C’est une première médicale – et une lumineuse innovation. Un patient, devenu aveugle à la suite d’une maladie dégénérative de la rétine, a recouvré une fonction visuelle partielle grâce à une technologie de pointe, l’optogénétique. « C’est la première fois que l’optogénétique montre un résultat clinique, toutes disciplines confondues », relève José-Alain Sahel, fondateur de l’Institut de la vision, à Paris, professeur à l’université de Pittsburgh (Etats-Unis) et à Sorbonne Université. Il est le premier auteur de cette avancée, publiée le 24 mai dans la revue Nature Medicine. Ce travail est le fruit d’une collaboration entre l’Institut d’ophtalmologie moléculaire et clinique de Bâle (Suisse), l’Institut de la vision et l’université de Pittsburgh, avec la société GenSight Biologics.
Qu’est-ce que l’optogénétique ? Cette fée savante tire ses pouvoirs d’un pacte audacieux entre deux elfes : le génie génétique et la lumière. En clair, elle rend certains neurones sensibles à la lumière grâce à une ruse : elle y introduit un gène qui code une protéine photosensible – une « opsine », c’est-à-dire un canal ionique qui s’ouvre, une fois éclairé à une longueur d’onde précise. Les neurones ayant incorporé ce gène porteront cette protéine. Ensuite, il suffira à notre bonne fée de les illuminer avec un faisceau lumineux. Mini-miracle : ils s’activeront.
« Le 12 mars 2019, j’ai reçu dans l’œil droit une injection d’un virus génétiquement modifié », raconte Alain B., 60 ans. Inoffensif, ce virus ciblait certains neurones de l’œil. Sa mission : leur apporter le gène d’une opsine d’algue rouge, réactif à une lumière « ambre » (à 600 nanomètres). Et les rendre ainsi sensibles à cette couleur. Cette injection a eu lieu à l’hôpital des Quinze-Vingts, à Paris.
« Une petite gêne pendant deux heures, et c’est tout »
Depuis l’adolescence, Alain B. savait qu’il était aveugle la nuit. Et attribuait sa vision médiocre à sa myopie. Mais, à 25 ans, le diagnostic de rétinopathie pigmentaire tombe. Liée à la mutation d’un gène, cette affection détruit progressivement les photorécepteurs de la rétine, ces cellules qui captent les stimuli visuels. Ce qui, souvent, conduit à la cécité. Plus de 2 millions de personnes sont concernées dans le monde – environ 16 000 en France.
A 43 ans, Alain B. change de travail. Engagé dans une société américaine, il est chargé de la restructurer. « Un stress conséquent. » Sa vision empire. « Tout était dans un brouillard de plus en plus laiteux. Je suis tombé deux fois, sur les rails d’un métro et sous la roue d’une voiture. » En 2004, il est mis en invalidité, à 44 ans.
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