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A Madagascar, des hôpitaux sous-équipés et débordés face à l’afflux des malades du Covid-19

Le pays fait face à une vague meurtrière de coronavirus, due au variant sud-africain, avec près de 10 000 cas et 200 décès en un mois, selon les chiffres officiels.

Par  (Antananarivo, correspondance)

Publié le 28 avril 2021 à 20h00, modifié le 29 avril 2021 à 11h10

Temps de Lecture 4 min.

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Des lits de fortune installés dans les couloirs du plus grand hôpital public de la capitale Antananarivo, en avril 2021.

« Je ne me souviens de rien », articule t-elle en souriant. Recroquevillée dans son lit de l’hôpital militaire de Betongolo, à Antananarivo, Anna*, 35 ans, aide-cuisinière, est sortie depuis deux jours du coma. Sous la lumière crue des néons, elle triture le fil en plastique de la perfusion. Un pot de yaourt périmé et des boîtes de médicaments traînent sur sa table de chevet. Il s’en est fallu de peu que la jeune femme, diabétique, succombe au Covid-19.

« J’ai eu de la toux, la gorge sèche et, le lendemain, l’air me manquait », raconte-t-elle. La jeune femme a un besoin urgent d’être mise sous oxygène, mais il faut près de 21 heures à ses proches pour trouver de l’insuline et une place à l’hôpital dans un service adéquat. « On a appelé le numéro d’urgence, le 914, tout était plein », se souvient Anna.

Ses frais d’hospitalisation de 400 000 ariary (quelque 90 euros) la journée, en plus des médicaments, sont pris en charge par ses employeurs. Seule, elle aurait difficilement pu les régler. Sur l’île, 75 % de la population vit avec moins de 2 euros par jour, selon une étude de la Banque mondiale.

Près d’Anna*, séparée par une simple tenture, Marie* a contracté une forme grave du Covid-19. Elle pianote sur son téléphone, tandis que son mari, Herilanto*, veille, assis sur une chaise au bout du lit. Il n’a pas quitté la chambre depuis quatre jours. « C’était foudroyant, relate cet ancien ingénieur reconverti dans la vente d’épices. Ça a commencé par une fatigue anormale, on est allé au centre de traitement Covid de Mahamasina, mais c’était déjà plein. Pareil ailleurs. Ma femme luttait. Il a fallu un peu plus d’une journée de va-et-vient pour qu’on trouve une place ici et qu’elle soit mise sous oxygène. » Les quatre jours d’hospitalisation ont déjà coûté 2 millions d’ariary au couple. « On a emprunté à toute la famille », confie Herilanto.

605 décès répertoriés

Depuis trois semaines, le variant sud-africain fait des ravages à Madagascar et sature les capacités sanitaires du pays, modestes et déjà mises à mal par la première vague de Covid-19 en 2020. Les sirènes des ambulances résonnent régulièrement dans le centre-ville de la capitale. Les pompes funèbres sont débordées.

Depuis l’arrivée du coronavirus en mars 2020, seuls 36 000 cas et 605 décès ont été officiellement répertoriés sur l’île. Des chiffres qui ne reflètent pas la réalité. Moins de 120 000 tests ont été réalisés depuis le printemps de l’année dernière, selon une source diplomatique.

Tout manque sur l’île. Médecin dans un hôpital d’Antananrivo, Andry enchaîne les gardes de 24 heures tous les deux jours, faute de personnel soignant. « J’ai vu des gens littéralement mourir à mes pieds en sortant de l’ambulance parce qu’il n’y avait pas de place à l’hôpital, témoigne-t-il. Les médicaments comme les anti-hypertenseurs ou des fortifiants, on n’en a plus non plus. On est obligés de les faire venir de l’extérieur. »

Dans les centres de traitement Covid (CTC) – souvent des lycées et des gymnases transformés en salles de soins –, le personnel est tout aussi débordé. « Les gens viennent ici avant d’aller à l’hôpital, explique un médecin. On se retrouve avec des cas graves alors qu’on est censé traiter des formes légères de la maladie. La quantité d’oxygène n’est vraiment pas suffisante pour tout le monde. On manque de médicaments en réanimation. Les médicaments pour la comorbidité sont à la charge de la famille et certaines pharmacies sont en pénurie. »

La violence du variant sud-africain

Face à ces manques, les autorités, faute de parvenir à endiguer la propagation du coronavirus, s’efforcent de limiter l’expression des mécontentements. « Les gens ont peur de parler et de témoigner, assure Andry*. Critiquer le gouvernement ou la gestion de la crise sanitaire à visage découvert peut entraîner des pressions sur les réseaux sociaux, voire un licenciement. »

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Le 22 avril, une décision interministérielle a interdit pour quinze jours, au nom de l’état d’urgence sanitaire, la diffusion d’une dizaine d’émissions interactives comportant des interventions d’auditeurs ou des débats politiques, de crainte de « troubles à l’ordre public ». Une décision « disproportionnée, illégale et illégitime », selon Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique à Reporters sans frontières (RSF).

« Tous les régimes qui ont pratiqué l’hypercontrôle de l’information ont contribué à la propagation de l’épidémie, comme la Chine. La communication officielle ne remplace pas l’information journalistique », souligne-t-il. Finalement, l’interdiction a été levée lundi 26 avril, sous réserve que les médias respectent une lettre d’engagement déposée auprès du ministère de la communication.

La violence du variant sud-africain a contraint le gouvernement à changer sa stratégie sanitaire. Jusque-là, le Covid Organics, un remède traditionnel à base d’artémisia, était au cœur de la riposte. Le ministre de la santé a annoncé l’arrivée des premières doses de vaccins début mai, sans préciser la marque ni le nombre. Ils seront destinés en priorité aux soignants et aux personnes âgées.

Après des mois de tergiversations, l’exécutif s’était résolu à adhérer à l’initiative Covax le 30 mars. Les premières doses devraient arriver en juillet sur l’île. Le président Andry Rajoelina est revenu pour quinze jours à un confinement total durant le week-end et le pays est à nouveau fermé aux vols extérieurs pour une durée indéterminée.

*Les prénoms ont été changés.

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