Qui est Amadou Ba, le candidat de la coalition au pouvoir à l'élection présidentielle au Sénégal ?

Amadou Ba en meeting de campagne électorale

Crédit photo, Cem Ozdel/Anadolu via Getty Images

  • Author, Hamet Fall Diagne
  • Role, BBC Afrique
Bannière

Un bus floqué du drapeau du Sénégal roule dangereusement sur la route. Les passagers sont effrayés, certains ferment les yeux, d’autres crient. L’un d’entre eux, excédé, exige que le chauffeur du bus soit changé. Tout cela ne s’avère être qu’un mauvais rêve. Le bus continue tranquillement sa route, avec au volant un chauffeur calme et sûr de lui, tenant fermement le volant.

Ce chauffeur n'est personne d'autre que Amadou Ba, le candidat choisi par le président Macky Sall pour l’élection présidentielle du 24 mars.

Toute ressemblance avec des faits ayant existé est loin d’être fortuite, évidemment.

Ce scénario d’un spot de campagne du candidat de la majorité présidentielle diffusé sur les réseaux sociaux essaye de positionner le candidat Ba comme un leader rassurant et expérimenté, en qui le peuple sénégalais qui sort de trois années difficiles peut avoir confiance pour l’avenir.

A lire aussi sur BBC Afrique :

L'enfant des quartiers populaires

Amadou Ba est né il y a 63 ans à Grand-Dakar, un quartier populaire de la capitale sénégalaise dans la maison de ses-grands parents. Il y a grandi jusqu’à l’obtention de son bac, avant de rejoindre ses parents aux Parcelles assainies, alors nouveau quartier dans la banlieue dakaroise.

C’est d’ailleurs dans ce quartier qu’il a sa base politique.

Economiste de formation, Amadou Ba est un inspecteur des impôts sorti de l’École nationale d'administration et de magistrature de Dakar.

Il a été tour à tour directeur général des Impôts et des Domaines, ministre de l’Économie et des Finances de 2013 à 2019 puis ministre des Affaires étrangères jusqu’en 2020.

Nommé à la tête du gouvernement en septembre 2022, M. Amadou Ba est le 4e Premier ministre du président Macky Sall après Abdoul Mbaye (2012-2013), Aminata Touré (2013-2014) et Mouhammad Boun Abdallah Dione (2014-2019).

Il a été remplacé par Me Sidiki Kaba après la dissolution du gouvernement le 06 mars par le président Macky Sall.

M. Ba est réputé pour sa maitrise des dossiers mais aussi pour son carnet d’adresse et son réseau très dense. L’ancien premier ministre a tissé des relations avec tous les cercles d’influence du pays, des chefs religieux aux patrons de presse en passant par les hommes d’affaires et même des leaders de l’opposition.

Toutefois, il a fallu à Amadou Ba gagner la confiance de ses propres camarades de l’Alliance pour la république (APR), le parti présidentiel et la coalition au pouvoir, Benno Bokk Yaakaar.

Amadou Ba

Crédit photo, Page facebook Benno Bokk Yaakaar

Un choix contesté

Dès sa désignation le 9 septembre comme candidat de la majorité par Macky Sall, après un processus d’audition de personnalités de la coalition au pouvoir intéressées par la magistrature suprême, Amadou Ba, alors Premier ministre, fait face à une fronde.

Le ministre de l’Agriculture Aly Ngouille Ndiaye annonce sa démission du gouvernement dans la foulée.

Le 12 septembre, c’est au tour de Mame Boye Diao, maire de Kolda et Directeur de la Caisse des dépôts et des consignations d’annoncer sa candidature. Macky Sall le limoge de son poste.

L’ancien premier ministre Mahammed Boune Abdallah Dionne, membre fondateur de l’APR et proche de Macky Sall, se lance aussi dans la course pour la présidentielle comme candidat indépendant, faisant fi de l’appel du président Sall à l’union derrière Amadou Ba.

Le président Sall a toujours réitéré que le choix de la coalition Benno Bokk Yaakaar est Amadou Ba.

Le président sénégalais Macky Sall (C) serre la main du Premier ministre Amadou Ba

Crédit photo, SEYLLOU/AFP via Getty Images

Légende image, Le président sénégalais Macky Sall (C) serre la main du Premier ministre Amadou Ba à Dakar le 21 décembre 2023 après que Ba ait été nommé candidat de la coalition au pouvoir en vue de l'élection présidentielle .

A l’interne, des voix autorisées s’élèvent pour montrer leur désapprobation du choix porté sur Amadou Ba. Parmi les plus audibles, celle de Mambaye Niang ministre du Tourisme : « Je ne le soutiens pas et je l’assume », lance-t-il à qui veut l’entendre.

