En Guinée-Bissau, ces dernières années, la forte dégradation du contexte sécuritaire pour la presse ainsi que les pressions politiques et économiques ont mis l’exercice du journalisme à rude épreuve.
Paysage médiatique
La relative diversité du secteur médiatique bissau-guinéen est caractérisée par une forte polarisation. Les médias gouvernementaux, qui subissent une très grande influence des pouvoirs publics, sont : la télévision nationale, qui peine à couvrir tout le territoire, la radio nationale, le journal No Pintcha et l’agence de presse de la Guinée-Bissau. Le pays abrite également 88 radios privées et communautaires, des journaux privés et un faible nombre de médias en ligne.
Contexte politique
Les journalistes doivent faire face à une instabilité politique chronique, comme l’a encore montré le coup d'État avorté de février 2022. Les pressions sont fréquentes. Ces dernières années, un journaliste a été suspendu par le directeur de la télévision publique pour n’avoir pas interviewé le président Umaro Sissoco Embaló, qui prenait part à un tournoi de football, et le président a menacé de fermer plusieurs stations de radio n’ayant pas d’autorisation définitive de fonctionnement. Il a aussi traité les journalistes de “bouches à louer”. En janvier 2022, les autorités bissau-guinéennes ont également ordonné l’arrêt des programmes de Capital FM, l’une des radios les plus écoutées du pays, réputée proche de l’opposition, l’accusant de ne pas avoir renouvelé une taxe annuelle.
Cadre légal
Si la Constitution garantit la liberté de la presse et dispose qu’elle doit être indépendante des intérêts économiques et politiques, ce n’est pas le cas dans la pratique. Il existe cependant une loi sur la presse et le statut de journaliste est reconnu dans le pays. La Guinée-Bissau n’a pas de loi pour garantir l’accès à l’information aux citoyens.
Contexte économique
La publicité dans les médias et les ventes de journaux sont très faibles. Certains journalistes n’assurent la couverture d’évènements que quand ils sont pris en charge par l’organisateur. Dans certaines radios, beaucoup d’émissions ne sont diffusées qu’après le paiement d’une somme forfaitaire. Les médias gouvernementaux, supposés avoir plus de moyens, ne sont pas épargnés par les difficultés économiques. Avec un salaire mensuel moyen de 50 euros, beaucoup de journalistes se voient obligés de s’affilier à un parti politique pour survivre. Les patrons de la grande majorité des radios communautaires et des radios privées, très fragiles économiquement, ont été menacés de prison s’ils ne s'acquittaient pas de la somme de 380 euros correspondant à la licence.
Contexte socioculturel
Les médias sont très souvent obligés d’exercer une forme d’autocensure, notamment sur des sujets jugés sensibles comme le trafic de drogue. Les détournements de fonds et la corruption, qui n’épargnent pas les journalistes, font partie des sujets peu ou pas traités.
Sécurité
Journalistes et médias sont régulièrement exposés à des agressions physiques, comme le montrent les attaques armées qui ont visé, début février 2022, les locaux de Capital FM et la maison d’un de ses journalistes. En février 2021, un journaliste a été agressé et brièvement détenu par la police qui a détruit son téléphone et son enregistreur alors qu’il couvrait une manifestation d’étudiants. En mars 2021, António Aly Silva, journaliste indépendant qui critique régulièrement et ouvertement le président, a été enlevé, battu et abandonné sur l’une des artères de la capitale Bissau par des inconnus. Les radios, surtout les stations indépendantes, sont souvent menacées d’être suspendues.