De la mairie de Dakar, Khalifa Sall se voit à la présidence du Sénégal

Le candidat Khalifa Sall est sûr de lui

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Légende image, Khalifa Sall se voit déjà en train de gravir les marches du palais de la présidence de la République.
  • Author, Isidore Kouwonou
  • Role, BBC Afrique
  • Reporting from Dakar
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L’élection présidentielle au Sénégal se déroule dans quelques jours. Dans les 19 candidats parmi lesquels les Sénégalais devront élire leur prochain président de la République, le cinquième, se trouve l’ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall du mouvement de l’opposition Taxawu Senegal.

Depuis le 9 mars dernier, date d’ouverture de la campagne électorale, après quelques semaines de crises autour de cette élection, Khalifa Sall, en opération de charme, sillonne le Sénégal pour demander le suffrage des électeurs. Il se voit déjà en train de gravir les marches du palais de la présidence. Pour lui, le moment est venu pour le couronnement de sa carrière politique.

Elu municipal, député, ministre puis maire, Khalifa Sall estime qu’il a beaucoup donné au Sénégal qui doit maintenant lui retourner l’ascenseur en lui permettant d’accéder à la magistrature suprême.

S’il peut se présenter aujourd’hui à cette élection présidentielle, c’est grâce à la modification du Code électoral votée l’année dernière par l’Assemblée nationale. Un code qui ne tient plus en compte ses antécédents judiciaires.

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Il se positionne comme détenteur de grandes ambitions pour le Sénégal et n’hésite pas, depuis la campagne électorale qui s’est ouverte le samedi 9 mars, à crier à qui veut l’entendre qu’il a un boulevard devant lui pour être élu le dimanche 24 mars prochain, faisant allusion à l’absence du président sortant, Macky Sall qui a bouclé ses deux mandats à la tête du pays.

Ce sprint de deux semaines qui s’achève ce vendredi 22 mars et au cours duquel les candidats se lancent à la conquête de l’électorat, est activement mis à profit par une équipe de campagne dédiée à la cause de l’ancien maire de Dakar.

Qui est Khalifa Ababacar Sall ?

L’homme politique de 68 ans, né à Louga (au nord du Sénégal), a été pendant longtemps dans les sphères du pouvoir au Sénégal. Il revendique plus de cinquante ans dans le militantisme. Aujourd’hui, il se bat pour accéder à la magistrature suprême, ce qui sera, pour lui, la consécration de sa carrière politique tourmenté par moment.

Plusieurs fois ministre sous la présidence d’Abdou Diouf, Khalifa Sall a été élu maire de la capitale sénégalaise en 2009 puis réélu en 2014. M. Sall a également été élu député en 1993, ensuite en 2017 après une période d’hibernation de sa carrière politique. Mais, il n’a pas pu siéger en tant que député à cause de ses ennuis judiciaires.

Les ennuis judiciaires et la prison

Les ennuis judiciaires ont empêché Khalifa Sall de siéger à l’Assemblée nationale lorsqu’il a été élu en 2017 comme député

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Légende image, Les ennuis judiciaires ont empêché Khalifa Sall de siéger à l’Assemblée nationale lorsqu’il a été élu en 2017 comme député.

En 2017, le maire de Dakar a été condamné dans une affaire de gestion de la mairie portant sur un détournement de 1,8 milliard de FCFA. Il a été reconnu coupable de « faux et usage de faux en écriture de commerce, faux et usage de faux dans des documents administratifs et escroquerie portant sur des deniers publics ». Il a été condamné à cinq (05) ans de prison assorti d’une amende de 5 millions de FCFA.

Dès le lendemain de la confirmation de la condamnation par la Cour d’Appel de Dakar, le président de la République, Macky Sall a pris un décret en août 2018 révoquant le maire de ses fonctions. Il avait été remplacé par une de ses proches, Soham El Wardini, élue par les conseillers municipaux.

Mais, Khalifa Sall conteste cette condamnation pour escroquerie et dépose un recours à la Cour suprême. En janvier 2019, Celle-ci rejette les pourvois en les jugeant « irrecevables et mal fondés ».

En prison, Khalifa Sall a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle de 2019. Mais elle a été rejetée en raison de sa condamnation par la justice.

Après deux ans et demie de prison, le 29 septembre 2019, le président de la République Macky Sall signe un décret accordant une remise de peine totale et immédiate à l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall. Deux de ses coaccusés, Mbaye Touré et Yaya Bodian ont également bénéficié de cette remise de peine.

Carrière politique

Khalifa Sall, incontestablement, fait partie des acteurs qui régentent la vie politique du Sénégal depuis plusieurs années. Si sa candidature a été rejetée en 2019 à cause de ses démêlées judiciaires, la validation de cette candidature pour la présidentielle de 2024 est perçue par ses proches comme une revanche.

Il est vu comme une « bête politique » qui a très tôt occupé des responsabilités politiques au sein du Parti socialiste d’où il a été exclu pour dissidence avec une soixantaine d’autres membres.

Il a commencé sa carrière en tant que député à la faveur des élections générales de 1983. Considéré comme l’un des plus jeunes de cette législature, il est resté dans le bureau de l’Assemblée nationale jusqu’en 1993 où il a été propulsé au gouvernement en tant que ministre chargé des relations avec les assemblées. De là, il est devenu ministre du commerce en 1998.

Il rejoint plus tard le système des Nations unies en tant que consultant. L’arrivée au pouvoir en 2000 de l’opposant historique Abdoulaye Wade a mis une pause dans sa carrière politique. Mais il est revenu très rapidement en 2001 à l’Assemblée nationale qu’il ne quittera qu’en 2007 après les élections législatives de cette année boycottées par l’opposition.

