assaut", raconte Dave Primov.

Les tireurs venaient de traverser le hall du théâtre et ont ouvert le feu au hasard, tuant et blessant des personnes à l'entrée de la salle.

Quelque 6 200 billets avaient été vendus pour le concert. Des agents de sécurité étaient censés s'y trouver mais ils ont rapidement disparu.

L'un des quatre gardes a déclaré que ses collègues s'étaient cachés derrière un panneau d'affichage. "Ces assaillants sont passés à moins de 10 mètres de nous et ont commencé à tirer au hasard sur les personnes qui se trouvaient au rez-de-chaussée", témoigne le photographe.

Personne ne sait combien d'assaillants il y avait. Mais une vidéo filmée depuis un étage montre quatre hommes en tenue de camouflage marchant à quelques mètres l'un de l'autre, sur le sol carrelé en marbre.

On y voit le principal assaillant viser à bout portant des personnes blotties contre les fenêtres.

Ce sont les premières victimes de l'attentat le plus meurtrier en Russie.

Ils pensaient que cela faisait partie de la loi

La plupart des morts et des blessés venaient de Krasnogorsk, de Khimki et d'autres villes voisines de la banlieue nord-ouest de Moscou.

Le premier assaillant est ensuite rejoint par un deuxième. Un troisième le suit tranquillement avec un sac à dos. Le quatrième homme lui remet son arme et ils franchissent les détecteurs de métaux pour entrer dans l'auditorium.

Une femme et sa fille de 11 ans achetaient une glace dans un café situé près de l'entrée, lorsqu'elles ont entendu le bruit et que quelqu'un leur a crié de se mettre à terre.

"Nous avons couru vers les enfants, nous nous sommes allongées et nous avons commencé à nous barricader avec des tables et des chaises, et plusieurs personnes blessées ont couru vers nous", a déclaré cette femme au service russe de la BBC.

À l'intérieur du théâtre, le concert devait commencer dans quelques minutes. Certains ont pensé que le bruit pouvait faire partie du spectacle.

Sofiko Kvirikashvili a entendu ce qu'elle a d'abord décrit comme "une sorte de rafale de pétards sans fin". "Je me suis retournée dans l'allée une fois, puis une autre. La troisième fois, j'ai constaté que tout le monde dans le couloir s'était mis à courir dans toutes les directions."

Dave Primov raconte que les gens ont commencé à se rassembler dans la panique. Dans le théâtre, certains ont essayé de s'allonger entre les sièges. Puisque plusieurs hommes armés tiraient depuis les stalles, il n'y avait guère de protection.

Ceux qui ont réussi à se déplacer se sont dirigés vers la scène. D'autres ont essayé de trouver des portes pour sortir. Mais beaucoup de portes étaient fermées.

De nombreuses personnes se sont retrouvées piégées. Des personnes âgées comme des enfants.

"Tout a commencé à brûler"

Une femme qui se trouvait dans l'un des cercles supérieurs a couru jusqu'à la scène, d'où elle a vu un homme dans les stalles ouvrir le feu : "Nous nous sommes déplacés derrière le rideau et l'un des employés en uniforme de Crocus nous a dit de courir, ce que nous avons fait. Je suis sortie sur le parking sans vêtements d'hiver."

De son côté, Margarita Bunova venait de se procurer des lunettes d'opéra pour les porter pendant le spectacle. À cet instant-là, elle a entendu ce qu'elle a pris pour des pétards, qui se sont ensuite transformés en rafales rapides qu'elle et son mari ont identifiés comme des coups de feu.

"Quelqu'un nous a dit de descendre. Il faisait complètement noir... Nous pouvions encore entendre des rafales de tirs derrière nous lorsque nous sommes sortis."

Un autre homme, Vitaly, a vu l'attaque depuis un balcon : "Ils ont lancé des cocktails Molotov et tout a commencé à brûler."

Qu'il s'agisse de cocktails Molotov ou d'autres engins incendiaires, les flammes se sont propagées rapidement.

Les pompiers n'ont pas pu atteindre le bâtiment. Le feu s'est rapidement propagé au toit et était visible sur la ligne d'horizon de la ville de Krasnogorsk.

Une partie du toit s'est effondrée et le feu s'est également propagé à la façade du Crocus, détruisant les deux étages supérieurs.

De nombreuses personnes présentes dans l'auditorium se sont enfuies par le foyer. Une vidéo montre des personnes descendant les escaliers roulants en passant devant deux corps appuyés contre un canapé.

Une autre vidéo montre des personnes en train de fuir alors que le crépitement des coups de feu résonne autour d'elles. Ils atteignent l'arrière du bâtiment, où ils sont relativement en sécurité. Certains sont assis, serrés les uns contre les autres, d'autres s'étreignent en défilant dans les couloirs.