Très rapidement, le choix porté sur Amadou Ba divise et il aura fallu attendre le 13 mars, à 9 jours de la fin de la campagne électorale pour que le Secrétariat exécutif national de l’APR sorte un communiqué pour « exhorter » les responsables et les militants à « un élan unitaire et solidaire » derrière leur candidat.

Autre fait notable, le président Macky Sall, membre de la commission Stratégies du directoire de campagne d’Amadou Ba, ne s’est pas encore affiché publiquement avec son candidat pendant qu’il sillonne le pays à la rencontre des électeurs.

Accusations graves

Alors qu’il faisait face à la contestation en interne dans son propre camp, Amadou Ba est cité nommément par Karim Wade, le candidat du Parti démocratique sénégalais, pour faits de corruption de juges du Conseil constitutionnel.

Cela fait suite à l’invalidation par le Conseil constitutionnel de la candidature de Karim Wade pour cause de double nationalité au moment du dépôt le 23 décembre du dossier de sa candidature. Thierno Alassane Sall, candidat à la présidentielle, introduit un recours le 16 janvier contre la candidature de M. Wade.

Karim Wade s’exprime sur X pour accuser Amadou Ba d’être derrière le recours de Thierno Alassane Sall ; ce que M. Ba a toujours rejeté.

Le lendemain, l’annonce de la renonciation volontaire de Karim Wade à sa nationalité volontaire est publiée au Journal officiel de la République française. Trop tard, selon le Conseil constitutionnel qui l’écarte de la liste définitive des candidats.

L’un des juges constitutionnels cité dans cette affaire de corruption a aussi porté plainte pour outrage à magistrat, diffamation, discrédit sur une décision de justice, entre autres infractions contre les auteurs non identifiés de la déclaration non signée d’un parti politique évoquant des faits de corruption et de collusion avec certains hommes politiques.

Malgré des tentatives infructueuses de faire reprendre le processus électoral pour une participation de Karim Wade, le Pds ne démord pas et promet des poursuites judiciaires contre les acteurs de la corruption présumée de juges constitutionnels.

Pendant ce temps, la campagne électorale bat son plein. Amadou Ba et les 18 autres candidats s’efforcent de convaincre les Sénégalais sur leur programme.

Que propose Amadou Ba aux Sénégalais ?

Des partisans de Amadou Ba

Crédit photo, Cem Ozdel/Anadolu via Getty Images

Légende image, Les partisans de Amadou Ba se rassemblent lors du lancement de la campagne électorale.

Amadou Ba s’est lui-même décrit comme le candidat de la continuité., ou plutôt du « changement dans la continuité », pour reprendre les termes de son successeur à la Primature Sidiki Kaba.

Présenté dans son camp comme l’architecte du Programme Sénégal Emergent, le cadre opérationnel de la vision du Président Sall pour un Sénégal émergent en 2035, Amadou Ba compte capitaliser sur les douze ans de réalisations de la coalition au pouvoir, notamment en matière d’infrastructures.

Mais, il promet d’aller plus vite et mieux, à travers un projet sur le long terme intitulé « en paix pour une prospérité partagée » qui vise trois objectifs stratégiques.

En premier lieu, Amadou Ba veut créer une économie compétitive et créatrice d’emplois décents. Il promet 1 000 000 d’emplois et se positionne comme le « président de l’emploi des jeunes ». M. Ba ambitionne aussi de faire du Sénégal » la locomotive économique de la CEDEAO et de l’Afrique. ». Cela passera selon lui par une transformation structurelle de l’économie et l’accélération de la croissance.

Sa position sur le débat du maintien ou non du franc CFA qui agite la campagne électorale est sans équivoque, rejetant l’idée qu’il juge aventureuse d’une nouvelle monnaie.

Le deuxième objectif de son programme est de « renforcer la résilience des communautés » en misant sur une valorisation du capital humain et de la protection sociale. Il repose sur le renforcement de l’éducation et la formation, la santé et la nutrition, l’eau et l’assainissement, l’urbanisme et l’habitat, de même que l’environnement et le développement durable.

Enfin, le candidat Amadou Ba veut relever le défi de la paix véritable, « pour une gouvernance et une diplomatie orientée stabilité et sécurité. » Il met l’accent, entre autres, sur l’amélioration de la performance, la qualité et l’accessibilité du service public, l’équité sociale et territoriale, la justice en plus de la sécurité et de la souveraineté.

Au total, le programme de ’Amadou Ba s’articule autour de vingt-deux (22) projets et treize (13) réformes phares, pour un coût de 27 182 milliards sur la période 2024-2028.

Bannière