Equateur : à la veille des élections générales, RSF s’inquiète du climat croissant d’insécurité pour les journalistes

L’aggravation de la crise politique et la montée en puissance du crime organisé impactent les journalistes en Equateur. À l’approche du premier tour des élections générales, le 20 août prochain, Reporters sans frontières (RSF) exhorte les autorités à tout mettre en œuvre pour garantir le droit à l’information et pour protéger les professionnels de l’information.

Le 9 août dernier, l’un des candidats à la présidentielle - et journaliste, Fernando Villavicencio, est assassiné à la sortie d’un meeting politique à Quito. Ce crime a attiré l’attention internationale sur l’ampleur de la crise politique et institutionnelle en Équateur. Quelques jours plus tard, une autre fusillade a coûté la vie à Pedro Briones, leader local de Revolución Ciudadana dans la province de Esmeraldas - le parti de l'ancien président Rafael Correa. Un climat qui révèle une montée en puissance du crime organisé.

Une menace qui pèse aussi sur les journalistes. La présence de “Groupes de Délinquance Organisée” (GDO), des mafieux alliés aux cartels de la drogue mexicains, colombiens ou albanais, fait peser une pression permanente sur ceux qui enquêtent sur la corruption et les trafics de drogue, particulièrement dans les provinces côtières et frontalières d’Esmeraldas et de El Oro. Dans un tel climat, de nombreux journalistes s’autocensurent désormais, selon les informations recueillies par RSF, sous couvert d’anonymat. 

Les journalistes subissent par ailleurs de plein fouet une hostilité croissante de la classe politique dans un contexte d’instabilité croissante ces derniers mois. Les Équatoriens sont appelés aux urnes, ce dimanche 20 août, car le président sortant, Guillermo Lasso, a dissous, en mai dernier, l’Assemblée qui menaçait de le destituer. La candidate à l’élection présidentielle longtemps en tête des sondages, Luisa Gonzalez, soutenue par l'ancien président Rafael Correa, s’est attaquée le 21 juillet dernier à la presse à l’antenne d’Oromar Televisión. Elle a été jusqu’à qualifier certains médias de "trafiquants d'informations", “tueurs à gages" vendus pour anéantir des réputations ou encore de "pseudo-journalistes".

La violence politique est un élément central de l'intimidation de la presse. Depuis le début de l'année, il y a une augmentation significative des témoignages inquiétants et des demandes d'assistance de la part de reporters équatoriens. Certains d'entre eux cherchent à s'installer dans d'autres villes ou à s’exiler en raison de menaces de mort. Les journalistes travaillent dans un climat d'insécurité et d’hostilité croissante. Pourtant, la crise institutionnelle et les élections à venir exigent plus que jamais que le droit à une information fiable soit assuré. Les autorités doivent s'engager à tout mettre en œuvre pour garantir la sécurité des journalistes afin de préserver le droit à l’information.

Artur Romeu
Directeur du bureau Amérique latine de RSF

Les journalistes d’investigation sont particulièrement ciblés par les intimidations. Le président sortant Guillermo Lasso a menacé les journalistes du média en ligne indépendant  La Posta, lors d’un discours à la télévision nationale le 14 février. Ceux qu’il qualifie de "mercenaires du spectacle" avaient publié en janvier l’enquête “Le Grand Parrain”, dans laquelle ils révélaient des actes présumés de corruption et de trafic de stupéfiants, impliquant des fonctionnaires du gouvernement et le beau-frère du chef de l’Etat. Pour Lasso, ces journalistes ont porté atteinte à son intégrité et à celle de sa famille. Tout en tapant du poing sur la table, il a déclaré, face caméra, que les "15 minutes de gloire" des journalistes avaient pris fin et qu'il "combattrait ceux qui veulent violer la liberté d'expression".

Fin juillet, face à l’ampleur des menaces émanant des politiques et du crime organisé, les journalistes de La Posta, Andersson Boscán et sa femme Monica Velasquez, ont fui le pays. Depuis le début de l'année, au moins quatre journalistes et collaborateurs ont dû s’exiler face aux pressions. 

Entre les éditions 2022 et 2023 du classement mondial de la liberté de la presse de RSF, l'Équateur a perdu 12 places, passant de la 68e à la 80e position sur 180 pays. Le recul le plus important a été enregistré au niveau de l'indicateur de sécurité, influencé par l'assassinat des journalistes Mike Cabrera, Gerardo Delgado et César Vivanco.

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