Conférence de presse de Mortaza Behboudi : “la médiatisation m’a sauvé”

Lors d’une conférence de presse le lundi 23 octobre, dans les locaux de Reporters sans frontières (RSF), le journaliste Mortaza Behboudi, s’est exprimé devant les médias sur ses neuf mois de détention en Afghanistan, trois jours après son retour en France.

Détenu à Kaboul depuis le 7 janvier par les services talibans, le journaliste a été libéré de prison le 18 octobre 2023, après 284 jours de détention. La cour criminelle de la capitale afghane l’a acquitté des charges d'espionnage, de soutien illégal à des étrangers et d’aide au franchissement de frontières. L’aboutissement d’une mobilisation de RSF aux côtés de ses proches et de ses confrères, débutée dès janvier 2023 pour le défendre auprès des autorités talibanes.

Je veux remercier tous les gens qui m’ont aidé à sortir, Reporters sans frontières et toute l’équipe qui s’est battue jour et nuit, et surtout ma femme Aleksandra… Un grand merci au comité de soutien et à vous les médias. Sans vous, je n’imaginais pas rester vivant. […] Après 20 jours difficiles d’interrogatoires, l’homme qui m’interrogeait au service central des renseignements taliban m’a dit : on ne va rien vous faire, […] on ne peut pas vous tuer car vous êtes partout dans les médias.

Mortaza Behboudi
Journaliste

Le journaliste a raconté son arrestation le 7 janvier 2023, alors qu’il interviewait des femmes, interdites d’étudier, devant l’université de Kaboul. Le reporter est ensuite accusé d’espionnage et de fournir des fonds à la résistance afghane. Au fil de longs mois de détention, aux mains du service de renseignement afghan, il subit des interrogatoires répétés. Ses conditions de détention sont particulièrement éprouvantes dans la prison de Shash-Darak, où se trouvent 1 200 prisonniers politiques. “Je me suis senti comme kidnappé. Il n’y avait pas de jugement, rien, pas de futur. Nous étions dans des chambres de 2 à 3 m2. Avec onze, douze personnes. Parfois mélangé avec des membres de Daech. J’étais harcelé tout le temps. Ils se permettaient de me frapper.”

Fin juillet, Mortaza Behboudi est finalement transféré dans la prison de Pul-e-Charkhi où se trouvent les détenus de droit commun. La phase judiciaire s’ouvre alors devant la cour criminelle de Kaboul. Pour assurer sa défense, RSF était parvenu à mandater deux avocats afghans. Le 18 octobre, les juges décident finalement de sa libération. Les efforts de la mobilisation internationale et les échanges avec les autorités locales, établis par RSF, ont porté leurs fruits.

La mobilisation organisée pour la libération de Mortaza Behboudi a été extraordinaire. Et la médiatisation a eu un impact concret. La médiatisation et la mobilisation ont constitué des messages cruciaux adressés aux talibans. Des messages pour faire reconnaître ta qualité de journaliste, Mortaza, et pour montrer le soutien de toute la profession derrière toi. Mais comme tu l’as rappelé, le combat ne s’arrête pas là, d’autres journalistes afghans sont toujours enfermés, et RSF poursuit sa mobilisation pour l’ensemble des journalistes.

Christophe Deloire
Secrétaire général de RSF
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