Pendant un moment, un écran de télévision montre le chaos qui règne sur le devant de la scène. Il n'y a aucune trace de la police russe ou d'une quelconque force de sécurité spéciale dans le bâtiment.

Eva, assistante d'une troupe de danse, se trouvait dans les coulisses lorsque les assaillants ont fait irruption dans la salle. "Nous étions dans la loge, une foule est passée devant nous. Nous avons entendu du bruit et des gens courir dans l'allée ; nous avons pris nos manteaux et couru avec la foule."

De "grands rassemblements"

Des témoins ont dit que tous les membres de Picnic étaient sains et saufs. Plus tard, un membre du groupe a été porté disparu, bien que cela n'ait pas été confirmé.

Au fur et à mesure que le nombre de morts dépassait les 100 et celui des blessés les 200, l'ampleur et le caractère aveugle du massacre devenaient plus clairs, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'auditorium.

La première liste officielle des victimes indique que la plus âgée d'entre elles avait plus de 70 ans. Des enfants figurent également parmi les morts.

Le groupe djihadiste État islamique (EI) a déclaré dans un bref communiqué qu'il était à l'origine de l'attaque, sans préciser laquelle de ses branches en est responsable.

Mais le message du groupe coïncide avec des données des services de renseignement américains selon lesquels l'EI avait l'intention d'attaquer la Russie.

Deux semaines plus tôt, les États-Unis avaient mis en garde contre une attaque possible contre de "grands rassemblements" à Moscou, bien que les responsables russes se soient plaints que ces informations manquaient de précisions.

Pour sa part, l'Ukraine a rapidement nié toute implication dans l'attaque et a insisté sur le fait que ses attaques contre la Russie se limitaient au champ de bataille.

Mais le FSB, les services de sécurité russe, affirme que les auteurs de l'attentat ont tenté de passer du sol russe à l'Ukraine et qu'ils avaient des "contacts importants" dans ce pays. Selon le FSB, plusieurs personnes ont été arrêtées, dont quatre assaillants présumés.

De retour dans la salle de concert, samedi, Margarita Bunova et son mari ont déclaré que la première chose qu'ils ont faite en rentrant chez eux a été de serrer leurs enfants dans leurs bras.

Ce n'est que samedi soir (heure de Moscou) que le président Poutine s'est adressé au peuple russe.

Il a comparé les tueurs aux nazis de la Seconde Guerre mondiale et a déclaré que personne ne pouvait porter atteinte à l'unité de son pays.

Selon le président russue, Vladimir Poutine, les responsables de l'attentat de Moscou ont tenté de fuir en Ukraine.

Dans un discours télévisé national, le président russe, Vladimir Poutine, a remercié les médecins et les responsables de la sécurité d'avoir aidé les victimes de l'attentat de Moscou.

Il s'agissait de la première allocution publique du président russe après l'attentat, qui a eu lieu vendredi vers 20 heures (heure locale) dans une salle de concert de la banlieue de Moscou et qui a fait au moins 133 morts et plus de 140 blessés.

Dans son discours, qui a duré environ cinq minutes, M. Poutine a déclaré que les quatre tireurs responsables de la fusillade avaient été arrêtés.

Ils avaient tenté de s'enfuir en Ukraine, a-t-il déclaré.

Plus tôt dans son message, l'Ukraine a qualifié d'"absurdes" les affirmations selon lesquelles elle était impliquée dans l'attaque.

M. Poutine a qualifié l'attaque de la salle de concert d'"acte terroriste barbare". Les attaquants "ne nous diviseront pas", a-t-il soutenu.

"Qui que ce soit, qui que ce soit qui les dirige, nous identifierons et punirons les auteurs de l'attentat. Je le répète : nous identifierons et punirons tous ceux qui soutiennent les terroristes", a déclaré le président russe. "Le plus important est maintenant d'empêcher les auteurs de ce bain de sang de commettre un nouveau crime."

Il a également annoncé que le dimanche 24 serait un jour de deuil national.

Au fil des heures, de nouveaux détails sur l'attentat et ses auteurs ont commencé à apparaître.

Le député russe Alexander Khinshtein a déclaré que les agresseurs avaient pris la fuite à bord d'une Renault blanche.

Selon lui, la police a tenté d'arrêter le véhicule dans la région de Briansk, à quelque 340 kilomètres de Moscou, et a réussi à retenir deux personnes, les autres ayant pris la fuite.

Environ quatorze heures après les premières informations faisant état de la fusillade, les services de sécurité russes ont annoncé l'arrestation de 11 personnes, dont quatre "directement impliquées".

Leur identité n'a pas été dévoilée. Mais des informations non confirmées font état de citoyens du Tadjikistan.

M. Khinshtein a déclaré que des passeports de ce pays avaient été trouvés dans la voiture.