Thomas Matter personnifie l’énergie revancharde qui anime l’Union démocratique du centre (UDC, droite populiste) alors que démarre, en Suisse, la campagne électorale en vue des élections fédérales du 22 octobre. Député zurichois au Parlement national à Berne, ce banquier de 57 ans disposait, en 2017, d’une fortune de 150 millions de francs suisses (environ 157 millions d’euros) et rien n’indique qu’elle ait baissé depuis. L’institution financière qu’il a fondée en 2011, Neue Helvetische Bank, se porte à merveille, à l’image d’une économie suisse qui ne connaît jamais la crise. Après avoir traversé sans encombre la pandémie, tous les indicateurs sont au beau fixe : inflation contenue (2,4 %), chômage à son plus bas historique (1,9 %).
Et pourtant, Thomas Matter est un homme fâché, pressé d’en découdre dans les urnes où l’UDC, déjà premier parti du pays depuis 2003, devrait, selon les sondages, encore accroître son avance pour approcher la barre des 30 %. Son premier concurrent, le Parti socialiste suisse, plafonne à 16 %.
La dernière colère en date du député de Zurich a pour origine les prévisions météo de la télévision publique SRF. Selon lui et d’autres caciques de son parti, elles seraient volontairement manipulées pour favoriser l’agenda des formations politiques soucieuses du climat, alors que l’UDC compte pour sa part de nombreux climatosceptiques dans ses rangs et refuse toute contrainte pour atténuer les effets du réchauffement de la planète. « On utilise SRF Meteo pour propager la panique climatique pendant une année électorale », affirme Thomas Matter. Ainsi il n’aurait fait « que » 42 degrés à Athènes récemment au lieu des 50 degrés annoncés, preuve supposée de la duplicité des prévisionnistes – qui n’ont par ailleurs fait aucune erreur sur leurs données en Suisse.
Guerre culturelle
Comme toutes les polémiques lancées par des ténors du parti populiste, « l’affaire des prévisions » a tourné en boucle ces derniers jours dans les médias helvétiques, au point que le météorologue en chef de SRF a dû se justifier. « Nous n’influençons pas nos prévisions, a dit Thomas Bucheli. L’algorithme a surestimé les prévisions de température pour l’étranger pendant la vague de chaleur estivale, nous en sommes extrêmement désolés. » Thomas Matter a de toute manière de la peine à tolérer le service public audiovisuel sous toutes ses nombreuses déclinaisons, et il le qualifie de « repaire de gauchistes ». Pour le mettre au pas, il vient de recueillir avec son parti plus de 100 000 signatures, de quoi convoquer dans les dix-huit mois une votation qui pourra ordonner de réduire massivement la redevance.
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