C’était sous la bannière de la coalition Benno Siggil Senegaal (« s’unir pour relever le Sénégal » en wolof) qu’il a été élu maire de la ville de Dakar en mars 2009, devant le fils du président Wade, Karim Wade. Il a été réélu en juin 2014 sous le couvert de la liste Taxawu Ndakaaru (« Debout Dakar ») en battant Aminata Touré, la Première ministre et candidate du pouvoir à Grand Yoff.

C’est de la mairie de Dakar qui lui sont venus cette affaire de justice avec un long et fastidieux procès qui l’a conduit en prison. Ses partisans et proches ont donné un relent politique à l’affaire, puisque selon eux, cela participation à empêcher leur « protégé » de rivaliser avec Macky Sall lors de la présidentielle de 2019.

Préparé pour être président de la République

Khalifa Sall au milieu de ses partisans

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Légende image, Khalifa Sall s'est bien préparé pour exercer la fonction de président de la République selon ses proche.

L'homme politique qui se réclame « héritier du socialisme » qu’il a pris de l’ancien président de la République Abdou Diouf au côté duquel il a été plusieurs fois ministre. Il a toujours aussi appelé à éviter le clivage politique, car pour lui, le plus important c’est le Sénégal d’abord.

Selon ses proches, le parcours politique de Khalifa Sall l’a bien préparé pour exercer la fonction du président de la République.

Deux fois ministre de la République, quatre fois député du peuple, deux fois maire de la ville de Dakar, premier maire de la commune d’arrondissement du Grand Yoff, en plus d’autres fonctions qu’il a occupé au Sénégal et sur le plan international, cet homme politique, selon son directeur de campagne, El Hadj Ibrahima Ndiaye, est le candidat capable d’amener le peuple sénégalais à faire Nation autour d’un nouveau pacte républicain et de principes partagés et acceptés par tous.

Ce que propose Khalifa Sall aux Sénégalais (projet)

Khalifa Sall veut conduire le Sénégal dans la confiance et dans une espérance partagée vers un avenir de paix, de liberté, de sécurité, de prospérité et de solidarité

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Légende image, Khalifa Sall veut conduire le Sénégal dans la confiance et dans une espérance partagée vers un avenir de paix, de liberté, de sécurité, de prospérité et de solidarité

Valeurs traditionnelles et familiales, des institutions fortes, la justice, les libertés et les droits humains, voilà les sujets qui tiennent à cœur au candidat Khalifa Sall qui les a mis dans son projet de société. Il tient à la refonte d’une « République abîmée », selon lui par le régime actuel.

Selon son directeur de campagne, le projet s’articule autour d’un triptyque : renforcer le vivre ensemble, refonder la gouvernance et redresser l’économie. Le renforcement du vivre ensemble s’appuiera sur « sur le génie propre de notre peuple et sur notre devise républicaine : un peuple, un but, une foi ». Quant à la refondation de la gouvernance, elle sera axée sur « un pacte républicain qui adosse notre commun vouloir de vie commune à un modèle de gouvernance qui en garantit la cohésion et la permanence ». Le redressement de l’économie aura comme priorité « l’agriculture, l’élevage et la pêche qui bénéficieront des investissements de l’État avec l’objectif d’améliorer leur productivité et d’assurer la souveraineté alimentaire ».

Parlant justement de l’agriculture, le candidat Khalifa Sall veut lui consacrer au moins 1 000 milliards de FCFA au budget national et de renégocier les accords de pêche. Il compte également faire un état des lieux de tous les contrats miniers, pétroliers et gaziers.

Son projet, selon son état-major de campagne, a été élaboré depuis quelques années où il a eu le temps de sillonner la moitié des 14 régions et les 26 départements du Sénégal à travers sa caravane « Motaali Yeene » en wolof qui veut dire « poursuivre l’ambition ». Il disait à l’époque qu’il voulait « tâter le pouls du Sénégal » afin de mettre en place un projet, ensemble avec les populations de son pays.

Khalifa Sall veut conduire le Sénégal dans la confiance et dans une espérance partagée vers un avenir de paix, de liberté, de sécurité, de prospérité et de solidarité. Pour ce faire, il dispose de cinq stratégies que décline El Hadj Ibrahima Ndiaye : « Vivre ensemble dans une communauté de valeurs et de destins, refonder la gouvernance autour de principes partagés et acceptés pour garantir la cohésion et la permanence de notre vivre-ensemble, Inverser les tendances actuelles de notre économie pour bâtir un redressement productif, Investir dans le capital humain et dans l'économie de la vie pour consacrer dans la pratique l'égalité des droits, la justice sociale, la solidarité et l’équité territoriale et Vivre ensemble dans une nation résolument engagée dans la construction de l'unité africaine et ouverte aux apports fécondants des autres ».

Le candidat de Taxawu Senegal s’affirme comme le candidat de la réconciliation dans un pays où, selon son état-major, on délplore « une démocratie saccagée, des libertés bafouées, des services publics abandonnés, des pans entiers de l’économie chahutés, sans compter les inégalités croissantes et les fractures ouvertes qui menacent les équilibres fragiles de notre jeune Nation ».

« Khalifa Ababacar Sall est le candidat capable d’amener le peuple sénégalais à faire Nation autour d’un nouveau pacte républicain et de principes partagés et acceptés par tous », souligne le directeur de campagne.

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