Kurdistan irakien : RSF s’inquiète d’une montée de la répression contre les journalistes

Mise à jour le 20/09/2023 : La peine du journaliste Guhdar Zebari a été prolongée pour la seconde fois par les autorités du Kurdistan irakien sous prétexte d'avoir trouvé une arme dans une maison où le journaliste avait été arrêté. Il s'agit en fait d'un fusil de chasse qui n'appartient pas à Guhdar, mais à son grand-père. En réaction, Guhdar a entamé une nouvelle grève de la faim à la prison de l'Asaiysh Gishti (direction générale de la sécurité), où il est détenu depuis le 16 août.

Alors que la peine de prison du journaliste Sherwan Sherwani a été prolongée et que plusieurs professionnels des médias viennent d’être arrêtés de manière arbitraire, Reporters sans frontières (RSF) tire la sonnette d’alarme sur la multiplication des atteintes à la liberté de la presse au Kurdistan irakien.

Alors que le Kurdistan irakien était jusque-là relativement sûr pour les journalistes dans la région, RSF comptabilise, depuis le début de l'année 2023, une vingtaine de professionnels de l’information ayant été détenus. Ces derniers jours illustrent cette escalade des atteintes à la liberté de la presse.

“C'est une punition cruelle et vindicative que d'utiliser une lettre signée par le journaliste Sherwan Sherwani relative à sa demande de libération conditionnelle, comme prétexte pour le condamner à quatre années de prison supplémentaires. Elle constitue une sanction contre un journaliste qui refuse de se taire, même derrière les barreaux. Quant à l'arrestation de son confrère Omed Baroshki, ainsi que toutes les arrestations arbitraires et les conditions dans lesquelles elles ont eu lieu, tout cela porte atteinte à la liberté de la presse. Il s'agit d’une menace brandie contre ceux qui s'expriment librement à l'extérieur. Ces intimidations ne doivent plus se reproduire et Sherwan Sherwani, ainsi que tous les autres journalistes détenus doivent être libérés

Jonathan Dagher
Responsable du bureau Moyen-Orient de RSF

Quatre années de prison supplémentaires viennent d’être prononcées, le 20 juillet, pour le journaliste indépendant et ancien rédacteur en chef du mensuel Bashur Sherwan Sherwani par la cour pénale d'Erbil, capitale du Kurdistan irakien. Il est accusé d’avoir imité la signature de son confrère codétenu, Guhdar Zebari, dans une lettre relative à leur demande de libération conditionnelle en août 2022. Pourtant, ce dernier avait témoigné devant le tribunal qu'il avait donné son accord pour que son nom soit ajouté à la lettre, pendant qu'il était à l'isolement. 

En mars 2023, Guhdar Zebari avait lui-même été victime d'un stratagème judiciaire similaire : alors qu’il allait être libéré, sa peine avait été prolongée de sept mois pour une soi-disant falsification de la marque de sa voiture trois années auparavant, selon les informations recueillies par RSF.

Plus récemment, le jour de la condamnation de Sherwan Sherwani, le journaliste indépendant Omed Baroshki a dénoncé devant les caméras cette décision, accusant le dirigeant du Kurdistan irakien, Masrour Barzani, d'avoir personnellement ordonné la prolongation de la peine. Il a aussitôt été arrêté à son domicile de Dohuk par les forces de sécurité kurdes (Asayish). Aucune charge n'ayant été retenue contre lui, Omed Baroshki a été libéré le lendemain.

​​Arrêté en 2020 avec quatres autres collègues Guhdar Zebari, Hariwan Issa, Ayaz Karam et Shivan Saeed, connus sous le nom de “prisonniers de Bahdinan” –, Sherwan Sherwani est emprisonné depuis octobre 2020 pour “espionnage” alors qu’il travaillait sur des enquêtes de corruption des dirigeants du Kurdistan irakien, dont le clan Barzani. Il devait être libéré le 9 septembre 2023, après une réduction de peine de six à trois ans octroyée par le président régional du Kurdistan, Nechirvan Barzani, neveu de l’ancien président, Massoud Barzani.

Le 26 juillet, alors que plusieurs journalistes et membres d’ONG tentaient de se réunir devant le tribunal de Dohuk pour protester contre la prolongation de l’emprisonnement de Sherwan Sherwani, les forces de sécurité les ont empêché de s’exprimer publiquement auprès des médias présents pour couvrir l'événement.

La veille, ce sont les journalistes du média indépendant NRT TV, dont Omed Chomani, et Goran Abdul-khaliq, qui ont été arrêtés par les forces de sécurité alors qu'ils couvraient une manifestation organisée par les habitants pour protester contre la pénurie d'eau dans l’un des quartiers d'Erbil. Murad Ahmed, un autre reporter de la NRT TV à Erbil, a rapporté que ses collègues ont été arrêtés par une voiture noire sans plaque d'immatriculation, puis transférés au district central d'Erbil. Ils ont été relâchés après plusieurs heures d’interrogatoire.

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Updated on 27.07.2023