La presse est extrêmement dynamique, en dépit des attaques ciblées et du harcèlement continu lancé depuis 2016 par le gouvernement philippin contre les journalistes et les médias trop critiques.
Paysage médiatique
Les chaînes radio et TV sont les médias les plus suivis et parmi eux, le géant GMA-7 remporte une part d’audience qui approche les 50 %. Son grand concurrent, le réseau ABS-CBN, dont la licence de diffusion a été supprimée en 2020, poursuit sa diffusion grâce à sa présence grandissante en ligne. La presse écrite est en perte de vitesse, même si le Philippine Daily Inquirer reste un journal de référence, porté notamment par sa version numérique, Inquirer.net. Le site Rappler, fondé en 2012 par la prix Nobel de la paix Maria Ressa, a su trouver un lectorat stable sur internet et les réseaux sociaux. Les publications régionales peinent à survivre sans une forte présence en ligne, à l’image de grands titres en perte de vitesse comme le Sunstar Baguio ou le Visayan Daily Star.
Contexte politique
En juin 2022, l’élection à la présidence de Ferdinand Marcos Junior, dit “Bongbong”, a laissé une grande part des journalistes philippins dans l’expectative, puisqu’il est précédé par la réputation de son père, l’ancien dictateur Marcos Senior – prédateur “historique” de la liberté de la presse dans le pays. Avant 2022, les six ans de présidence de Rodrigo Duterte ont été marqués par de nombreuses attaques verbales du chef de l’État contre les journalistes, doublées d’un harcèlement judiciaire contre tout média jugé trop critique du gouvernement. C’est sous sa mandature que le Congrès a refusé de renouveler l’autorisation de diffuser des chaînes du réseau ABS-CBN, conduisant à la fermeture de dizaines de chaînes radio et télé. Durant cette période, plusieurs portails d’information, comme ceux du réseau Altermidya, ont été la cible de cyberattaques menées par les trolls pro-Duterte, pouvant entraîner leur suspension. Si ces attaques semblent moins nombreuses et moins violentes depuis l’arrivée de Bongbong Marcos, elles restent préoccupantes.
Cadre légal
La Constitution de 1987 garantit la liberté de la presse, mais dans les faits, le droit philippin ne protège pas le libre exercice du journalisme. La diffamation reste criminalisée. La journaliste Maria Ressa risque ainsi plusieurs décennies de prison après des actions en justice intentées par plusieurs agences gouvernementales. Son acquittement, en janvier 2023, dans une affaire d'évasion fiscale est perçu comme un élément encourageant. En revanche, plusieurs lois relatives à la propriété des médias ou à la fiscalité sont instrumentalisées par le gouvernement pour harceler les médias critiques, comme le site Rappler.
Contexte économique
Traditionnellement forte dans le pays, la concentration des médias grand public s’est récemment aggravée. Ce phénomène s'accompagne d’une forte proximité entre les familles dirigeantes et les barons politiques aux niveaux régional et national. Ainsi, le duopole entre ABS-CBN et GMA est désormais remis en cause par un troisième géant des communications, le groupe Villar, détenu par la famille du même nom, qui est ouvertement affiliée au clan du président Duterte. Les journalistes qui travaillent pour ce type de média ont peu d’autonomie éditoriale, de sorte que l’autocensure est la règle et que les pratiques déontologiques ne sont pas garanties. Dans ce contexte, internet et les réseaux sociaux offrent un espace de liberté pour de nombreux médias indépendants, mais leur précarité financière grève leur viabilité économique.
Contexte socioculturel
Sous l’ère Duterte, surnommé le “Punisher”, les journalistes qui ont voulu couvrir sa politique expéditive de “guerre à la drogue” ont été la cible des pires attaques. La politique de son successeur, Bongbong Marcos, est à ce titre plus consensuelle. En revanche, les gouvernants ont encore régulièrement recours au “red-tagging”, ou “catalogage communiste”. Cette pratique, héritée de la colonisation états-unienne et de la guerre froide, consiste à stigmatiser comme “éléments subversifs” les journalistes qui ne suivent pas la ligne du gouvernement – ce qui revient à les désigner aux forces de l’ordre comme cible légitime d’une arrestation arbitraire ou, pire, d’une exécution sommaire. Ainsi, la journaliste Frenchie Mae Cumpio, arrêtée en février 2020, est injustement détenue dans une prison du sud du pays sur la base de preuves fabriquées par la police.
Sécurité
Les Philippines sont l’un des pays les plus meurtriers au monde pour les journalistes, à l'image du massacre de 32 reporters à Maguindanao, dans le sud du pays, en 2009. Surtout, l’impunité de ces crimes est quasiment totale. Pour y faire face, le gouvernement a mis en place, en 2016, une Force spéciale présidentielle sur la sécurité des médias, mais cet organe interministériel s’est avéré incapable d’enrayer le cercle vicieux de la violence contre les journalistes. Dans les régions, de nombreux professionnels des médias sont la cible de menaces et de poursuites. Les violences spécifiques liées au genre visent les femmes journalistes : menaces de viol, cyberharcèlement, dévoilement des coordonnées personnelles, etc.