Décision anachronique au Gabon : les journalistes exclus du processus de nomination de l’organe de régulation des médias

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Les journalistes ont été évincés du processus de nomination des membres de la Haute Autorité de la communication (HAC), l’organe de régulation des médias gabonais. Reporters sans frontières (RSF) dénonce un bond en arrière à l’approche de l’élection présidentielle et appelle les autorités à revenir sur cette réforme dangereuse.

“Tout ce qui est fait pour nous, sans nous, est fait contre nous.” C’est ainsi que le président de l’Organisation patronale des médias (OPAM), Obame Ngomo, résume la récente modification de la loi organique de la Haute Autorité de la communication (HAC). 

Promulguée le 3 juillet, cette nouvelle loi modifie le mode de nomination du collège de la  HAC : désormais, ce sont le président de la République et les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale qui désignent chacun trois membres du collège. Ce qui constitue un retour à l’ancien mode de nomination avant que la HAC ne remplace le Conseil national de communication en 2018 et fait craindre une vassalisation de cet organe. Les journalistes, qui pouvaient auparavant choisir deux des neuf membres de l’organe de régulation des médias, sont désormais relégués au rang de simples spectateurs.

Le Gabon avance à reculons : réduire les journalistes à de simples spectateurs sur des questions cruciales qui concernent la régulation de l’exercice de leur métier est anachronique. Laisser le pouvoir désigner l’ensemble du collège de la HAC ouvre la porte à des dérives inquiétantes et des décisions arbitraires. Un organe de régulation impartial, où le débat est accepté et encouragé, devrait être une priorité au Gabon, qui plus est à la veille de l’élection présidentielle. Nous appelons les autorités à revenir sur cette réforme dangereuse afin d’inclure les journalistes dans le processus de désignation des membres de la HAC.

Sadibou Marong
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF

Les motifs de cette modification du mode de nomination demeurent flous. “Nous avons rencontré les autorités pour comprendre les mobiles qui les ont amenées à changer la loi. Mais personne n’a voulu assumer la paternité de cette modification,” explique Obame Ngomo. L'amendement de la loi organique a été réalisé dans l’opacité la plus totale. Le Journal officiel ne l’a pas publié avant la mi-juillet selon nos informations, et les membres de la HAC eux-mêmes n’y ont pas eu accès avant cela. 

Le nouveau comité élu début juillet s'est pourtant réuni le 12 juillet avec d’ores et déjà un pouvoir décisionnaire. Il a en effet prononcé trois mises en demeure et une suspension de média. Des médias proches du pouvoir, sanctionnés après que la HAC ait été saisie par le dirigeant du parti de l’opposition Union nationale pour “atteinte à la notoriété et à la réputation des dirigeants de l’Union nationale”.

Des sanctions qui, sans garde-fous issus de la profession directement, n’enlèvent en rien les risques d’avalisation de l’autorité aux jeux politiques. La plupart des six nouvelles personnes intégrées à la nouvelle HAC sont certes d’anciens professionnels de l’information mais ayant désormais embrassé une carrière politique. Leur indépendance vis-à-vis du pouvoir en place peut alors être sujette à caution. “Les autorités politiques ont nommé des personnes qui répondront présent lorsque le pouvoir aura besoin d’eux pour sanctionner des médias,” estime le journaliste Abel Mimongo, inquiet par la réforme. Élu par ses pairs en juin 2018, il a vu son mandat à la HAC se terminer début juillet, tout comme le journaliste Timothée Boussiengui. 

Cette réforme intervient à l’approche du premier tour de l’élection présidentielle du 26 août prochain, au cours de laquelle Ali Bongo, au pouvoir depuis 2009, briguera un troisième mandat.

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